15 Mars 2021
image d'illustration Photo Jean-Louis Tosque, publiée avec son aimable autorisation (en gare de Tessonnières 1969)
Sources : RGCF 05/1957, RGCF 06/1958, RGCF 2/1960, RGCF 09/1961, RGCF 6/1963 Livret Technique X2800 (site trains et trainz)
L’Autorail X 2800 ou (U 825) U pour unifié et 825 pour CV.
Comment ne pas parler de ce fantastique autorail qui a eu une longévité exceptionnelle d’une cinquantaine d’années !
Sur la ligne à voie unique où j’ai commencé mon activité cheminote, j’en voyais passer plusieurs dizaines par jour et je garde très bien en mémoire le bruit caractéristique du moteur au démarrage, lorsque le mécanicien passait plus ou moins rapidement les crans de l’accélérateur. Il y en avait même un qui, une fois que l’autorail avait atteint une dizaine de kilomètres par heure, mettait toujours plein gaz, en une seule manœuvre, faisant fumer plus que de raison le vaillant moteur dont les rugissements, à ce moment là, s’apparentaient à de longues plaintes aiguës que je trouvais fort mélodieuses. Pour ceux qui ne connaissent pas ce bruit si caractéristique ou pour ceux qui prennent plaisir à l'entendre, voici une vidéo YouTube qui montre ce magnifique autorail au démarrage.
https://youtu.be/2AV3xT2h72I (site autorail 600ch)
Enfin, dernier souvenir avant de passer aux choses sérieuses, je dois avouer, mais il y a prescription puisque c’était il y a plus de quarante ans, que grâce à un ami mécanicien, j’ai pu faire un petit tour en « conduite accompagnée » mais je n’en dis pas plus !
Au début de la décennie 50, l’état de la technologie ne permettait pas, tant au niveau du moteur diesel que des transmissions, de dépasser une puissance de 600 CV tout en restant dans les limites d’encombrement imposées par le matériel. Une série de 80 autorails X2400 avait été livrée avec cette motorisation (deux moteurs d’environ 300 CV). Bien que ceux-ci se soient acquittés parfaitement de leurs tâches, notamment dans le massif central où les premiers avaient été affectés, la SNCF était à la recherche d’une motorisation plus puissante pour équiper des automotrices diésels sur des relations à grands parcours dites RGP. Concomitamment, des réflexions étaient menées au niveau de plusieurs chemins de fer européens en vue d’apporter une réponse à la concurrence aérienne qui devenait de plus en plus prégnante. Ces discussions allaient déboucher sur la création d’un groupement Trans-Europ-Express (TEE) qui avait pour objet d’améliorer les grandes relations ferroviaires européennes par la mise en œuvre de moyens de transport modernes, rapides et confortables. Pour cela, des normes en termes de vitesse, de confort et d’équipements à bord étaient définies et devaient être respectées pour obtenir ce label. Les rames automotrices diesels devaient constituer l’ossature de ce réseau.
1) Evolutions technologiques au niveau du moteur et de la boîte.
A) le moteur
Un moteur plus puissant a commencé à voir le jour en essais en 1953. C’était un produit qui avait été étudié par la société MGO (Marep – Grosshams –Ollier). L’objectif de puissance visé était d’environ 750 CV pour la version 12 cylindres destinée aux autorails des rames RGP. Lors des essais d’homologation prévus par l’UIC une puissance de 930 CV à 1500t/mm a même été atteinte.
Pour la série, c’est le modèle V12SH (12 cylindres en V suralimenté) qui a été retenu. La Société Alsacienne de Construction Mécanique de Mulhouse l’a fabriqué sous licence avec les caractéristiques suivantes :
Alésage : 175mm
Course : 180mm
Cylindrée non communiquée dans la RGCF mais pouvant être calculée : 3,1416 x (alésage en cm/2)2 x course en cm x nbre de cylindre = 51 954cm3 soit près de 52 litres !!
Taux de compression 14
Suralimentation par turbo soufflante : vitesse de rotation 21 000t/mn
Poids à sec 4586kg.
C’est ce fabuleux moteur, décliné en plusieurs versions pour d’autres engins moteurs, qui sera retenu pour équiper les autorails X2800.
En lisant le descriptif des organes accessoires du moteur, je comprends pourquoi je trouvais le bruit d’échappement si agréable pourvu que le conducteur sollicite un peu la bête. En effet, il est indiqué que : « l’échappement libre, sans silencieux, se fait par deux cheminées verticales au milieu de la toiture, entre deux coupe-vent évitant l’aspiration des gaz brûlés par les ventilateurs de refroidissement »
Pour abreuver le monstre, deux réservoirs d’une capacité totale de 1700 litres lui autorisaient une autonomie de 2000 km soit un « petit » 85 litres au 100.
B la boite de vitesse.
Le moteur choisi, il fallait lui trouver une boite capable de dompter sa puissance de 825CV. Il a fallu plusieurs essais pour trouver le type de transmission dont le choix devait se faire entre une solution électrique et hydraulique. C’est cette dernière qui a été retenue et la décision s’est donc portée sur une boite hydromécanique déjà utilisée par le chemin de fer allemand et fabriquée par la société Maybach. Il s'agissait de la boite Mekydro K 104 U d’un poids de 1900 kg avec un convertisseur hydraulique de couple en amont de la boite de vitesse dont les engrenages permettaient 4 gammes de vitesses. La référence K 104 U avait pour signification : K = type de la transmission : 10 correspond à la puissance en centaine de chevaux pouvant être transmise (dans ce cas 1000 CV) ; 4 = le nombre de rapport. Le passage des vitesses était automatique et le conducteur disposait d’un inverseur sur son pupitre. Un dispositif de commande de secours permettait les commandes manuelles de l’inverseur et des vitesses au moyen de leviers.
Les bogies étaient de deux types selon qu’il s’agissait d’un bogie moteur ou porteur. Le bogie moteur était de type Y 166 bis et d’un poids de 7,2t. Le bogie porteur était de même constitution que l’Y 166 bis mais avec essieux sans portée de ponts moteurs. Il s’agissait du type Y 186 (5,4t) . Les bogies étaient munis de roues monoblocs de 900 mm
2) Caractéristiques technique et aménagements intérieurs.
A) Caractéristiques techniques.
L’autorail avait une longueur de 27,73 m avec un empattement de 19 mètres et un poids de 50t dont 31 sur les essieux moteurs pour faciliter l’adhérence. La largeur était de 2,84m et la hauteur de 3,56m non compris les coupe-vent.
En configuration classique, l’X2800 comportait deux classes dont la capacité était de 12 places 1ière et 62 places en seconde. La livrée était rouge et crème comme la plupart des autorails de l’époque. La toiture, à la teinte crème d'origine, avait été repeinte en rouge à la fin des années 60 et au début des années 70 lors du passage en révision.
Une version entièrement première a vu le jour notamment pour assurer la desserte entre Poitiers et La Rochelle. L’autorail « Aunis » en livrée verte et beige relevait la correspondance du train rapide « Drapeau » entre Paris et Bordeaux.
En termes de performances, l’autorail X2800 pouvait remorquer 1, 2, 3 et même 4 remorques. Avec la composition maximale, 380 voyageurs pouvaient prendre place dans le train ainsi créé.
Le graphique ci-dessous donne les performances en rampe en fonction de la composition. On voit qu’en palier et jusqu’à 3 remorques, la vitesse de 120km/h pouvait être soutenue. Avec une seule remorque l’X2800 maintenait le 120km/h jusque dans les rampes de 5mm/m et 80km/h dans les rampes jusqu’à 20mm/m.
C’était donc un bon grimpeur, le meilleur dans la catégorie des autorails. On voit ci-dessous l’x 2819 avec une livrée bleue et blanche dans son élément naturel : les régions montagneuses.
B) Aménagements intérieurs.
Décrivons à présent l’intérieur de cet autorail.
Commençons par le compartiment moteur et les deux cabines de conduite.
La cabine opposée au moteur était située dans le compartiment à bagages où se trouvait le chef de train. Sur la vue ci-dessous, on voit le poste de conduite qui n’est pas isolé, seulement protégé par des barres métalliques arrondies qui avaient dû être installées pour protéger le conducteur du basculement accidentel de colis placés dans ce compartiment. Cet agencement devait être limité aux premiers engins sortis car j’ai le souvenir, pour y être très souvent monté, qu’une fine cloison isolait le mécanicien.
A l’autre extrémité, la cabine de conduite était contiguë avec le compartiment moteur. Une plateforme d’accès séparait les compartiments voyageurs et le compartiment moteur. Du côté de ce dernier, une épaisse cloison de 100 mm protégeait du bruit. Voir le schéma ci-dessous ainsi que la vue du compartiment moteur avec la porte en bout qui donnait accès à la cabine de conduite.
Continuons par les compartiments voyageurs en partant de la tête (côté moteur). La superposition de ces deux vues permet de situer l’emplacement des premières qui étaient séparées du moteur par une plateforme qui, outre sa fonction d’accès, servait aussi à réduire le bruit dans le compartiment des voyageurs.
Les places étaient aménagées en 8 sièges « salon » (face à face) et 4 sièges de front. Il est indiqué dans le RGCF de 1958 que les sièges au voisinage des cloisons sont fixes alors que les autres sont tournants. Je n’avais pas constaté cette particularité sur les autorails dans lesquels je suis monté dans les années 70 mais peut-être que cette spécificité ne concernait que les premières séries ?
La garniture initiale des sièges était recouverte d’un tissu écossais à fond rouge quadrillé de rayures jaunes avec des bandes vertes et bleues. Une têtière blanche apportait la petite touche de classe suplémenataire. Les parois et les rideaux étaient de couleur jaune.
La deuxième classe offrait une décoration plus austère mais en amélioration au niveau du confort par rapport à la génération précédente (X2400). En effet, les banquettes comportaient des appuis-tête et l’écartement entre les sièges avait gagné 10 cm pour être porté à 1,60 m. Les banquettes étaient revêtues d’un texoïd brun clair, les rideaux et les parois étant en vert.
3) Production et dépôts d’affectation
Les 119 exemplaires produits (16 par la société Decauville et le reste par la régie Renault) ont été affectés à une douzaine de dépôts dont certains de façon transitoire. Celui qui semble avoir eu l’affectation la plus importante et la plus longue dans le temps est le dépôt de Toulouse. Trente sept unités y assuraient un trafic sur une zone très étendue (dont la fameuse relation Lyon/Toulouse via Mende) comme en témoigne cette carte de la zone d’action des autorails de Toulouse au service d’été 1962. A noter que le premier dépôt à le recevoir en dotation a été celui de Carmaux.
L’année 2009 a marqué la fin de service de cet autorail qui avait été rénové à mi-vie et dont la livrée était passée du rouge au bleue.
Il restera comme l’un des autorails les plus emblématiques de l’histoire ferroviaire française.