23 Janvier 2021
Image d'illustration Image Loïc Giuliani
Cas pratiques de circulation en Voie directe type SNCF avec block
Après avoir décrit les gares de voie directe et les appareils de block, voyons comment, en pratique, ces installations étaient utilisées par les agent-circulation (AC). Il s'agit de donner un aperçu de ce que pouvait être le travail d'un agent mouvement dans une petite gare vis-à-vis de la sécurité des circulations.
Pour tous les exemples qui suivent, on considérera que l’on se trouve sur la section de ligne de A à C dans la gare intermédiaire de B. Les gares sont de voie directe type SNCF, équipées du BMVU et la ligne est régulée. Seules les opérations de l’agent circulation de B seront décrites.
1) Cas simple de la desserte d’un train dont l’origine est A et le terminus C
è Après le départ de la gare amont (A) du train T1, la gare B reçoit l’annonce de A sur l’armoire de block côté A. Le voyant d’annonce passe de l’apparence (stries verticales blanches et noires) à bleu. Une sonnerie retentit et l’agent de B doit appuyer sur le bouton (arrêt sonnerie) pour l’arrêter.
è L’agent de B s’assure en consultant le tableau de succession des trains (TST) que le train T1 a bien droit à la voie vis-à-vis de la gare C. Il peut alors aller faire le test à l’armoire de block côté C et si la réponse apparait (Croix verte sur fond blanc : voir les conditions vérifiées par le test dans l’article sur le BMVU) il se rend au poste à leviers et ouvre le sémaphore, l’avertissement et le disque en mettant les leviers en position renversée (voir l’enclenchement par toc entre le sémaphore et l’avertissement dans l’article correspondant).
è Le train franchit les signaux à distance et les ferme par « aubinage » (fermeture obtenue par action d’une pédale sur la voie). Le train entre en gare. L’agent de la gare B assure le service du train. Dans les petites gares, là où il n’y avait pas de sono ce qui était le cas général, l’agent devait parcourir le train en annonçant à voix haute le nom de la gare, puis manutentionner éventuellement des bagages ou colis au fourgon. Une fois le service du train terminé et à l’heure de départ, l’agent de la gare donnait un coup d sifflet puis le signal de départ à l’aide de l’instrument rouge appelé guidon qui, lorsqu’il s’ouvrait, présentait une bande verticale verte sur fond blanc. Et tout cela, comme le disait le règlement, si « rien ne s’y oppose » Avant 1978, il fallait aussi récupérer les billets des voyageurs en effectuant un contrôle de sortie.
è Le train part vers C. L’agent de la gare B regarde le « défilé » du train et s’assure qu’il est complet (signalisation de queue). Il se rend alors au poste à leviers, confirme la fermeture du disque et avertissement en redressant les leviers, puis dès que le sémaphore est aubiné (apparition du contrôle de fermeture) confirme la fermeture en redressant le levier du sémaphore. Il retourne aux armoires de block. Rend la voie côté A en appuyant sur le bouton poussoir de reddition sur l’armoire côté A (le voyant bleu de l’annonce redevient à striures blanches et noires). Annonce le train côté C en appuyant sur le bouton poussoir d’annonce (le voyant blanc de reddition devient rouge).
è De retour en gare, l’agent B note sur le registre de circulation dans le cadre A les horaires d’arrivée et de départ du train T1. Il contacte le régulateur et lui transmet ces informations.
è Une fois que le train est arrivé à C, la gare rend voie libre ce qui a pour effet de faire passer le voyant de reddition du rouge au blanc. Une sonnerie tinte de façon fugitive pendant quelques secondes. L’agent de la gare de B n’a pas à intervenir pour l’arrêter.
Avant 1978 et l’accès libre institué, les billets qui avaient été recueillis au contrôle de sortie étaient archivés après avoir été annulés par une pince perforant le billet à l’aide d’une marque triangulaire. Ces billets étaient envoyés mensuellement au GICR (groupe d’inspection comptable régional) pour vérifications et recherches d’éventuelles fraudes.
2) Cas de croisement des trains T3 et T4 en gare de B
Le train T3 vient de A, le train T4 vient de C.
è L’agent de B doit préparer suffisamment tôt le croisement qui nécessite, comme vous allez le voir, un certain nombre de manœuvres. Rappelons que la gare dispose d’une voie directe et d’une voie déviée appelée voie d’évitement. Le principe est de recevoir un train sur la voie directe et un train sur la voie déviée en disposant convenablement les aiguilles après les avoir déverrouillées. L’agent se rend au poste à leviers et effectue les opérations suivantes :
- il enclenche les leviers des deux disques et des deux avertissements à l’aide des serrures à pêne saillant situées sur les leviers. Il récupère les clés et les insère puis les tourne dans la serrure centrale (un exemple de serrure centrale est présentée dans ce lien : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Serrure_centrale_d%27enclenchement_La_Chaux_des_Crotenay.png?uselang=fr
Une serrure à pêne saillant est présentée ci-dessous.
- cette action permet la libération des 2 clés des verrous (celui de l’aiguille qui restera en voie directe et celui de l’aiguille qui va être mise en voie déviée). Il insère et tourne ces clés dans les serrures des leviers des verrous.
- il renverse les deux leviers des verrous. Cette action provoque la présentation du TIV de rappel 40 à la pointe des deux aiguilles (une aiguille déverrouillée ne peut pas être franchie en vitesse).
- il récupère la clé du verrou de l’aiguille qui va être disposée en voie déviée, clé qui se trouve libérée par le renversement du levier. Il insère cette clé dans la serrure à pêne du levier de l’aiguille. Il renverse le levier ce qui dispose l’aiguille en voie déviée.
- cette dernière action libère la clé de l’aiguille qui a été mise en voie déviée. Il met cette clé à la serrure centrale.
- il récupère sur le levier du verrou de l’aiguille restée en voie directe la clé qui enclenche le levier en position renversée. Il met cette clé à la serrure centrale.
- les conditions de sécurité sont à présent réunies : les aiguilles opposées sont disposées en position inverse (une voie directe, l’autre voie déviée) et les deux verrous sont retirés (TIV 40 présenté). La serrure centrale autorise alors la libération de la deuxième clé de chacun des disques que l’agent récupère et insère puis tourne dans les serrures à pêne. Cette action libère les leviers des 2 disques de leur enclenchement par serrure. L’agent de la gare de B peut alors ouvrir les deux disques.
è Après le départ de la gare A du train T3, celui-ci est annoncé à B. Cette action provoque à l’armoire de block du côté de A l’apparition du voyant de l’annonce au bleu. L’agent arrête la sonnerie.
è Après le départ de la gare C du train T4, celui-ci est annoncé à B. Cette action provoque à l’armoire de block du côté de C l’apparition du voyant de l’annonce au bleu. L’agent arrête la sonnerie.
è Le train T3 entre en gare de B. L’agent assure le service du train et va en queue de train pour s’assurer qu’il est complet.
è Le train T4 entre en gare. L’agent de la gare B va confirmer la fermeture des disques et des avertissements des deux sens et actionne le bouton poussoir de reddition de l’armoire de block côté A pour rendre la voie du train T3 (voyant passe du bleu à des stries verticales blanches et noires). Il actionne le bouton poussoir du test côté A et attend la réponse (croix verte). Il se rend alors au poste à leviers pour ouvrir le sémaphore en direction de A.
è L’agent se dirige ensuite vers le train T4 pour lui donner le départ si le service du train est terminé, si c’est l’heure de départ et si rien ne s’y oppose par ailleurs. Il observe le départ du train et vérifie qu’il est bien complet.
è L’agent peut alors rendre la voie du train T4 (bouton poussoir de reddition côté C ; passage du bleu au strié noir et blanc) et faire le test pour le sémaphore côté C. Si la réponse est donnée (croix verte sur fond blanc), il peut aller renverser le levier du sémaphore pour son ouverture côté C.
è L’agent donne ensuite le départ au train T3 et se rend au poste à leviers.
è Il confirme la fermeture du sémaphore aubiné par le train T4 puis confirme la fermeture du sémaphore aubiné par le train T3.
è Il se rend aux armoires de block, effectue une action sur le bouton poussoir de l’annonce vers A pour annoncer le train T4 et va à l’autre armoire côté C pour annoncer le train T3 (passage du voyant de reddition du blanc au rouge).
è L’agent note les heures d’arrêt et de départ de T3 et T4 et communique au régulateur ces informations.
è Il retourne au poste à leviers pour faire l’opération inverse qu’il avait faite précédemment pour préparer le croisement.
è Lorsque T3 et T4 seront arrivés respectivement à C et à A les voies libres seront rendues à B, les voyants de reddition des deux armoires de block repasseront du rouge au blanc.
Vous constaterez que pour une gestion optimale de l’organisation, l’ordre des séquences arrivées/départs est l’inverse de celle que l’on utilise dans la logistique de gestion des stocks : FIFO (First In First out). Ce n’est pas le premier arrivé qui part le premier mais le dernier. Cette pratique découle de l’obligation de s’assurer que le train est complet et c’est donc sur le premier qui arrive que l’on fait cette vérification ce qui permet un gain de temps et de faire partir le second en premier. Ce n’est pas, toutefois, une règle stricte notamment si l’horaire impose de faire partir l’autre train avant et si le temps affecté au croisement est suffisant.
Sachez aussi que le croisement que l’on vient de voir peut se faire sans arrêt pour l’un des trains croiseurs. On reçoit le train qui a un arrêt en gare sur la voie déviée. On redresse l’aiguille d’accès et on la verrouille et on peut dès lors ouvrir au train croiseur comme pour un passage sans arrêt en gare. Ce cas trouve son application, par exemple, lorsqu’un train de marchandises qui peut stationner un certain temps croise un train de voyageurs sans arrêt.
Il en est de même pour un dépassement avec ou sans arrêt.
Les passages à niveau (PN) n’ont pas été abordés dans ces cas d’application. On aurait pu les traiter lors du croisement car c’est dans ce cas de figure que les stationnements en gare sont les plus longs ce qui peut générer des files d’attente importantes sur la route avec risque de gymkhana de la part de certains téméraires inconscients. En pareil cas la commande du PN peut-être basculée en mode manuel.