4 Février 2021
Image d'illustration G CHP, CC BY-SA 2.5 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5>, via Wikimedia Commons
Sources: RGCF Avril 1987 et des souvenirs personnels.
Changement d’époque : de la voie directe à la CCVB.
La CCVB sur Toulouse Saint Sulpice.
La description qui va suivre concerne la transformation de la section de ligne de Toulouse à Saint Sulpice en CCVB (Commande centralisée de voie banalisée) en 1985. Les aménagements qui ont été apportés depuis cette date, notamment ceux du doublement de la voie entre le poste T et le nord de Montrabé et entre Saint Sulpice et Roquesérière, ne seront pas repris dans cet article. Vous sera présentée, en quelque sorte, la version originale de cette section de ligne telle qu’elle était lors de sa mise en service le 29 septembre 1985.
1) Situation avant la mise en service.
Ce tronçon de voie unique, dont les gares étaient équipées en installations de « voie directe type SNCF » avec le système de block Block Manuel de Voie Unique depuis le début des années 1950, devait faire face à un accroissement notable de trafic, et donc des circulations, difficilement compatible avec son mode d’exploitation.
Pour avoir travaillé dans le milieu des années 70 dans ces gares et notamment à Montastruc où les services de matinée étaient épiques avec des croisements avec arrêt et sans arrêt et une succession de trains digne d’une double voie, je ne peux que comprendre la décision qui a été prise de moderniser les installations même si cela s’est traduit par une suppression des emplois d’agent-circulation (on parlait d’agent sécurité ou de chef de gare à l’époque) dont le métier était passionnant dans ces petites gares en raison de la diversité des tâches que l’on demandait à ces agents.
Entre Toulouse poste T (les régulateurs utilisaient souvent l’appellation « Lac Crémon » en souvenir de cette ballastière dont les eaux poissonneuses attiraient de nombreux pécheurs et qui a été comblée dans les années 1980) et Saint Sulpice, 3 gares et un poste de cantonnement intermédiaire (Roquesérière) assuraient l’espacement des trains. Les croisements n’étant possibles que dans les 3 gares équipées en voie directe : Montrabé, Gragnague et Montastruc.
Les cinq cantons existants n’avaient pas la même longueur, celui le plus long qui était le dimensionnant pour le tracé des horaires nécessitait 8 minutes pour être parcouru soit un espacement minimum compte tenu des croisements en ligne de l’ordre de 20’. Le plus court entre Gragnague et Montastruc était franchi en 3 ou 4 minutes soit une distance bien courte pour la gestion du block. Cela me rappelle une anecdote que j’ai vécue en 1975 et qui aurait pu me valoir une demande d’explications (7p1 dans le jargon cheminot) si je n’avais pas été en mesure de me justifier. Suite à un accident qui s’était produit à Saint Sulpice, les cadres supérieurs de la région avaient affrété un autorail (pratique existante à l’époque) en Marche indéterminée pour aller mener l’enquête sur cette collision sans gravité qui s’était produite entre une locomotive et un train (ou une autre locomotive je ne me rappelle plus exactement). Cet autorail était retenu à Montastruc, la voie libre n’ayant pas été rendue de Saint Sulpice. Pour ma part voyant l’heure du prochain train de même sens arriver, j’avais rendu voie libre à Gragnague et je m’apprêtais à faire une réception du train suivant sur la voie d’évitement, la voie principale étant occupée par l’autorail de la région. Alors que je me dirigeais vers le poste à levier, un des cadres supérieurs m’appelle pour que je lui donne accès au téléphone PTT de la gare (il n’y avait pas de portable à cette époque). Je lui montre où il se trouvait et au même moment, j’entends l’annonce du prochain train venant de Gragnague. Je me précipite au poste à leviers et je fais le plus rapidement possible la manœuvre qui consiste à récupérer les clés du disque et de l’avertissement puis de les mettre a la serrure centrale, de récupérer la clé du verrou, de renverser le verrou de récupérer la clé de l’aiguille de renverser l’aiguille, puis de récupérer la clé correspondante pour la mettre à la serrure centrale qui libère alors la deuxième clé du disque permettant enfin son ouverture par la manœuvre de son levier. Ce qui devait arriver est arrivé, la petite minute nécessaire à l’exécution de ces manœuvres ajoutée au temps perdu avec la demande du cadre pour l'accès au téléphone ne m’a pas permis d’ouvrir à temps le disque et le train est arrivé en gare en marche à vue. Entre temps, j’avais reçu voie libre de Saint- Sulpice, j’avais effectué la demande de voie et expédié l’autorail des « autorités ». Dès l’arrivée du train suivant en gare, je vois débouler de cet autorail X2800 un inspecteur des trains (connu comme le loup blanc) paraissant très en colère qui me décline son identité et sa fonction et me demande pourquoi j’ai « mis » le disque au train, lui faisant perdre, pour cette raison, 3 minutes. Je lui ai répondu qu’il allait en perdre beaucoup plus car l’autorail précédent venait juste d’être expédié et qu’il n’était donc pas prêt de repartir. Déçu visiblement par mes explications qui lui enlevaient un motif de rapport, il est allé vérifier sur le registre de circulation puis est reparti en grommelant quelques mots de dépit. Je me suis gardé de ne pas sourire, sentant qu’il était suffisamment vexé ce qui ne m’a pas empêché d’avoir un fort contentement intérieur.
Après cette digression, revenons à la situation de cette section de ligne très chargée. Une cinquantaine de trains circulaient tous les jours et les prévisions de trafic faisaient état d’une augmentation sensible dans le milieu des années 80 avec des perspectives proches de 70. Le débit permis par les installations anciennes ne permettrait plus d’y faire face. La modernisation des installations a donc été décidée avec un financement Etat/Région/SNCF.
2) Les aménagements apportés
D’importants travaux ont été nécessaires :
- installation du block automatique en voie banalisée entre les gares télécommandées. Onze cantons créés au lieu des 5 précédents (2 entre chaque gare sauf entre Gragnague et Montrabé où il y en avait 3),
- transformation de Roquesérière en gare d’où la possibilité nouvelle de croisement,
- ajout d’une capacité de croisement au poste T,
- mise à niveau des gares au standard 2142 (2 = 1 panneau par voie, 1= protection par carré, 4 = aiguilles manœuvrées par moteur, 2 = commande des appareils par itinéraires),
- ajout d’une seconde voie de croisement à Gragnague.
Un poste PRCI est installé au PC de Toulouse, à la table de régulation Toulouse Capdenac. Les éléments informatiques sont au PC, les châssis NS1 et les platines type PRG sont installés dans les gares. La télécommande se faisant via le SNTI (Système normalisé de transmission informatisé).
Les gares sont équipées pour une reprise en local. Une TCC (table de commande et de contrôle) avec les boutons de commande, les dispositifs de contrôle et les commutateurs est installée dans chaque gare.
3) Le PRCI
Le poste commande 46 itinéraires et 5 autorisations. Comme pour la programmation d’itinéraires, l’action sur la fermeture et l’ouverture des carrés et sur la substitution au sémaphore se fait par un dialogue informatique à l’aide d’un clavier.
De même, la commande ou la levée de protection des ZEP (S6An°2) pour les travaux et pour les caténaires (Toulouse) s’effectue de la même façon. Un tableau géographique de protection est placé sur le poste de travail du régulateur. Le découpage des ZEP est repris en rouge, celui des sections élémentaires en bleu.
Enfin, la possibilité est donnée d’agir sur la commande des PN et sur l’allumage des réchauffeurs d’aiguilles.
Les itinéraires sont programmés à l’aide de dialogue simplifié du type :
- pour un parcours de Saint Sulpice à Toulouse avec passage en voie directe dans chacune des gares le message sera le suivant 11 Numéro du train 0 5J1. Le 0 correspond au numéro d’ordre de Saint Sulpice (Roquesérière 1, Montastruc 2, Gragnague 3, Montrabé 4 et Toulouse 5 avec voie C1, C2, J1 et J2)
- pour un parcours avec emprunt de la voie d’évitement à Montastruc, le dialogue sera : 11 N°train 03 E5 C1
Un dialogue pour un parcours de gare à gare est possible. La spécification des croisements et des dépassements se fait par codes spécifiques. En tout, un peu plus de 40 codes sont utilisables selon l’action recherchée.
Les itinéraires sont effectivement commandés par l’occupation de la zone d’approche du signal origine d’itinéraire en corrélation avec l’index du SNST.
Le mode programmation est dans le menu 1 mais à tout moment la commande manuelle peut se substituer au mode automatique.
4) Le SNST
Le système normalisé de suivi des trains est similaire à celui que j’ai décrit dans l’article sur le PRS de Juvisy https://cheminot-transport.com/2021/01/le-prs-de-juvisy.html
Il est composé de plusieurs modules : suivi, affichage, dialogue et archivage.
Des informations sont échangées avec les suivis périphériques : SAAT de Toulouse Postes 1 et 4 et SAAT de Saint Sulpice pour les initialisations des trains.
L’affichage sur le TCO s’effectue au moyen de 34 afficheurs composés chacun de 6 caractères, 1 alphanumérique et 5 numériques. Le transfert des index de fenêtre en fenêtre (de cantons loc. à cantons loc.) est réalisé par les informations qui remontent des localisateurs par le biais du SNTI. Lorsque plusieurs trains sont présents dans le canton loc. en excédent des fenêtres, un voyant de débordement apparait.
Le SNST fournit les informations au programmateur sur les index de trains occupant les zones d’approche afin que ce denier lance la commande au SNTI qui transmet l’ordre aux satellites pour l’exécution de la commande de l’itinéraire.
Enfin le SNST, via l’application « train phone », transmet des informations au régulateur, par le moyen de la synthèse vocale, sur la localisation des trains. Informations qu’il doit acquitter.
Conclusion
Malgré les améliorations très significatives apportées par la CCVB par rapport au BMVU des gares de voie directe, moins de trente ans après, des travaux importants (doublement de voie) ont été réalisés pour augmenter encore le débit (près de 80 trains par jour) et améliorer la fiabilité et la régularité. Ainsi, tous les matins dans le sens impair Saint Sulpice Toulouse, 10 trains de voyageurs se suivent dans un intervalle de temps de 2 heures (6H à 8H). Dans le même temps 6 trains partent de Toulouse dans l’autres sens.
Le soir entre 17 et 19H, ce sont 11 trains qui vont de Toulouse à Saint Sulpice.
Il reste toutefois deux goulets d’étranglement qui devraient subsister, les tunnels de Montastruc et Gragnague. Certains, comme des associations d’usagers, demandent les financements nécessaires pour les faire « sauter ». Mais là, on n’est plus dans le même ordre de grandeur et ce sont des dizaines de millions qui manquent ! Peut-être dans 30 ans?