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Cheminot Transport

L'un des plus célèbres autorails: Le Picasso.

Image d'illustration SNCF Médiathèque Danis 4/09/1952 Autorisation 2021 13174

Sources : revue Ferrovissimo n° 6 12/2005, 01/2006, RGCF 03/1947, RGCF  9/1952

L’X 3800 Picasso

Introduction

Celui qui est peut-être considéré comme le plus célèbre des autorails n’a pas toujours fait l’unanimité tant au niveau de l’esthétique que de la technique. La revue Ferrovissimo n° 6 décembre 2002/janvier 2006 que j’ai le plaisir d’avoir sous les yeux nous dit que « Lorsque l’autorail unifié de 300ch paraît, il est jugé laid, mal fini et techniquement très en retrait sur les autorails d’avant guerre, plus particulièrement l’ABJ qui reste encore la référence avec sa commande électropneumatique de boîte de vitesses ».

Pour comprendre cet accueil mitigé, il faut se replacer dans le contexte de l’époque où l’on se rappelait avec nostalgie la profusion d’autorails qui avaient vu le jour dans les années 30, lorsqu’il s’agissait de contrer la concurrence routière. Beaucoup de constructeurs s’étaient lancés dans l’aventure pour ne pas rater le coche de ce nouveau moyen de locomotion qui s’annonçait comme étant plein de promesses. Rivalisant d’ingéniosités et d’audaces, les fabricants avaient réalisé des prouesses comme, par exemple, la marque Bugatti qui nous avait offert plusieurs records du monde de vitesse ( https://cheminot-transport.com/2021/02/l-autorail-bugatti-ou-le-levrier-sur-rails.html ) ou le célèbre manufacturier Michelin qui avait révolutionné le contact roue/rail.

Dans cette époque où les finances étaient exsangues des suites de la guerre, la SNCF avait décidé de rationaliser son parc d’autorails en ne retenant que 3 types dits unifiés : les 150ch, les 300ch et les 600ch. Chacun ayant sa fonction propre dans la desserte des territoires. Pour être tout à fait complet, il faut préciser que la SNCF ne fermait pas complètement la porte à un autre type d’autorail encore plus économique avec moteur de moins de 100ch pour les relations où le trafic était très faible (exemple de l’autorail X 5600 FNC https://cheminot-transport.com/2021/03/pas-tres-beau-pas-tres-rapide-mais-tres-economique-l-autorail-x-5600-fnc.html ) ou même l’autorail Floirat  https://cheminot-transport.com/2021/04/l-autocar-floirat-transforme-en-autorail-du-meme-nom.html

Il n’y avait donc peu ou pas de place à l’esthétique ni aux excentricités, seules l’efficacité économique, les technologies déjà éprouvées et la stricte adéquation aux besoins des dessertes du territoire primaient.

Le surnom Picasso

Certains, les plus nombreux, attribuent au célèbre peintre et à ses œuvres déstructurées l’origine du surnom dont il a été affublé. En effet, le kiosque de conduite occupe une position décalée tant en latéral qu’en longitudinal. On est loin de la position centrale des kiosques des Bugatti (du moins dans leurs versions simple et triple) ou de la micheline type 16. A noter que la type 22 avait aussi un kiosque en position asymétrique mais n’avait pas, pour autant, porté ce nom.

D’autres, comme indiqué dans la revue Ferrovissimo, semblent imputer ce surnom aux différents essais de peinture faits sur le matériel pour le rendre plus visible des agents opérant sur les voies (le RGCF évoque aussi les tentatives faites pour mieux repérer les circulations en les peignant de couleurs vives). Il sera ainsi qualifié de perroquet ou de Champigneules dans l’Est (revue Ferrovissimo spécial n°6).

Disons, pour être consensuel, que chacune de ces raisons a contribué, pour sa part, à son appellation  « Picasso » qui subsiste encore de nos jours alors que ce vénérable autorail a fêté ses 70 printemps en septembre 2020.

Le prototype.

Sorti des usines Renault en septembre 1950, le prototype est allé faire ses premiers galops d’essai du côté de Dreux où sont habituellement testés les nouveaux matériels. On le voit photographié ici durant ses marches d’essais entre Paris et Dreux. De retour en usine pour les ajustements après déverminage, il recevra sa livrée rouge rubis en bas de caisse et gris perle au niveau des baies et de la toiture.

SARDO - Centre National des Archives Historiques (CNAH) du Groupe SNCF ; site http://openarchives.sncf.com/ » avec les cotes du document : 0855LM0058 (cote Open Archives : tr_sardo_390_1)

Une autre photographie prise en gare de Dreux au cours de ses marches d'essais.

SARDO - Médiathèque du Groupe SNCF ; site http://openarchives.sncf.com/ » avec les cotes du document : 02220-06 (cote Open Archives : tr_sardo_994) Lucien DELILLE

La série et les caractéristiques

a) la série

Une première série de 35 est commandée. Elle sera produite dans les usines Renault de Choisy le Roi. Vingt et un autre seront fabriqués par De Dietrich. Pour faire face aux nombreuses commandes générées par la bonne adéquation de cet autorail de milieu de gamme aux dessertes des lignes secondaires, il est fait appel à un troisième constructeur, ANF (Autorail du Nord de la France). Deux cent cinquante et un autorails sortiront des usines en dix ans, le dernier, l’X 4051, au début de l’année 1961.

Ci-dessous un Picasso en gare de Conflans Sainte Honorine le 13/11/1958.

SNCF Médiathèque- Montpert autorisation 2021 - 13174

B) les caractéristiques

La SNCF n’avait pas seulement arrêtait sa stratégie en termes d’unification des séries d’autorail mais elle s’était aussi investie dans les études (sauf celles du moteur et de la transmission) et avait défini son expression de besoins dans un cahier des charges. Comme pour l’U150 qui l’avait précédé, l’X3800 avait été conçu dans un souci de simplification des opérations d’entretien obtenue grâce à un nombre réduit d’organes mécaniques (poste unique de commande) et à une facilité d’accès aux pièces afin de limiter le retour en centre d’entretien. Signe de la rusticité recherchée, le remisage en plein air était une des conditions imposées par la SNCF.

Les caractéristiques générales :

Longueur hors tout                         21,85

Largeur                                             3,09

Longueur de caisse                                   20,52

Hauteur toiture                                3,10

Hauteur Kiosque                            3,95

Vitesse maximum                           120km/h

Places assises                                62 + 5 strapontins. Places debout 38

Autorail en ordre de marche         31,5 tonnes et en charge 39 tonnes.

La charge de 7,5t comprenait 2,5tonnes de bagages. L’allègement du poids de l’engin avait notamment été obtenu grâce à la charpente du type « Vierendeel » en acier soudé. Elle ne pesait que 8 tonnes. Quant à la répartition du poids par essieu, il se décomposait de la façon suivante: essieu moteur 11,6t +11,6t et porteur 7,9t +7,9t

RGCF septembre 1952 Retronews

Deux compartiments accueillaient les voyageurs. Celui situé au niveau de la plateforme d’accès était surbaissé, il comportait 32 places assises, cinq strapontins et les WC. Le deuxième compartiment était légèrement surélevé du fait de sa position sur le bogie porteur. Sa capacité était de 30 places assises. Les baies de grande taille (103x81) offraient une grande visibilité notamment dans l’extrémité opposée au poste de conduite où la vue était panoramique et très prisée des voyageurs. Voyez cette photographie de J.P Delpect prise en 2001 sur le Transvap (Chemin de fer touristique de la Sarthe) où les places de devant sont prises d’assaut !

Photo JP Delpect.

 Les fenêtres ne s’ouvraient que d’un côté (celui du kiosque) elles étaient semi-ouvrantes. Les banquettes étaient en tissu moleskine havane, elles étaient surmontées d’un porte-bagage.

Notons que les deux compartiments étaient séparés de la plateforme par des cloisons vitrées et les portes d’accès extérieures étaient à deux vantaux avec un chemin de roulement qui permettait une fermeture hermétique ce qui contribuait à l’aérodynamisme et à l’isolation.

RGCF septembre 1952 Retronews

Le poste de conduite

L’X3800 disposait d’une seule cabine de conduite située dans un kiosque au-dessus du moteur. L’accès se faisait depuis le compartiment à bagages en gravissant les cinq marches d’une échelle. Une fois installé perpendiculairement au sens de la marche, le conducteur avait une vision optimale côté moteur mais il ne voyait la voie qu’à 60 mètres devant l’autre extrémité. Des glaces coulissantes du côté extérieur et pivotantes de l’autre côté étaient mises à sa disposition.  Concernant l’agencement et l’ergonomie des appareils nécessaires à la conduite et au contrôle, le RGCF de septembre 1952 concluait que « leur regroupement judicieux rend la conduite de l’autorail particulièrement facile ». Comme pour l’autorail U150, une petite chaufferette était installée aux pieds du conducteur entre la pédale de débrayage et le levier de vitesse.

RGCF septembre 1952 retronews

Puisque nous sommes dans le poste de conduite, disons un mot sur les changements de vitesse dont la technique devait être parfaitement maîtrisée afin de tirer le meilleur parti du mécanisme. Je présume, au moins pour les plus anciens, que vous avez entendu parler du double débrayage pour le changement des vitesses et bien c’est de cette manière que le conducteur devait opérer à savoir :

-  pousser le manipulateur de traction  car l’accélération se faisait en tirant ce qui n’est pas très intuitif,

- débrayer simultanément en appuyant sur la pédale,

- ramener le levier de vitesse au point mort,

- embrayer en relevant le pied de la pédale

- débrayer et lorsque la vitesse en tour/minute correspond au rapport à enclencher,

- positionner le levier de vitesse au rapport voulu

- embrayer tout en accélérant (tirer le manipulateur de traction).

Les bogies

Les Picasso disposaient de deux bogies, un bogie moteur et un porteur.

Le bogie moteur de type Y 107 avait un empattement de 2,6 mètres pour une masse de 5,2 tonnes. Il comportait une double suspension par ressorts à hélice. Sur un des  deux ponts moteur (le deuxième) était fixée la brosse métallique pour la répétition des signaux.

RGCF septembre 1952 retronews

Le bogie porteur était de type Y 108, il pesait 1 tonne de moins mais était de constitution semblable à l’exception, bien évidemment, des ponts moteurs.

Le Moteur Diesel

Il faudrait dire les moteurs car en plus du Renault (1) type 517G de 12 cylindres en V (140 x170 soit une cylindrée de 31,4 litres) de 300ch à 1500 tours/mn, coexistait le Saurer de type BZDS qui équipait déjà la deuxième série de l’autorail Decauville  https://cheminot-transport.com/2021/04/decauville-600-cv-plm-1936.html

Ce moteur de 12 cylindres (140 x 180) développait 320ch à 1500 tours/mn. Tous les deux étaient placés longitudinalement.

En choisissant deux moteurs distincts pour les comparer et donc les mettre en concurrence, la SNCF avait accepté une petite entorse à sa politique d’homogénéisation  puisque les moteurs n’étaient pas interchangeables du fait de leurs dimensions différentes  (le Saurer était plus compact) et de leurs spécificités.

(1) il y a eu plusieurs autres versions du Renault (517N, P) et même 578 pour les dernières séries (V12 150x170 de 360ch)

La transmission mécanique, représentée dans le schéma ci-dessous, comportait un embrayage à double disques, une boîte de vitesse à 4 rapports, un inverseur de marche et des arbres de transmission à cardans reliés aux ponts moteurs.

RGCF septembre 1952 Retronews

 

Les Livrées

Je ne me doutais pas de la multitude de livrées (hors chemin de fer touristique) dont cet autorail avait pu être revêtu. C’est dans la revue Ferrovissimo spécial n° 6 que j’en découvre toute l’étendue. Sans être exhaustif en voici quelques unes.

Du rouge rubis et gris perle du début, pour arriver à la livrée fin de carrière caractérisée par une caisse gris argent, des baies et bas de caisse gris foncé complétée par des bandes de visibilité orange en passant par la livrée Champigneulles avec une variante au toit rouge et  sa face frontale avec un masque jaune bouton d’or et en continuant par des exemplaires avec caisse rouge vermillon et pavillon crème sans oublier les exemplaires en livrée commandement verte, on comprend mieux pourquoi notre X 3800 a porté, jusqu’à nous jours, le nom d’un peintre célèbre !

J’aurais bien publié quelques unes de ces livrées un peu atypiques mais je n’en ai pas obtenu l’autorisation. Elles sont visibles sur un site en ligne qui, pour 3,26€, vous offre la possibilité de télécharger un PDF de la revue qui n’est plus disponible en version papier.

Voici quelques superbes exemplaires conservés en chemin de fer touristique ou à la CFTA.

Photo JP Delpect

L’X4051, dernier de la série avec un X 2800.

Photo JP. Delpect

 

La remorque unifiée

Outre sa circulation en engin seul, le Picasso pouvait circuler jumelé, avec une remorque et jumelé avec remorque intercalée. De grande capacité, ces remorques étaient prévues au départ pour transporter 70 voyageurs en 3ième classe plus 40 debout.

 

RGCF 3 1947

L’X 3810 avec sa remorque.

 

Les performances.

- La consommation autorail seul s’établissait à 50 à 55 litres au 100km (65 litres avec une remorque) pour un réservoir de 410 litres soit une autonomie d’environ 700km.

- Freinage : en palier et à la vitesse de 100km/h, il ne lui fallait que 400 mètres pour s’arrêter et 200 de plus à 120km/h.

- Les performances de vitesse en palier et en rampe avec ou sans remorque sont reprises dans le graphique ci-dessous. En quatrième l’autorail seul atteignait un peu moins de120 en palier, 90 en rampe de 5mm/m et 52 en rampe de 15mm/m. Avec une remorque, il était limité à 95 km/h en palier, 85 en rampe de 5mm/m, et 52km/h en rampe de 15 mais au maximum de la seconde vitesse.

RGCF septembre 1952 retronews

 

Préservation et conservation

C’est sûrement l’engin moteur le plus conservé et qui risque le moins de disparaitre. Que ce soit en présentation roulante ou en statique, le Picasso n’est pas près de tirer sa révérence et c’est tant mieux. Espérons que d’autres, aussi méritants, ne tomberont pas dans l’oubli et seront visibles par les prochaines générations.

SNCF Médiathèque Danis 4/9/1952 Autorisation 2021 13174

 

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