2 Avril 2021
image d'illustration Bulletin PLM septembre 1935 site gallica.bnf.fr / BnF.
Sources Bulletin PLM 05/1934, 1/1935, 9/1935, 11/1935, 01/1936, 11/1936, 11/1937gallica.bnf.fr / BnF. , RGCF 05/1934, 11/1937, 5/1937, 10/1936, 3/1940 RetroNews, Revue Omnia août 1935,site gallica.bnf.fr / BnF.
L’Autorail Berliet
En 1934, la compagnie PLM était la seule à commander à la firme de Marius Berliet, dont les usines se trouvaient à Vénissieux, deux autorails destinés aux lignes de la région Lyonnaise.
La firme de Marius Berliet était connue pour sa fabrication de camions robustes, puissants et économiques. Sa publicité mettait d'ailleurs en avant la robustesse de son matériel.
Pour cette raison, l’armée avait souvent recours à ce constructeur et même à l’époque de mon service militaire je me rappelle que c’est dans un Berliet GBC8 Kt que nous partions faire des manœuvres et qu’à l’arrivée, nous entendions l’ordre célèbre que tous les gradés nous criaient pour accélérer le mouvement et qu’il valait mieux exécuter promptement: « débarquez !!»
Revenons à notre petit autorail à la bouille sympathique et commençons par en décrire ses caractéristiques.
Avec une longueur totale de 20,5m, les concepteurs avaient réussi le tour de force de loger, sur les 12 mètres de long de la partie réservée aux voyageurs, 64 places assises et 18 places debout. Il faut préciser qu’il n’y avait pas de première classe, seule la densité avait été privilégiée. Un compartiment à bagages de grande capacité (8m2) pouvait supporter 2,5tonnes de charge.
Les portes d’accès à la plateforme étaient à doubles vantaux et les marchepieds étaient à relevage automatique dont le fonctionnement était asservi à la fermeture des portes. Une vue de l’aménagement intérieur est reproduite ci-dessous. Une ouverture intempestive des portes était signalée au conducteur par l’allumage d’un voyant qui imposait l’arrêt immédiat. Un dispositif de chauffage par circulation d’air chaud en hiver et un système de ventilation d’air constamment renouvelé en été étaient régulés par un thermostat. La vue ci-dessous montre l’intérieur du compartiment des voyageurs.
Les Caractéristiques techniques
Ces autorails comportaient deux spécificités qui avaient incité le réseau du PLM à les tester pour voir dans quelle mesure ces technologies pouvaient être comparées à celles mises en œuvre dans d’autres types d’autorails.
La première concernait le moteur avec sa transmission électrique « Alsthom ».
L’autorail disposait de deux moteurs Berliet Diesel de 6 cylindres en ligne développant 125ch à 1500 t/mn (on trouve même la puissance de 135ch dans la revue RGCF de mai 1937). L’alésage était de 135mm et la course de 180mm soit une cylindrée, d’après mes calculs, de 15,5 litres. Le démarrage des moteurs était réalisé par des démarreurs électriques. Les radiateurs de refroidissement étaient placés sur la toiture et deux ventilateurs à moteurs électriques assuraient la ventilation.
Les explications sur le fonctionnement de l’ensemble moteur diesel/génératrice/moteur de traction sont reprises dans l’extrait ci-dessous.
L’autorail était équipé d’un bogie porteur et d’un bogie moteur dont on voit la représentation de ce dernier sur le dessin ci-dessous.
La deuxième spécificité concernait le système de freinage qui était assuré par un double mécanisme (non compris le frein à main d’immobilisation):
- un frein à sabots à commande oléopneumatique
- un frein électromagnétique.
Le frein oléopneumatique était actionné par un robinet qui envoyait de l’air comprimé dans une hydro-pompe, laquelle transmettait l’effort de freinage aux sabots par des pistons alimentés par un liquide de frein (cela ressemble au « Lockheed » dont on parle dans le circuit de freinage des automobiles). En voici le schéma.
Le frein électromagnétique
Ce système de frein était déjà en service sur de nombreux autorails. Il était constitué de patins placés entre les essieux des bogies. Les patins formaient avec le rail le circuit magnétique d’un électro-aimant. Lors du freinage, ce circuit était alimenté par les accumulateurs de l'autorail qui excitaient une bobine disposée autour du noyau du patin. En étant attiré par les rails, les patins effectuaient une pression sur ceux-ci qui représentait un effort de frottement de plusieurs tonnes.
Avec l’emploi simultané des deux systèmes de freinage, on pouvait obtenir une distance d’arrêt très faible. La revue PLM de mai 1934 parlait même d’une distance d’arrêt de 120 mètres à 90km/h sur une pente de 5mm/m. Elle en déduisait, un peu hâtivement, que « il est prévu que nos autorails pourront un jour circuler « à vue » dans certaines circonstances, c’est-à-dire sans la couverture habituelle des signaux fixes »
La cabine de conduite
Située à chaque extrémité comme on peut le voir sur le schéma ci-dessus, les cabines étaient dotées d’équipements très complets de mesure et de contrôle. Le conducteur disposait, en outre, d’une manette de traction et d’une manette d’inversion de sens. La simplification des instruments de conduite avaient été recherchée afin de rendre la conduite extrêmement simple ce qui permettait au conducteur de se consacrer entièrement à l’observation de signaux. La conduite de ces autorails pouvait être assurée en jumelage.
Voici une vue de côté avant (compartiment moteur). L’indicateur Flaman n’était situé que dans la partie avant, à l’arrière il n’y avait qu’un indicateur Jaeger.
Voici la vue du dessus.
La manette n°39 correspond à l’inverseur du sens de marche et la manette 40 à celle de traction.
Mise en service commercial.
Numérotés ZZ-M-1 et 2, ces autorails ont été mis en service le 15 mai 1935 sur les lignes de Lyon à Bourg et de Bourg à Mâcon. L’entrée en service de ces autorails économiques a permis de remplacer 2 navettes vapeur par 5 navettes d’autorails sur la ligne de Lyon à Bourg et 2 navettes de vapeur par autant de navettes autorail sur Bourg à Mâcon. Compte tenu des bons résultats tant en termes de fiabilité que de bon accueil par les voyageurs, le PLM commandait 12 exemplaires supplémentaires mais en version 300ch au lieu de 250 (ZZM- 201 à 212). En voici une vue sur une publicité.
En outre, une expérience d’autorail-fourgon Berliet avec des caractéristiques proches de celui spécialisé en service-voyageurs était tentée par le PLM pour effectuer des liaisons rapides et économiques de messageries. Quatre autorails fourgons ZZD-M-101 à 104 étaient commandés à cet effet. D’une capacité d’emport de 10 tonnes, il pouvait remorquer jusqu’à 5 wagons pesant 60 tonnes à la vitesse de 80km/h en palier.
En voici un remorquant des wagons.
Et voici le même dans un format publicitaire.
Ces autorails de messageries étaient une spécificité du PLM. Ils circulaient sur les lignes de Lyon-Louhans, Lyon Grenoble, et Valence Grenoble.
Les six autorails (2+4 messageries étaient affectés au centre de Lyon en même temps que 6 Bugatti et 33 Renault.
Au 30 septembre 1936, l’inventaire des autorails en service ou en commande était le suivant. Nous retrouvons les 18 Berliet (dont 12 en commande de 300ch) vers le bas du tableau.
L’année suivante, les autorails Berliet rejoignaient le centre d’autorails de Grenoble. On peut en voir trois (ou deux, un est dans la pénombre) ainsi que des autorails Decauville dans cette vue de la remise annulaire du centre de Grenoble.
Quant aux 12 autorails (en fait 14 seront livrés) de 300ch, ils ont été affectés progressivement au centre de Roanne au rythme des livraisons. A l’effectif complet, ils étaient prévus effectuer 2790km/ jour.
Les autorails Berliet ont été transférés à la SNCF lors de la nationalisation et ils sont restés en service jusqu'au début des années 60. Ils ont été renumérotés en X 31 000 et X 33 000.
Il semblerait qu’aucun n’ait été conservé. Si des lecteurs ont des informations sur une éventuelle conservation, merci de l’indiquer en commentaires.
Gardons donc en mémoire une dernière image de ces autorails du célèbre constructeur français Berliet à défaut de pouvoir les regarder en vrai.