29 Mai 2021
Image d'illustration Cours sur les enclenchements mécaniques 1963 SNCF ANMT 1998 7 1093
Sources : Revue générale des chemins de fer et tramway novembre 1898, Revue générale des chemins de fer et tramways août 1902, Revue générale des chemins de fer et tramways janvier 1903, Cours de chemins de fer : professé à l'Ecole nationale des ponts et chaussées. Matéril roulant et traction, exploitation technique par C. Bricka 1894 , Cours sur les enclenchements mécaniques 1963 SNCF ANMT 1998 7 1093
Contrairement à la plupart des autres articles qui sont "tous publics", celui-ci est plus spécialisé. Il n'est donc pas susceptible d'intéresser le lectorat habituel. Il est plus destiné aux cheminots qui veulent en savoir un plus sur les enclenchements. Mais il peut aussi intéresser tous les curieux! A vous de voir. Je ne le mettrai donc sur Facebook que dans les groupes concernés.
Introduction aux enclenchements mécaniques et aux notations
Généralités
Les enclenchements sont des moyens matériels qui interdisent d’actionner un appareil (levier d’aiguille de signal de taquet..) dont la manœuvre serait dangereuse.
A cet effet, les enclenchements rendent les signaux solidaires des appareils de voie de sorte que l’on ne puisse pas :
- ouvrir un signal pour une direction sans avoir, au préalable, disposé les appareils de voie,
- modifier la position d’un appareil de voie si le signal donnant la direction de cet appareil est ouvert,
- ouvrir simultanément plusieurs signaux pour des mouvements convergents ou de sens contraire.
Pour faciliter la mise en œuvre des enclenchements, les leviers de commande des différents appareils ont été réunis dans un même poste alors qu’aux origines du chemin de fer, la commande individuelle à pied d’œuvre était la règle. La dispersion des organes de commande sur le terrain était un facteur de sécurité puisqu’elle réduisait les risques de mouvements simultanés qui pouvaient compromettre la sécurité.
Position normale des appareils
En règle générale, la position normale (à ne pas confondre avec la position habituelle) pour un signal d’arrêt, d’avertissement ou de ralentissement est la fermeture. Le levier correspondant du poste est en position droite.
Pour une aiguille, c’est la position qui assure la continuité de la voie principale ou bien qui assure sa protection dans le cas d’une aiguille située sur voie de service qui donne accès à une partie de voie qui converge vers la voie principale. Dans ces deux cas les leviers de ces aiguilles occupent la position droite au poste.
Classification des enclenchements.
Ils sont dits binaires, ternaires, quaternaires, quinaires etc. selon qu’ils relient 2, 3, 4, 5 leviers ou plus. A partir de 3 leviers, ils sont dits conditionnels, nous verrons pourquoi.
Enclenchements binaires
Nous avons vu dans l’enclenchement par toc https://cheminot-transport.com/2021/01/voie-unique-l-enclenchement-par-toc-semaphore/avertissement.html un exemple d’enclenchement binaire entre un avertissement et un sémaphore. L’exemple suivant relève du même principe entre un avertissement et un carré.
Exemple 1
Le renversement du levier 1 de l’avertissement est incompatible avec le levier 3 en position droite. Autrement dit, 1 renversé est incompatible avec 3 normal.
On qualifie cette relation entre les leviers d’enclenchement de continuité.
Si l’enclenchement met en œuvre une relation entre un signal et une aiguille on l’appelle enclenchement de circulation. Exemple : le levier 3 du carré ne pourra être renversé si le levier 1 de l’aiguille est en position renversée (aiguille à droite) . On dit que 3 renversé est incompatible avec 1 renversé.
Exemple 2
Si vous observez bien ces deux enclenchements binaires simples qui établissent une dépendance entre deux leviers, vous verrez qu’ils n’ont pas exactement le même effet. Un, le premier, ne sert qu’à déterminer un ordre de manœuvre d’ouverture – le carré avant l’avertissement – alors que le second interdit aux deux leviers d’occuper simultanément la position renversée. On appelle le premier un enclenchement d’ordre alors que le second est un enclenchement de simultanéité.
Les relations de dépendance entre les leviers sont considérées comme des enclenchements binaires simples lorsqu’un levier ne peut en immobiliser un autre que dans une seule position.
Lorsqu’il agit sur les deux positions il est appelé enclenchement binaire double que l’on appelle plus communément « pendant course ».
Reprenons un des schémas ci-dessus et ajoutons-y l’aiguille 4 manœuvrée par le levier 4. Comme notre petite locomotive à vapeur doit pouvoir être expédiée dans les deux directions – aiguille à droite ou à gauche – il faut maintenir la possibilité d’ouvrir le carré 3, quelle que soit la position de l’aiguille. Par contre, il ne faut pas que l’on puisse manœuvrer l’aiguille 4 lorsque le carré 3 est ouvert sous peine de faire dérailler notre vénérable locomotive. L’incompatibilité entre le levier du carré et celui de l’aiguille ne doit donc agir ni dans la position du levier 4 droit ni dans la position du levier 4 renversé. Par contre il faut interdire la manœuvre du levier 4 lorsque le levier 3 est renversé et ce quelle que soit la position dans laquelle le levier 4 se trouve. C’est donc la course du levier 4 que l’on interdit quand la levier 3 est renversé d’où l’appellation « pendant course »
Exemple 3
Notation des enclenchements.
Avant d’aller plus loin dans l’explication des autres enclenchements qui vont devenir un peu plus complexes, il faut s’entendre sur la façon de les écrire pour pouvoir mieux les comprendre.
Trois notations différentes ont existé dans les chemins de fer, elles sont désignées par le nom de leur inventeur: Bricka, Cossmann et Descubes.
Notation Cossmann
Cossmann plaçait le levier « enclencheur » au numérateur d’une fraction et le levier enclenché au dénominateur. Exemple 1N/2R signifie que le levier 1en position normale enclenche (immobilise) le levier 2 en position renversée.
Si on l’applique au premier exemple que l’on a pris au début de l’article entre l’avertissement 1 et le carré 3 on aura : 3N/1N Mais si l’on veut que l’incompatibilité que l’on avait exprimée soit complète, il faut que la réciproque soit également vrai. En effet, s’il est utile que l’avertissement soit maintenu en position normale par le carré fermé, il est tout aussi important qu’une fois le carré ouvert ainsi que l’avertissement on ne puisse par refermer en premier le carré car sinon celui-ci ne serait plus annoncé et le conducteur ne serait pas en mesure de s’arrêter à temps faute de ne pas avoir été prévenu. La réciproque en notation Cossmann s’écrit en inversant le numérateur et le dénominateur ainsi que les positions. La notation de notre exemple 1 s’écrira donc : 3N/1N et 1R/3R
L’exemple 2 ne présente pas de difficultés particulières, on applique la notation comme ci-dessus avec sa réciproque.
L’exemple 3 est un peu plus difficile à exprimer puisque l’on a vu que le carré 3 ouvert devait enclencher le levier de l’aiguille 4 dans les deux positions. Cet enclenchement binaire double s’écrira en notation Cossmann : 3R/4N ou R et la réciproque 4 pendant course/3N
Enoncer des enclenchements et les noter restent du domaine de l’abstrait. Peut-être aimeriez-vous savoir comment ils étaient réalisés en pratique. Prenons l’exemple de la table d’enclenchement Vignier. Ce qui suit est une représentation schématisée du principe. Imaginons des tringles (1 et 2) et une glissière (3). Les tringles sont solidaires des leviers (a) et (b) et la glissière (3) est manœuvrée par le levier (a) grâce à une articulation. Elle est percée d’un trou (t). En regardant le schéma ci-dessous, vous devez pouvoir écrire en notation Cossmann l’enclenchement entre les leviers a et b.
En effet on voit que tant que le levier (a) n’a pas été renversé la tringle du levier (b) est bloquée par la glissière. Par contre lorsque le levier (a) est renversé, le trou (t) est positionné en face de la tringle du levier (b) et sa manœuvre devient possible. La troisième vue nous montre la réciproque à savoir le levier (a) renversé est enclenché par la tringle 2 enfoncée dans la glissière. Lorsque le levier (b) sera remis en position normale, la glissière sera libérée et le levier (a) pourra être redressé.
On écrit cet enclenchement :aN /bN et bR / aR
Remarquez que cet exemple pourrait s’appliquer au premier cas que nous avons étudié, le carré 3 et l’avertissement 1. A quelles tringles relieriez-vous le carré et l’avertissement ?
C’est en effet au carré 3 que la tringle 1 serait reliée alors que l’avertissement 1 commanderait la tringle 2. Cet enclenchement aurait aussi pu être matérialisé par un Toc.
Qu’en serait-il pour matérialiser un enclenchement binaire double ?
Prenons l’exemple 3, le montage que l’on vient de voir ne permet pas de matérialiser cet enclenchement. Et pourtant, il suffit d’un petit trou supplémentaire dans la glissière pour obtenir le résultat escompté et sa réciproque.
Voici le schéma pour un enclenchement binaire double. Le trou (u) a été ajouté à la glissière.
Même question que précédemment, voyez-vous à quelle tringle faut-il relier l’aiguille 4 et le carré 3 ?
Le levier de l’aiguille 4 est à relier à la tringle 1 car, quand le carré 3 est fermé (levier a en position normale) la manœuvre de l’aiguille dans les deux positions doit être possible. Comme cette tringle commande la glissière, le levier (a) du carré 3 poussera la tringle 2 dans le trou (t) lorsque l’aiguille sera à droite (sa position normale) et dans le trou (u) lorsque le levier (b) de l’aiguille aura fait décaler la glissière vers la gauche. Dans les deux cas de figure, le levier du carré en position renversé enclenche l’aiguille dans la position qu’elle occupe. On a bien3R/4N ou R ou pour l’écrire avec les appellations des leviers du schéma ci-dessus aR/bN ou R
La réciproque est également valable. En effet si l’on regarde la 4ième image du schéma ci-dessus, on observe que pendant la translation du levier (b), le levier (a) est bloqué par la tringle 2 qui bute sur la glissière. . On a bien : 4 pendant course/ 3N ou pour l’écrire avec les appellations des leviers du schéma ci-dessus : b pendant course / aN
Autres Notations
Avant de passer aux enclenchements ternaires ou enclenchements conditionnels, nous allons quitter la notation Cossmann qui devient plus difficile à écrire dans ces cas là pour voir les deux autres notations que sont les Bricka et Descubes.
La notation Descubes est celle qui a été généralisée au niveau de la SNCF et que l’on peut retrouver sur les schémas de consigne rose ou sur les plans techniques. C’est celle que j’utiliserai par la suite.
Avant, je vous décris en quelques lignes la notation Bricka.
Si l’on revient à notre exemple 1 que je reproduis ci-dessous et dans lequel on voit que l’avertissement 1 ne doit pas être ouvert si le carré 3 est fermé ; là où Cossmann donnait le levier enclencheur et le levier enclenché et sa réciproque 3N/1N et 1R/3R chez Bricka il suffit d’écrire l’incompatibilité à réaliser à savoir (1R, 3N) qui se lit : 1 renversé est incompatible avec 3 normal.
Pour l’enclenchement binaire double que nous avons vu dans l’exemple 3, on l’écrira dans la notation Bricka (3R, 4Nou R) qui se lira : 3 renversé est incompatible avec 4 pendant course).
Notation Descubes
Cette notation reprend celle de Bricka en remplaçant les lettres N et R par les signes + et - . Pour les pendant course on aura ±
Notation de l’exemple 1 : (1- 3+) qui se lira 1 renversé est incompatible avec 3 normal.
Notation de l’exemple 2 : (3- 1- ) qui se lira 3 renversé est incompatible avec 1 renversé.
Notation de l’exemple 3 : (3- 4±) qui se lira 3 renversé est incompatible avec 4 en mouvement (ou pendant course).
Enclenchements Ternaire ou conditionnel.
Dans l’exemple 4 ci-dessous, il faut maintenir la possibilité d’un départ simultané du carré 3 vers B et du carré 1 vers A mais il faut aussi que lorsque le carré 1 s’ouvre vers B, l’aiguille 4a (qui est conjuguée avec la 4b) soit en position normale. Or, si on réalise l’enclenchement (1- 4a-), lorsque l’aiguille 2 sera renversée pour donner la direction « à droite », on ne pourra pas faire un mouvement simultané du carré 3 vers B car l’aiguille 4ab sera enclenchée en position normale à gauche. La solution passe par un enclenchement conditionnel du type ( 1- 2+ 4-) qui pourra se lire de plusieurs façons : si 1 est renversé, 2 normal est incompatible avec 4 renversé ou 1 renversé est incompatible avec 4 renversé si 2 est normal.
Dans cet exemple 5 nous voyons le cas d’un carré manœuvré par deux leviers en fonction de la direction tracée. Le levier 3 donne la direction vers B alors que le levier 4 donne la direction vers A. Comme nous avons un avertissement 1 qui annonce le carré 3, il faudra pouvoir l’ouvrir si le levier 3 (carré 3 vers B) est renversé alors que le levier 4 (carré 3 vers A) est en position normale. La seule incompatibilité à réaliser sera (1- 3+ 4+) qui se lira : si 1 est renversé, 3 normal est incompatible avec 4 normal. On peut aussi lire si 3 est normal, 1 renversé est incompatible avec 4 normal ou encore si 4 est normal, 1 renversé est incompatible avec 3 normal.
Comment pouvait se traduire mécaniquement l’enclenchement conditionnel ? On a vu pour les binaires des tringles avec une glissière percée d’un trou ou de deux dans le cas de binaire double. Dans le cas d’un enclenchement conditionnel ternaire le montage ci-dessus ne suffit plus. Il faut introduire un balancier. Voici le dessin matérialisant cet enclenchement tel qu’il figure dans le cours sur les enclenchements mécaniques.
Le balancier MN porte en son milieu un verrou OV. Lorsque l’on renverse le levier b, le balancier MN tourne autour du point N pour prendre la position M’N. Le verrou solidaire du balancier descend en position O’V’ ce qui libère la barre articulée au levier a qui peut alors être renversé.
Enclenchement résultant.
Les relations d’incompatibilité réalisées entre plusieurs leviers peuvent générer d’autres relations qui sont la conséquence des premières. Les enclenchements qui en découlent sont appelés indirects ou résultants.
Dans la notation Descubes on peut les identifier facilement ce qui évite de créer un enclenchement redondant s’il est déjà obtenu sous la forme indirecte.
Exemple : si nous avons (1- 2+) et (3- 2-) l’enclenchement résultant sera (1- 3-). Pourquoi ? Quand dans 2 enclenchements distincts on a le même n° de levier avec un signe opposé +et - (dans l’exemple ci-dessus 2- et 2+) les deux autres n° de levier sont eux aussi en incompatibilité (1- et 3-).
Le schéma qui peut illustrer ce que je viens de dire est le suivant :
Explications : dans ce cas de figure on aurait (1- 2+) et (3- 2-) donc (1- 3- ) qui signifie que l’on ne peut pas ouvrir simultanément les carrés 1 et 3.