19 Janvier 2021
Image d'illustration: Image par OpenClipart-Vectors de Pixabay
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Le Nez à Nez
Si cela n’a rien à voir avec le « baiser esquimau », surtout au niveau des conséquences que cela entraîne, l’image du salut Inuit est assez parlante pour comprendre le risque majeur que représente deux trains qui se percutent de front (ou de nez si vous préférez).
C’est dans le contexte du régime d’exploitation de la voie unique que ce danger est le plus prégnant même si, dans certains cas exceptionnels, on pourrait également le rencontrer en double voie lors de VUT, de mouvements à contre-voie (nous en parlerons dans le chapitre correspondant) ou bien en gare si deux trains sont reçus sur la même voie et qu’un des deux a franchi un signal fermé.
Pour pallier le risque de nez à nez, les premières mesures reposaient sur le droit à la voie qui devait se traduire par le respect de l’ordre normal de circulation des trains à marche tracée. Je me souviens encore du numéro et du contenu de l’article qui faisait foi (article 410 du Titre 4, remplacé à l’identique par l’article 201 du S4A puis IN1527). Que prévoyaient ces prescriptions ?
Quatre cas de figure couvraient la totalité des situations de circulation pouvant se produire selon que l’on se trouvait dans une gare origine ou dans une gare intermédiaire.
Dans une gare origine d’une ligne à voie unique, tout train s’engageant sur cette ligne ne doit être expédié qu’après l’arrivée des trains de sens contraire ayant lieu (trains prévus à circuler qu’ils soient réguliers ou bien facultatifs, spéciaux ou supplémentaires qui auraient été régulièrement commandés au préalable) dont l’heure normale d’arrivée précède l’heure normale de départ du train de la gare origine.
Dans une gare intermédiaire où se croisent deux trains ayant lieu, chacun de ces trains ne peut être expédié qu’après l’arrivée du train croiseur (les cas de report de croisement font l’objet de mesures particulières traitées par échanges de dépêches entre agents-circulation après décision du report de croisement par le régulateur sur ligne régulée).
Dans une gare intermédiaire dans laquelle un train a son origine (Cf. le paragraphe de la gare origine ci-dessus dont les mesures sont les mêmes)
Dans une gare intermédiaire dans laquelle un train a son terminus, les trains de sens contraire, ayant lieu, dont l’heure normale de départ suit l’heure d’arrivée du train ayant son terminus ne doivent être expédiés qu’après l’arrivée effective de ce train.
Dans de pareils cas, l’agent circulation qui doit expédier un train qu’après l’arrivée d’un train de sens contraire doit prendre les mesures pour arrêter et retenir ce train jusqu’à l’arrivée du train de sens contraire attendu. Les deux mots « arrêter et retenir » ne vont pas l’un sans l’autre et cet automatisme est vite acquis par le jeune cheminot tant on lui rabâche les oreilles avec cette prescription qui figure parmi les plus utilisées au Transport.
Le cas des trains à marche indéterminé (MI) qui ne font pas partie des trains à marche tracée est traité à part compte tenu de sa spécificité. Après avoir été commandé par le régulateur sur lignes régulées, l’agent circulation de la gare qui doit expédier le train MI doit tout d’abord prendre les mesures pour arrêter et retenir ce train puis il transmet une dépêche de demande de voie afin d’obtenir la double assurance : 1) le dernier train expédié vers sa gare est bien arrivé ; 2) aucun train ne sera plus expédié vers sa gare tant que le train MI ne sera pas arrivé à la gare suivante.
La formulation de la dépêche est la suivante : Dernier train reçu de … est train n°… à ..H .. mn, puis-je vous expédier train MI (sa nature exemple machine HLP) se rendant à marche indéterminée jusqu’à…
L’agent-circulation qui reçoit cette dépêche prend les mesures pour arrêter et retenir les trains de sens contraires au train MI et répond à la dépêche en donnant le dernier train qu’il a expédié puis l’autorise à expédier le train MI. Cette procédure est répétée de gare en gare jusqu’à la gare de destination du train MI.
Ces bases réglementaires peuvent être complétées par des installations comme le block en BMVU (voir le chapitre correspondant).
Dans certaines gares situées par exemple sur les lignes à VU à signalisation simplifiée (annexe 1 au S4A, ex IGS4 pour les plus anciens), les mesures de sécurité qui s’opposent à l’expédition de deux trains à la rencontre l’un de l’autre reposent essentiellement sur le strict respect de l’ordre de circulation des trains. L’accident de Flaujac en 1985 s’est produit sur ce type de ligne, nous en reparlerons. Je peux vous assurer qu’ayant moi-même travaillé une paire d’années sur des installations similaires, je regardais plutôt deux fois qu’une le tableau de succession des trains pour être sûr que le train auquel j’allais donner l’autorisation de départ avait bien droit à la voie. Tout agent circulation qui travaille en voie unique garde toujours présent à l'esprit le risque de nez à nez.