4 Mars 2021
image d'illustration: Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris
Partie 2 les wagons restaurants et bars
1) Une phase d’expansion 1900 /1914.
En ce tout début de 20ième siècle, le wagon restaurant était devenu le principal élément de confort mis en avant dans les articles de presse annonçant la circulation de trains qu’ils soient réguliers ou spéciaux. A titre d’anecdotes, deux autres caractéristiques faisaient aussi l’objet d’une mention mettant en avant les commodités :
- les water-closets qui, comme nous l’avons vu dans la première partie (https://cheminot-transport.com/2021/03/la-restauration-ferroviaire-au-19-ieme-siecle-les-wagons-restaurants-les-wagons-bars.html), avaient mis près de 40 ans avant d’être reconnus comme indispensables !
- les voitures à couloir communiquant entre elles,
Cet article de la Revue générale des chemins de fer et tramway du mois de décembre 1900 nous informe qu’au tournant du 20ième siècle, la voiture à couloir latéral commençait à se généraliser et que, pour permettre l’accès aux voitures restaurants, une communication était établie entre les voitures par l’intermédiaire de soufflets. Cela est bien la confirmation que l’arrivée tardive des wagons-restaurants en France était bien due à la configuration des voitures à compartiments, sans possibilités de communications entre elles.
Au début des années 1900, l’agencement intérieur des voitures restaurants correspondait à ce croquis. Des tables de quatre d’un côté, des tables de deux de l’autre.
L’équipage de la voiture restaurant était composé d’un Chef assisté d’un aide et d’un maître d’hôtel serveur. En voici une équipe entourée des conducteurs de voitures lits.
L’exposition universelle de 1900 à Paris et celle de Liège en 1905 ont incité les constructeur, au premier rang desquels la compagnie Internationale des wagons lits, à innover puis à exposer leurs nouveaux produits.
En 1900 à Paris, 3 nouvelles voitures restaurants étaient présentées :
- une voiture restaurant salon (série 681) comprenant un salon fumoir, une salle à manger de 22 places, une cuisine et un cabinet de toilette. La décoration intérieure était luxueuse avec des boiseries en acajou verni et les cloisons comportaient des miroirs biseautés. Les chaises étaient en acajou garnies de cuir vert et or. D’une longueur de 19,7m pour un poids de 33t, elle avait deux bogies de deux essieux.
- une série pour l’utilisation sur la riviera italienne, identique à la précédente à l’exception des aménagements intérieurs.
- deux wagons restaurants pour le Transsibérien. Le premier était mixte restaurant 24 places/salon 12 places, le deuxième comportait 3 salles à manger de 24, 18 et 12 places.
L’exposition de Liège de 1905 a permis la présentation d’une voiture salon et d’une nouvelle voiture-restaurant équipée de 2 bogies de 3 essieux (source Revue générale des chemins de fer et Tramways 1906. Gallica).
- la voiture salon mesurait 19,75m et pesait 36,5tonnes. Elle était composée d’un grand salon fumoir de 12 places contenant des fauteuils et des canapés, 3 grands compartiments à 3 places avec un fauteuil et un canapé, 2 compartiments à 4 places et un compartiment avec un fauteuil.
Vue du salon avec ses larges fauteuils et canapés.
On trouvait ces voitures salons sur des relations internationales mais aussi sur des relations intérieures régulières comme le Savoie Express ou sur le Côte d’Azur Rapide. Elles circulaient également sur des relations saisonnières comme sur Paris- Trouville et pouvaient être affrétées pour les grands personnages de ce monde ou par de très riches industriels comme cet américain au nom prédestiné de « Frick » qui avait demandé, en février 1909, à la compagnie de chemin du fer d’Orléans d’ajouter au train n° 7, partant de la gare d’Orsay pour Pau, une voiture salon et une voiture première à son usage personnel et à celui de sa famille. Comme la composition ne le permettait pas, il a demandé alors un train spécial composé de ces deux voitures et a pu faire le trajet jusqu’à Pau dans les meilleures conditions mais pas forcément au meilleur prix !
- La voiture restaurant munie de 6 essieux. D’une longueur de 21,15m et d’un poids de 46 tonnes, cette voiture comportait deux salles à manger, une fumeur de 22 places et une non fumeur de 24 places. Il en existait une plus courte de 1 mètre de 40 places seulement. Ces véhicules étaient fabriqués à la compagnie générale de construction de Saint Denis.
La décoration de ces voitures était de style Louis XV. Les panneaux de la salle à manger étaient en acajou avec des éléments de marqueterie.
La charpente des caisses étai en bois de teak (Teck) d’où les noms attribués à ces voitures.
Ci-dessous la voiture en coupe et en profil.
Outre cette voiture à 6 essieux, la CIWL avait mis à la disposition de la compagnie du Midi et de celle du chemin de fer du PO des voitures à 4 essieux à grand empattement d’une longueur de 23,5m ce qui en faisait les plus longues de l’époque.
Puis, en 1913, une commande de 37 voitures est passée à la CIWL. Dans cette série des 2400, une voiture aura un destin exceptionnel la 2419. Achetée par la compagne des chemins de fer de l’Etat, elle sera affectée à diverses relations de l’Ouest dont celle de Deauville Trouville. Mais avant de vous conter ce destin exceptionnel, disons un mot sur le contexte de l’époque.
2) La guerre 1914/1918
Avant le début de la guerre 668 voitures restaurants et 38 voitures salons étaient exploitées sur différentes lignes européennes et françaises comme l’indique le rapport du conseil d’administration de la compagnie Internationale des wagons lits en date du 21 avril 1914.
Dès le début des hostilités, tous les services de la compagnie des Wagons lits furent arrêtés. N’oublions pas que le siège était en Belgique et que l’armée Allemande s’était arrogée le droit d’envahir la Belgique malgré le traité de neutralité de 1839 qui avait été signé par l’Allemagne. Mise sous séquestre, la compagnie ne pouvait plus exploiter ses relations internationales. En France les transports militaire étant prioritaires, la circulation des autres trains étaient très difficile. De plus, la Croix rouge française utilisait bon nombre de voitures ainsi que l’armée française comme on le voit sur cette photographie de 1915, devant la voiture restaurant n°481.
Sautons cette période triste et dramatique pour arriver à l’armistice 1918 et reparlons de notre voiture restaurant 2419.
En 1918, elle est sortie de son service commercial sur Paris- Trouville puis est réquisitionnée par l’armée pour être transformée en voiture bureau. Et vous connaissez sans doute la suite, elle servira de lieu de signature de l’armistice le 11 novembre 1918.
Voici le schéma de la voiture à sa sortie d’usine puis après transformation dans l’atelier de la CIWL à Saint Denis.
Ci-dessous, vue de la salle de restaurant réaménagée en bureau comme le montre le plan ci-dessus.
Après la guerre, la voiture est restituée à la CIWL qui la transforme à nouveau en voiture restaurant. Elle reprend quelque temps du service sur le réseau de l’Etat avant d’être cédée gracieusement au musée de l’armée des Invalides après avoir été remise dans la configuration intérieure du 18 Novembre 1918.
L’entrée aux Invalides a eu lieu le 28 avril 1921.
Le passage sous le porche d’entrée côté Nord entre les statues de Mars et Minerve ne s’est pas fait sans difficulté. Il a fallu faire quelques entailles pour faciliter la manœuvre. Voici étape par étape l’entrée dans la cour d’honneur jusqu’à son installation dans la cour de la plus célèbre voiture restaurant du monde.
Nous reprendrons la suite de notre saga de la restauration ferroviaire avec l’époque du renouveau de la circulation des trains internationaux et rapides nationaux pendant les années folles jusqu’à la guerre et nous continuerons de suivre le périple de la voiture 2419 qui a continué à vivre des moments historiques et tragiques.
Mais avant, un petit mot sur les wagons Bars dont nous avions parlé dans la première partie. Au début des années 1900, une campagne d’opposition à ces wagons bars a été conduite par le député Chassaing. Elle visait à supprimer cette facilité offerte aux voyageurs de pouvoir se désaltérer sur les parcours de banlieue. Les défenseurs de cette cause alléguaient que les « assommoirs roulants », comme ils les appelaient, concourraient à l’aggravation de l’alcoolisme en France. La compagnie des wagons bars a bien tenté d’éteindre l’incendie en changeant de raison sociale et en se faisant appeler « compagnie des wagons buffets », mais rien n’y fit, l’hostilité des politiques et d’une certaine presse redoublait d’intensité. Les pouvoirs publics ont donc décidé de ne pas renouveler la convention d’exploitation accordée jusqu’au 31/12/1912. Le chemin de fer de l’Etat a toutefois accepté une dérogation d’un an renouvelable en attendant la fin des travaux d’électrification mais la guerre y a mis un terme définitif.
Depuis lors, en banlieue, on ne peut plus prendre l’apéritif.
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