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Cheminot Transport

La restauration ferroviaire au 19 ième siècle: les wagons-restaurants, les wagons bars.

Image d'illustration Orient Express voiture restaurant  Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 

Ce premier article, d’une série de 4 dédiée à la restauration ferroviaire, va nous conduire des premières idées en la matière qui sont restées à l’état de projet pendant quelques décennies à la création de cette activité en France que l’on doit à la Compagnie Internationale des Wagons Lits.

La restauration ferroviaire Partie 1 : Le 19ième siècle.

Quand on fait quelques recherches sur l’histoire du chemin de fer, on s’aperçoit bien vite que le besoin éprouvé par les voyageurs, pour se restaurer pendant les voyages, avait été identifié très tôt par les concepteurs de trains. Voyez cet article du journal « Le Spectateur » du 21 décembre 1844 soit 1 an seulement après la construction de la ligne de Paris à Orléans.

Journal Le Spectateur 21/12/1844 Rétronews

Quelques mois après, ce sont les chemins de fer du Havre qui font une annonce identique en prévoyant la mise en place d’un wagon-restaurant dans les trains.  Puis, 2 ans après, on annonce dans la presse d’outre manche qu’il est question d’une nouvelle invention que l’on nomme «wagon  café-restaurant ». Ces voitures seraient incorporés derrière les autres voitures qui seraient communicantes entre elles ce qui permettrait aux garçons de café d’aller d’un bout à l’autre du train pour proposer les cartes.

En fait, ce n’était pas tant pour le confort des voyageurs que ces aménagements étaient envisagés au départ par les compagnies de chemin de fer mais plutôt parce que les wagons ne s’y prêtaient pas (absence de communication entre eux) et surtout, pour répondre à la problématique des arrêts prolongés que devaient effectuer les trains de longs parcours pour permettre aux voyageurs de se nourrir, de se rafraîchir ou plus prosaïquement de satisfaire leurs besoins physiologiques les plus élémentaires. Comme dirait Molière dans le Misanthrope « Qu’en des termes galants ces choses-là sont mises »

En effet, les commodités élémentaires comme les cabinets de toilettes, faisaient défaut dans les trains jusque vers les années 1860. L’article le plus vieux que j’ai trouvé sur le sujet date de 1868, le voici :

 

La Gironde 18 Juin 1868 Rétronews

Les fourgons étaient aménagés comme sur le dessin d’époque ci-dessous. Les voyageurs y accédaient par une galerie extérieure. Il fallait braver les intempéries et être assez courageux. Bref, il fallait avoir envie !

Voici une vue latérale et une en coupe par-dessus pour expliquer le positionnement et l’agencement des wagons et fourgons.

 

Le Monde Illustré 25 mai 1872 rétronews
Le Monde Illustré 25 mai 1872 rétronews

Si les toilettes ont attendu aussi longtemps pour être installées dans les trains, on comprend pourquoi, dans ces conditions, le wagon-restaurant n’avait pas encore vu le jour malgré les belles promesses faites vingt ans plus tôt.

 Si en France on était un peu en retard dans ce domaine, ce n’était pas le cas aux Etats-Unis qui faisaient circuler dans les trains de longs parcours des « Dining car ».  

Voici une description de ces trains luxueux  de la compagnie Pacific Railroad avec leurs wagons restaurants très prisés de la clientèle. Déjeuner dans un tel train, en traversant la Sierra Nevada et à l’abri des Indiens, qui n’en rêverait pas ?

 

Journal Le Soir 13 juillet 1869

 

On trouvait même encore plus luxueux dans ce pays du Nouveau Monde comme on l’appelait du temps de Christophe Collomb.

Les gens fortunés, et ils étaient nombreux, avaient la possibilité d’acheter ou de louer une voiture ou plutôt un palais sur rails que Georges Pullmann avait conçu dans ses ateliers de Chicago. Cette voiture pouvait être attelée à l’arrière des trains classiques mais n’était accessible qu’au propriétaire ou au locataire. Destinés aux familles riches, ces « palais d’argent » ou « silver palace cars » comme on les appelait, étaient composés d’un salon, d’une cuisine et des chambres à coucher. Un cuisinier et des domestiques étaient à la disposition des clients. Véritable maison roulante, elle coutait un peu plus de 22 000 dollars à l’achat (420 000$ d’aujourd’hui si on tient compte de l’inflation et 3,5 millions de dollars si l’on considère le revenu relatif) mais pouvait être louée pour moins de 100 dollars par jour (1 900 dollars d’aujourd’hui ou 15 000 en revenu relatif).

Dans d’autres trains comme sur la relation de Chicago à Omaha, les voitures restaurants n’étaient incorporées dans les trains qu’aux heures des repas, après une manœuvre dans une gare du parcours. Les cuisines étaient situées à l’arrière pour faciliter l’accès aux tables de restaurant qui étaient accessibles au fur et à mesure qu’elles se libéraient. Il en était de même sur la relation New York Chicago avec les luxueux « Pennsylvania Dining Cars »

Dans le journal « la Gironde » du 3 juin 1868 (rétronews) on en apprend un peu plus sur les caractéristiques des trains. On nous explique que les voitures américaines ont un couloir qui traverse les wagons par le milieu et qu’à chaque extrémité, se trouve une plateforme qui permet de passer de wagons en wagons sur toute la longueur du train. Ce système permet un accès facile aux « water-closets » et bien sûr aux voitures restaurants. Mais le journaliste y trouve des points négatifs qui peuvent nous faire sourire aujourd’hui mais qui expliquent, en partie, les réticences à copier le modèle américain. Je le cite : «  Le passage des promeneurs est gênant pour les gens endormis ; les personnes souffrantes ne peuvent se soustraire aux courants d’air. Enfin en Europe nous craignons généralement les agglomérations et surtout de nous trouver en contact trop intime avec des personnes dont les habitudes, l’éducation et le langage s’éloignent sensiblement des nôtres. »

On retrouve la même méfiance vis-à-vis des évolutions technologiques américaines dans le rapport qu’a établi Emile Malézieux, Ingénieur en chef des Ponts, chargé par le gouvernement français d’un voyage d’étude de trois mois aux Etats-Unis. S’il note comme positive certaines avancées, il qualifie d’excentricités les wagons-hôtels et les wagons restaurants. A quel visionnaire avions-nous affaire !

Loin de nos tergiversations, les Anglais mettaient en service en 1879, sur la ligne du Great Northern Railway, un wagon restaurant composé de deux voitures dans lesquelles on trouvait une cuisine, un salon fumoir, un salon pour les dames et bien sûr, la salle de restaurant où une vingtaine de convives pouvaient prendre place  autour de tables de quatre.

Voici une gravure d’époque représentant une illustration de la salle de restaurant.

L'Univers illustré, 24 janvier 1880, p. 15/15 rétronews

Il fallut attendre le 11 octobre 1882 pour voir enfin arriver en France un wagon restaurant digne de ce nom. Ce jour là, la Compagnie Internationale des Wagons Lits affrétait un train spécial, le « train éclair » (futur Orient Express), de Paris à Vienne. Outre les wagons-lits et une voiture salon, les voyageurs pouvaient se restaurer tout au long de ce périple de 27 heures (au lieu de 33h) dans la voiture restaurant placée en position arrière mais très facile d’accès grâce aux passerelles et plateformes la reliant aux voitures lits. Dotée de 3 essieux, elle était composée de 3 espaces distincts :

- la cuisine, située au milieu pour faciliter le service, dont les mets étaient préparés par deux chefs.

- deux espaces salons comportant 2 tables de quatre couverts et 2 tables de deux étaient réparties des deux côtés de la cuisine ce qui permettait la restauration de 24 convives simultanément.

Le wagon avait été fabriqué à Munich et la décoration intérieure à Paris avec de somptueuses  tapisseries des Gobelins sur les murs et des tapis d’Orient au sol pour un prix total de 100 000 francs. Rien n’était trop beau ni trop cher pour ce train de luxe dont vous pouvez voir une représentation ci-dessous.

J’en profite pour remercier Wagons-lits Diffusion qui m’a autorisé à utiliser sa base d’archives d’une incroyable richesse.

 Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 Voici la composition type de 1883. Les fourgons avaient deux essieux, les autres voitures 3.

 

 Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 

A partir de décembre de la même année, la voiture restaurant de la CIWL était mise à l’essai sur la relation Marseille Nice et retour. Cette course sera régularisée en janvier 1883 au départ de Paris.

Puis, en Juin 1883,  c’était au tour de la relation Paris Constantinople d’en être dotée. Avec un parcours d’une durée de quatre vingt heures, il était primordial que le confort et les agréments que procurait la voiture restaurant, et dont les articles de presse faisaient l’éloge, soient au rendez-vous. Au début appelé « l’Express Oriental » par certains journalistes, il prit rapidement le nom « d’Orient Express », et devint l’un des trains les plus mythiques du monde. Au lancement, il circulait à composition réduite : 2 wagons-lits à vingt places, 1 voiture restaurant de 36 couverts et deux fourgons contenant les bagages et les victuailles. La grande nouveauté technologique, venue directement des Etats Unis, concernait les essieux simples qui avaient été remplacés par des bogies pour la première fois en France.

 Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

La composition type était la suivante.

Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 

Avec le salon fumoir à droite sur l‘illustration ci-dessous.

 

 Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

 A la même date, c’est sur le réseau de l’Ouest que la restauration ferroviaire commençait à se généraliser. D’abord sur Paris-Trouville et Paris Caen, puis sur Paris Le Havre. Pour certaines occasions les repas gastronomiques servis étaient dignes des meilleurs restaurants, tel ce menu  détaillé dans le journal du Figaro.

Le Figaro 8 août 1883 Rétronews

Certes, c’était un menu spécial commandé par le Jockey Club, mais croyez-vous que nous serions capables, aujourd’hui, d’offrir quelques chose d’approchant à bord de nos trains ?

Puis, en 1885, pour acheminer les voyageurs anglais qui voulaient se rendre sur la Côte d’Azur, un train de luxe à fréquence hebdomadaire se rendait de Calais à Menton. La composition était faite de wagons-lits et d’une « Dining car ».

Ensuite, en cette fin de 19ième siècle, ce fut le tour de Paris Bruxelles, Paris Marseille, Paris Lille, Paris Saint Malo, bref la restauration à bord des trains  se généralisait petit à petit pour le plus grand confort mais aussi le plus grand plaisir des voyageurs.

Après le wagon –restaurant, le wagon bar.

En 1892, la CIWL mettait en service sur la relation Cannes Vintimille un wagon bar. L’occasion pour le chemin de fer de mettre dans les trains les fameux sandwichs dont on a souvent entendu parler par toujours en bien. La carte comprenait : Bières, vins, liqueurs, eaux de Seltz et de table, pâtés de foie gras etc. On voit qu’on était encore loin du classique « Jambon beurre ».

Le même service était offert  en 1895 sur la relation dite « transatlantique » (Paris Le Havre) à côté d’un wagon salon.

Mais le plus surprenant est apparu en 1896 à l’instigation de la compagnie de l’Ouest qui avait décidé de doter les trains de banlieue d’un wagon bar. Plus de 40 voitures de ce type, dont je n’ai pas retrouvé de croquis, avaient été commandées. Dans un premier temps c’est la compagnie des Wagons Bars qui assurera la gestion du parc puis c’est la compagnie des Wagons Buffets qui prendra la suite. Voici un article qui en donne une description précise.

Petit Parisien   du 18 août 1896 Rétronews

Le dix-neuvième  siècle prenait fin au moment où le chemin de fer venait enfin de se doter de tout le confort qui allait faire sa réputation en ce début du vingtième siècle, objet du prochain article.

Le fondateur de la compagnie des Wagons Lits, Georges NAGELMACKERS, y avait pris une part prépondérante.

Base d'Images d'archives Wagons-Lits Diffusion - Paris

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C
Il y a une image extérieure et une vue intérieure du « wagon-bar » de l’Ouest dans le numéro du 23 janvier 1897 de « l’Illustration ».<br /> <br /> Voiture à deux essieux a caisse en bois avec lanterneau.<br /> On est plus proche,, a l’intérieur, de « l’assommoir » de Zola que de la voiture bar CIWL. Une grande salle avec tables et chaises et un bar placé longitudinalement au milieu.
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D
Merci, j"ai pu consulter le document. En effet, la réutilisation est payante et il faut demander un devis. Je vais voir si je peux mettre un lien vers le site. Encore merci pour cette information et pour le site qui me parait très intéressant.
C
Il y a un site : revue.illustration.com, mais l’accès est payant (ainsi que les droits a la reproduction, j’imagine).<br /> Je peux néanmoins vous envoyer un scan, si vous le désirez.<br /> <br /> A noter que je fais allusion a « une salle », mais en fait il y en a deux, l’autre étant pour les premières classes. A l’époque, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes en Europe, a la différence des usa, plus égalitaires. On fait en sorte que les passagers n’aient jamais a se mélanger.<br /> <br /> Ca aurait été, selon un commentaire dans un article ultérieur, une des raisons de l’insuccès du concept : le peu de fréquentation en première classe alors que l’autre partie était bondée.
D
Merci pour votre info. J'ai cherché sur Gallica et retronews mais je n'ai pas trouvé cette revue. Merci de mettre le lien si vous le pouvez.