1 Mai 2021
Image d’illustration photo Jean Louis Tosque, publiée avec son aimable autorisation
Sources: RGCF mars 1947, RGCF septembre 1953, Loco Revue 446 février 1983,
Autorail Unifié 600ch Decauville
Troisième et dernier de la série des autorails unifiés, le 600ch était livré à la SNCF en 1951, date à laquelle les X3800 Picasso dont j’ai parlé dans un précédent article, venait d’être mis en service.
Pourquoi cette appellation d’autorail unifié ? Un petit rappel du contexte de l’époque est nécessaire.,
Dans le cadre de la reconstruction de son parc d’autorails, la SNCF avait défini dans les années 1945/1946 les grands principes pour reconstituer un parc dont la guerre avait détruit plus de 25% des engins et dont la part restante avait une moyenne de plus de 10 ans d’âge. Un plan de dotation de 400 autorails et de 500 remorques avait été arrêté. Dans un souci d’unification et de rationalisation, ce plan prévoyait deux catégories principales pour la desserte des différentes lignes :
- La première concernait les autorails à capacité réduite et à puissance massique modérée destinés aux dessertes des lignes secondaires ou aux services de ramassage et de distribution pour assurer la correspondance dans les gares plus importantes. La capacité de tracter une remorque légère était demandée afin de rendre encore plus économique son exploitation.
- La seconde s’appliquait aux autorails à bogies disposant d’une puissance massique suffisante pour réaliser des vitesses commerciales plus élevées que celles des trains à vapeur.
C’est dans cette deuxième catégorie que l’U 600 s’inscrivait. Doté de deux moteurs de 300 ch, cet autorail était destiné en priorité aux lignes à profils difficiles là où les autorails U300 et U150 ne pouvaient soutenir des horaires tendus. En contrepartie de ce surcroît de puissance dont cet autorail était doté, les coûts d’utilisation et d’entretien, du fait des deux moteurs et des organes de transmission, étaient beaucoup plus élevés. Dès que la technique a permis l’apparition d’un moteur plus puissant comme le MGO V12SH de 825 ch, l’autorail U600 a dû s’effacer progressivement au profit de son emblématique successeur, l’ X2800, dont le sujet a déjà été traité ici https://cheminot-transport.com/2021/03/l-autorail-x-2800-u-825.html .
Les études sur cet autorail ont été menées par la SNCF en concertation avec les Etablissements Decauville pour certaines parties. Comme pour tous les autorails unifiés, il a été recherché l’utilisation d’organes éprouvés pour la fiabilité qui en découle mais aussi pour bénéficier de l’effet de série.
Caractéristiques de l’U600 ou X 2400.
Avec cette série, les lignes de l’X2400 rompaient avec celles des précédentes (les 80, 150 et 300ch). La raison en était toute simple ; avec deux moteurs, il n’était plus possible de disposer d’un poste unique voisin du moteur avec commande mécanique unique. Avec une cabine à chaque extrémité, les contraintes qu’engendrait le kiosque (longueur limitée pour visibilité, hauteur, gabarit..) disparaissaient.
D’une longueur de 27,73 mètres avec 19 mètres d’entraxes entre les bogies, l’X2400 était le plus long autorail de la SNCF (à l’exception du prototype Renault AET). Du fait de sa longueur, il était légèrement moins large (2,97m) que ceux de la catégorie inférieure en raison des conditions de circulation en courbe. Sa masse était de 42,5 t en ordre de marche dont 19,5t pour la caisse, 9t pour les bogies et 14 t pour le groupe moteur/transmission. Quant à sa hauteur, la toiture culminait à 3,48mètres au dessus du niveau des rails.
Disposant de deux classes (à l’origine 2ième et 3ième) l’X 2400 offrait 12 places d’un côté avec 4 sièges de front et 56 de l’autre en banquettes et strapontins. Un compartiment à bagages avec le chef de train était situé à côté des secondes (futures premières).
Voici une vue du compartiment seconde avec les sièges unifiés.
A) La caisse
La charpente était une poutre tubulaire constituée par les deux faces à montants verticaux entretoisée par le châssis, le pavillon et les cloisons.
Pour simplifier l’accès aux différents organes, les panneautages aux extrémités étaient démontables pour faciliter le retrait sur son berceau du bloc moteur/transmission.
B) Les bogies.
Il existait quelques similitudes entre les bogies des 300ch et ceux des 600 ch comme la suspension par ressorts hélicoïdaux mais contrairement au Picasso la suspension du bogie à la caisse était à lames. De même, l’entraînement était réalisé par bielles rattachées à un pivot dans le 600ch au lieu de câbles dans les 300ch. La configuration différente des postes de conduite ne permettait pas des choix similaires.
Sur l’X 2400 les 4 essieux étaient moteurs ce qui facilitait les conditions d’adhérence notamment au démarrage sur les lignes à profil accidenté.
C) La motorisation et la transmission.
Les moteurs étaient des Renault diesels type 517 à 12 cylindres en V de 31,4 litres (140 x 170) développant 300 chevaux à 1500 tours/mn. Le refroidissement de chaque moteur était assuré par un ventilateur entraîné par courroie qui aspirait l’air à travers des filtres placés sur la toiture et par 4 blocs de radiateur. Cette eau de refroidissement alimentait le circuit de chauffage. Les moteurs étaient assez voraces puisque la consommation s’établissait plus ou moins autour d’un litre au kilomètre selon que l’autorail circulait seul ou avec remorque en service omnibus ou semi-direct. Les 860 litres des réservoirs autorisaient une autonomie de 900 kilomètres mais seulement de 750 km avec remorque.
La dernière série sera équipée de moteur Saurer BZDS de 320 chevaux.
La transmission comprenait, dans l’axe horizontal du vilebrequin, l’embrayage à friction, la boîte à 4 vitesses (la vitesse en première à 1500t/mn était de 30km/h en seconde de 50km/h en troisième de 88km/h et de 120 en quatrième), l’inverseur de marche. Dans l’axe vertical de ce dernier, on trouvait une descente de mouvement reliée à un arbre de relais horizontal puis un arbre de transmission oblique relié au pont moteur du deuxième essieu. Entre les deux essieux se trouvait un arbre auxiliaire.
Le schéma ci-dessous montre le mécanisme de façon plus claire.
D) La Cabine de conduite
Au premier plan on trouvait un groupe de 4 boutons dont les fonctions correspondaient au sablage, au jumelage, au projecteur et au dispositif de vigilance. Au second plan et de droite à gauche : l’inverseur avec une clé amovible lorsque elle se trouvait sur la position « isolement de poste », la commande d’avertisseur, le levier de la boîte de vitesse, l’accélérateur à crans et le robinet de frein de type JMR. Au dessus divers interrupteurs, les compte-tours des moteurs et les manomètres.
Le conducteur agissait sur les deux groupes moteurs par servocommandes pneumatiques ou électropneumatiques.
E) Le système de freinage.
Outre les deux freins à main dont le volant agissait sur le bogie du poste de conduite correspondant, l’autorail était muni du frein Jourdain-Monneret modérable au serrage et au desserrage avec des sabots de frein à double semelles. L’air comprimé était fourni par deux compresseurs entrainés par les moteurs.
Les performances de freinage se révélaient relativement bonnes puisqu’à 100km/h l’X 2400 n’avait besoin que de 500 mètres pour s’arrêter. Il lui en fallait 750 à120km/H
F) Performances
Pour s’assurer de sa stabilité, des essais de vitesse ont été réalisés jusqu’à 150km/h avec, bien évidemment, des couples de démultiplications spéciaux.
Etant prévu pour tracter jusqu’à 3 remorques, les mesures ont donc porté sur ses capacités de vitesse en côte avec et sans remorque. Rappelons que la remorque unifiée, dont le diagramme est présenté ci-dessous, pesait 17,5 tonnes à vide et 23,5t en charge en comptant 2,5t de bagages.
On observe que jusqu’à deux remorques, l’X 2400 atteignait 120km/h en palier. Seul il maintenait cette vitesse même dans les rampes de 10mm/m. Dans les rampes de 15mm/m l’autorail seul les gravissait à 95km/h et à un peu moins de 85km/h avec une remorque.
F) Préservation
Construits à 79 exemplaires, les X2400 ont été affectés, dès le début, aux lignes à profil difficile du Limousin mais aussi à Grenoble et Lyon Vaise. Après les Grandes Révisions Générales, ils ont été regroupés, au début des années 80, aux dépôts de Rennes et de Limoges. Leurs radiations sont intervenues à la fin des années 80 après plus de trente ans de service.
Aujourd’hui, une dizaine d’exemplaires sont conservés dont certains en état de marche.