29 Avril 2021
Image d’illustration RGCF 1936 RetroNews
Sources RGCF 12 1936 RetroNews, Ferrovissime n°47 mars 2012, Livre locomotion moderne 1951, Bulletin PLM 9/1933 et 7/1934 site gallica.bnf.fr / BnF.
L’Autorail Standard
En 1935, 3 réseaux (Nord, Est, PO/Midi) ont mis en commun leurs bureaux d’études pour définir et faire construire un autorail rapide et suffisamment puissant pour tracter des remorques sur les lignes secondaires.
Une fois les spécifications définies, les 3 réseaux ont fait appel à 7 constructeurs sélectionnés en fonction de leurs spécialisations et compétences. Renault a fourni la plupart des moteurs, les Aciéries du Nord la transmission et les bogies moteurs. Les caisses étant réparties parmi 5 autres constructeurs dont Decauville. Outre les 41 exemplaires commandés dans un premier temps, 6 remorques carénées ont été commandées par le réseau du Nord.
1) Caractéristiques de l’autorail.
Ce qui frappe à première vue est la ressemblance avec son aîné, l’autorail ADN livré au PLM trois ans plus tôt. L’aérodynamisme des faces avant est quasiment une reproduction à l’identique à l’exception peut-être des radiateurs un peu moins volumineux sur le dernier né. A noter que ces radiateurs, placés sous les organes de tamponnement, ne permettaient pas un refroidissement suffisant en cas de jumelage d’où leurs positionnements ultérieurs sur toiture à l’image des ABJ3 et 4.
D’une longueur hors tout de 25,14 mètres pour 43 tonnes, l’autorail standard pouvait transporter à 120 km/h une soixantaine de passagers et même un peu plus en comptant les strapontins. La vitesse de pointe relativement élevée se justifiait, non pour la desserte des lignes secondaires où ils l’atteignaient que très rarement, mais par son utilisation sur d’autres lignes plus importantes sur lesquelles ils pouvaient aussi assurer un service semi-direct. Pour les lignes secondaires, ce sont ses facultés d’accélération qui étaient recherchées et nous verrons plus avant, lorsque je parlerai des performances, que les essais avaient été menés pour justement les mesurer sur des marches omnibus.
Comme vous pouvez le voir, l’accès à l’autorail se faisait par une plateforme unique surbaissée qui donnait accès aux deux compartiments à voyageurs. L’époque était encore à la 3ième classe qui, d’ailleurs, n’était pas d’un confort sensiblement moindre que la seconde. En effet, les deux classes disposaient de 5 places de front avec des sièges quasiment identiques en taille (46 cm de large et distant de 1,5m), la différence se faisant au niveau du revêtement : tissu dans la classe supérieure, similicuir dans l’autre. Un grand compartiment à bagages de 9m2 pour 1500kg et un compartiment postal encadraient les deux espaces voyageurs.
Pour accroître sa capacité de transport, on pouvait lui adjoindre une remorque carénée qu’il pouvait tracter sans problème vu le surcroît de puissance dont il était doté. A peine moins capacitaire que l’autorail, la remorque de 20,31 mètres de long disposait de près de 60 places assises et d’un grand compartiment à bagages.
L’autorail disposait d’une cabine de conduite à chaque extrémité. Une vue de celle-ci vous est présentée ci-dessous. Au milieu la commande de vitesse à 7 crans (0, D pour démarrage et 1 à 5 pour les vitesses), au dessus l’inverseur à droite un manodétendeur pour l’injection du combustible et à gauche le robinet de frein qui a aussi une fonction de sablage par la manœuvre verticale du robinet. En cas de freinage d’urgence, le sablage est automatique.
2) La motorisation.
Dans cette appellation standard attribuée à l’autorail, il y avait aussi, outre l’objectif de réduire les coûts, une volonté d’interchangeabilité des pièces et organes pour pouvoir s’adapter aux nouvelles technologies qui évoluaient très rapidement à cette époque. Le moteur diésel faisait partie de ces évolutions attendues et c’est pourquoi, dès l’origine, les moteurs Renault 513 et Acenor étaient susceptibles de laisser la place à des motorisations plus performantes et plus économiques.
a) le Renault type 513. (deux par autorail)
Ce moteur de 12 cylindres en V de 31,4 litres (140 X170) développait une puissance nominale de 265 ch à 1500 tours/mn. C’est le même moteur qui était monté sur le premiers ABJ livré au PLM en 1935 (https://cheminot-transport.com/2021/04/l-autorail-renault-abj-1-et-2.html ).
Ses caractéristiques principales résidaient dans :
- un bâti-cylindre et carter en aluminium
- des chemises en fonte avec pistons en alliage léger dotés chacun de 4 segments d’étanchéité
- un vilebrequin à 7 paliers en acier spécial molybdène.
- une pompe d’injection avec régulateur centrifuge incorporé.
Après guerre, c’est une version évoluée (le célèbre 517H de 300ch) qui remplacera cet ancien moteur des années 30.
Le refroidissement des moteurs était assuré par deux radiateurs situés aux deux extrémités et protégés par d’imposantes armatures contre les protections de ballast comme vous pouvez le voir ci-après.
b) le moteur Acenor (deux par autorail)
Construit en France sous licence Man, ce moteur de type W6V à 6 cylindres en ligne de 31,7 litres de cylindrée (175x220) développait 210 ch à 1100 tours/mn. Considéré comme insuffisamment puissant, il ne sera monté que sur 4 autorails destinés au réseau du Nord.
3) La Transmission.
La boîte de vitesse était du modèle SLM Winterthür à 5 vitesses. Chaque vitesse comportait un embrayage constitué de deux disques d’accouplement. Ces disques étaient placés à l’intérieur des pignons de l’arbre secondaire (vue ci-après).
Les rapports d’engrenage des 5 vitesses étaient de : pour la 1 4,26, pour la 2 2,23, pour la 3 1,605, pour la 4 1,23 et prise directe (1) pour la 5. Ces rapports produisaient les vitesses suivantes :
1 = 28km/h
2 = 54km/h
3 = 75km/h
4 = 98km/h
5 =120km/h au régime de 1425 t/mn pour le Renault.
4) Les Bogies.
Les deux essieux des 2 bogies moteurs sont commandés simultanément par la boîte de vitesse selon le schéma suivant (la représentation du moteur en décalé est faite pour donner plus de clarté). Les roues ont un diamètre de 0,862mètre.
5) Le freinage
Le système de frein comprenait 3 dispositifs.
- le frein à main dont la commande était située dans chacun des postes de conduite
- le frein à air pneumatique de type Jourdain-Monneret modérable au serrage et au desserrage
- le frein électromagnétique par des semelles frottant sur les rails.
6 La production et les livrées.
La revue Ferrovissime n°47 de mars 2012 détaille l’ensemble de la production (les 41 premiers plus les séries complémentaires) en donnant la numérotation et la livrée. Je reproduis ce travail de grande qualité et précision ci-dessous.
7) Les performances (RGCF décembre 1936 Retronews)
Comme je le disais précédemment, les mesures de performances ont porté sur des séquences d’accélérations et de freinages typiques des dessertes omnibus. L’autorail a d’abord été testé seul puis avec remorque.
a) autorail seul
- En pleine charge l’autorail atteignait les 80km/h en 72 secondes.
- départ arrêté, il gravissait une rampe de 5mm/m à 116km/h au bout de 5km.
- sur un parcours omnibus avec de fortes déclivités (12mm/m) et des courbes très prononcées, il effectuait un parcours ponctué de 24 arrêts tous les 2,7km à 57 km/h de moyenne.
- Sur le parcours Lille Hirson avec 5 arrêts intermédiaires, l’autorail effectuait le trajet à 111km/h de moyenne avec des pointes à 125km/h.
b) avec remorque de 28,5tonnes
Les moyennes obtenues sur Amiens Beauvais avec arrêts intermédiaires sont celles obtenues par d’autres automotrices sans remorque. D’autre part, poussé à pleine puissance, il a remorqué une charge de 40 tonnes en rampe de25mm/m à 28km/h sans aucun patinage.
Les résultats de ces essais s’avéraient très satisfaisants au vu des conclusions suivantes :