20 Avril 2021
Image d'illustration Creative commons http://www.ferropedia.es/wiki/Archivo:SNCF_X_5700_Floirat.jpg
Sources : RGCF avril 1949 retronews , La Science et la Vie du 1 août 1947 retronews , Le journal La Croix 24 janvier 1950, Le Journal Officiel de Madagascar et des dépendances du 24 avril 1954 et du 05 juillet 1958 site gallica.bnf.fr / BnF.
AUTORAIL FLOIRAT
Au sortir de la guerre, la SNCF n’avait pas les moyens de répondre à une demande forte de création de services de transport sur les lignes secondaires. Le parc d’autorails avait fondu de 25% durant les hostilités et les 75% restants n’étaient pas forcément adaptés aux besoins des petites lignes où la majorité des trajets était de faible parcours avec un nombre réduit de voyageurs.
Un autorail aurait pu répondre à ce besoin, l’autorail X 5600 FNC que nous avons vu dans https://cheminot-transport.com/2021/03/pas-tres-beau-pas-tres-rapide-mais-tres-economique-l-autorail-x-5600-fnc.html mais celui-ci était encore en cours de conception.
C’est pourquoi, face à la demande pressante des pouvoirs publics, une solution rapide a été trouvée par l’adaptation d’un autocar existant à la circulation sur voie ferrée.
Le choix s’est porté sur l’autocar Floirat GAI B6 105ch qui satisfaisait à la plupart des critères exigés notamment : un moteur puissant et éprouvé, un écartement des roues compatible avec l’écartement des rails, une caisse solide en acier de type « semi-poutre » (châssis renforcé par une armature en acier de forme annulaire). Cette configuration permettait en outre d’obtenir des formes plus aérodynamiques dont les autocars commençaient à peine à se doter.
En 1948, la RGCF le décrivait comme un véhicule aux lignes modernes avec une cabine avancée. Les roues arrière étaient motrices avec un écartement très proche (1,47m) de celui du rail (1,437 pour les rails montés sur les traverses bois ou 1,435 pour les traverses béton). La vitesse sur route avoisinait le 80km/h et le nombre de places était de 40.
Une étude rapide avait été effectuée de concert entre le constructeur et la SNCF afin d’apporter les adaptations requises. L’autorail transformé avait les caractéristiques suivantes.
Les caractéristiques de l’autorail Floirat.
Peint aux couleurs des autorails de l’époque (rouge rubis et gris perle) ces autocars modifiés de 10 mètres de long pour 7,9t avaient d’abord reçu un nouvel aménagement intérieur.
L’aménagement intérieur.
- une plateforme d’accès avait été aménagée pour faciliter l’accès par les deux portes.
- les sièges avaient été légèrement espacés ce qui réduisait la capacité de 40 à 34 places assises. En comptant les places sur le diagramme ci-dessous je n’en dénombre que 28.
A l’extérieur, les modifications les plus facilement observables concernaient les roues, l’attelage et les organes de tamponnement.
L’attelage et les organes de tamponnement
Les tampons habituels ne pouvaient pas s’adapter sur une structure non prévue pour cela sans modifications importantes et disproportionnées avec l’utilisation qu’il était envisagé d’en faire. Toutefois, pour protéger la caisse contre d’éventuels chocs avec d’autres véhicules, il avait été installé des pare-chocs renforcés comportant, en leur centre, un piton pour accrocher une barre de dépannage en cas de besoin.
En l’absence de tampons, les autres organes d’attelage ne pouvaient être installés d’où l’équipement en attelage automatique de type Cloos (identique à ceux des draisines). Cette installation n’était montée qu’à l’arrière pour la remorque ou pour un autorail en position inversée.
Les roues :
C’est au niveau des roues que l’adaptation devait être la plus importante. La première idée qui pourrait venir à l’esprit serait de les remplacer par des roues pneumatiques du type de celle des michelines. Mais ce serait oublier qu’ils n’avaient que 4 roues et à 1200kg par roue (limite habituelle des michelines à 120km/h ou 1400kg à 70 km/h comme pour la vitesse envisagée), on ne pouvait pas retenir cette possibilité puisque à pleine charge on approchait les 3 tonnes par roue.
Restait la solution de la roue élastique dont nous avons déjà parlé dans le sujet sur les autorails Bugatti https://cheminot-transport.com/2021/02/l-autorail-bugatti-ou-le-levrier-sur-rails.html
Cette roue de 105 cm de diamètres était constituée d’un bandage d’acier qui entourait un centre en alliage d’aluminium mais séparé de lui par des lames de caoutchouc qui amortissaient les chocs et vibrations.
L’avantage de cette roue élastique avait été mesuré de façon précise par un test de passage sur une cale de 4mm franchi à 50 km/h. L’essai avec et sans roue élastique avait mis en évidence les différences de comportement des roues. Le schéma ci-après montre tout l’effet d’amorti des caoutchoucs de la roue élastique. La mesure porte sur le déplacement vertical du centre de la roue (3mm pour la roue élastique, 14mm pour l’autre roue). Moins il est élevé plus le système d’amortissement a joué son rôle et a bien protégé la fusée (comme les pneumatiques pour l’autocar).
Le Moteur
L’autorail était équipé d’un moteur diesel Bernard de 6 cylindres en ligne. Avec un alésage de 108mm et une course de 152 mm, il avait une cylindrée de 8,3 litres. A 1700 tours/mn, il développait une puissance de 105 ch.
Pour les performances demandées sur rail, même avec remorque, il n’avait pas besoin de toute sa puissance et ne tournait habituellement qu’à 1200 t/mn. La fiabilité en était améliorée et l’entretien était simplifié.
Comme pour l’autocar, le refroidissement était assuré par un radiateur et par un ventilateur.
La transmission mécanique comportait un embrayage à disque unique et une boite de vitesses à cinq rapports en marche avant plus la marche arrière.
La première vitesse était peu utilisée en raison de son couple important. En effet, des patinages pouvaient se produire assez facilement notamment sur rail humide à tel point que certains des exemplaires suivants furent livrés avec une boite de vitesse à 4 rapports en utilisant les démultiplications des rapports 2 à 5 de la boite précédente. La SNCF en avait profité pour demander également une modification du rapport de la marche arrière qui, dans sa version initiale, culminait à 7 km/h ce qui était pénalisant pour les manœuvres en gare.
Le système de freins
Sur les deux premiers exemplaires prototypes, l’équipement de frein à tambours et à air comprimé a été conservé mais adapté pour éviter les enrayages du fait de l’adhérence moindre sur rails que sur route.
En outre, un frein automatique à triple valve avait été installé sur les autorails suivants ainsi que sur les remorques pour lesquelles ce type de frein était obligatoire en raison du risque toujours possible de rupture d’attelage. Pour ce faire les autorails étaient munis, à l’arrière, de deux demi-accouplements (autorail +remorque ou deux autorails dos à dos).
La remorque
Constituée de deux arrières d’autocar raccordés d’où ses 4 portes, elle mesurait 9,5 m soit 50 cm de moins que l’autorail. D’un poids de 6,8 tonnes, elle pouvait accueillir 33 passagers (le diagramme ci-dessous n’en fait apparaitre que 30) et disposait d’un compartiment à bagages. N’ayant pas, à l’inverse de l’autorail, une source de chaleur (moteur), un poêle à charbon était installé en hiver dans l’espace du compartiment à bagages.
La problématique de non réversibilité.
L’autorail, à la différence de la remorque, avait besoin d’être orienté dans le bon sens avant chacun des trajets lorsqu’il circulait seul. Le passage en plaque ou pont tournant (voire en triangle) était obligatoire aux extrémités des dessertes.
Toutefois, compte tenu de son faible poids, la possibilité d’un retournement autonome de l’engin avait été étudiée et mise en pratique sur les deux derniers exemplaires livrés. A cette fin, une plaque tournante avait été fixée sous le châssis au niveau du centre de gravité. La descente de la plaque pour appui et le soulèvement de l’autorail pour permettre la rotation étaient effectués par des vérins alimentés par un distributeur lui-même relié à une pompe qui fonctionnait grâce à une prise de mouvement montée sur la boite de vitesse. Une fois soulevé de quelques centimètres au-dessus du rail, l’autorail pouvait être poussé pour lui faire faire une manœuvre de rotation de 180°. On voit, sur cette photographie ci-dessous, cette manœuvre en cours de réalisation.
Performances et essais
Les premières mesures ont porté sur l’insonorisation afin de s’assurer que le bruit ambiant n’était pas trop élevé par rapport à l’autocar. Or, le niveau de bruit constaté était le même sur route que sur rails malgré le roulement sur voie ferrée qui pouvait laissait craindre une gêne pour les voyageurs. Les roues élastiques avaient ainsi démontré toutes leurs pertinences.
En termes de consommation, l’autorail savait se montrer sobre puisqu’il ne dépensait que 17 litres de gasoil aux 100km et 20 litres avec la remorque. La limitation à 1200 t/mn au lieu des 1700t/mn possibles avait eu un effet sensible sur sa consommation.
Le graphique suivant donne les performances en fonction du profil de la ligne. En palier, que ce soit autorail seul ou avec remorque, la vitesse de 70km/h était atteinte. L’autorail seul était même capable de la maintenir jusqu’à une déclivité de 12mm/m. En rampe de 15mm l’autorail pouvait rouler à 60 km/h et à 40km/h avec remorque.
Que sont-ils devenus?
Ces autorails, conçus dès l’origine pour assurer l’intérim avec les nouveaux autorails unifiés en construction, ont parfaitement joué leurs rôles sur les petites lignes secondaires à faible trafic. Les deux premiers exemplaires, qui ont servi de prototypes, ont été utilisés dès novembre 1946 sur le Nord entre Crépy-en-Valois et Senlis. Les huit suivants, qui ont été commandés après la période d’essai des prototypes, ont été affectés au Sud Ouest où ils ont assuré des dessertes au départ d’Agen. Ils ont pris la numérotation SNCF X 5700.
Mais ces autorails à l’équipement sommaire, dépourvus de répétiteur de signaux et d’enregistreur de vitesse, ne pouvaient continuer à coexister très longtemps avec les autres engins moteurs de la SNCF. Ils ont été rapidement amortis et ont cessé leurs services sur les lignes du réseau quelques années après.
Il est indiqué sur Wikipédia que leur trace a été perdue en 1952/53 suite à leur radiation. En cherchant un petit peu, j’ai retrouvé quelques uns de nos autorails Floirat à plus de 8000 kilomètres de la France, à Madagascar. Ceux -ci seraient à voie métrique et auraient été livrés neufs comme d'ailleurs à la Réunion. Information donnée sur le site Forum Train par le pseudo "dedreux".
Dans cette convention prévue au JO de Madagascar et dépendances du 24 avril 1954 page 945, la régie des chemins de fer de Madagascar et la société Transud mettaient en place un service autorail Floirat et autocar entre Tananarive et Fianarantsoa. Un avenant n°1 du 5 juillet 1958 (JO 5/7/1958 page 55) la prolongeait pour une période supplémentaire. Les JO s’arrêtant en 1958, on ne peut pas savoir ce qu’il en est advenu. Gageons que ce sympathique autorail a continué à remplir de bons et loyaux services sur les lignes Malgaches et qu’il en existe peut-être encore un aujourd’hui qui sert de cage à poules ou d’abri de fortune à défaut d’avoir trouvé sa place dans un musée !