7 Mai 2021
Image d’illustration: revue Je sais tout Novembre 1926 site RetroNews
Sources : RGCF 10/1926, 01/1927, 06/1927, 09/1929, Revue Je Sais Tout 11/1926, 03/1927, 05/1927 site RetroNews ; La Vapeur 1933, le Petit écho de la mode 13 mai 1928 Site Gallica.bnf.fr / BnF et revue Ferrovissime n°569 septembre 2012.
A l’initiative de la Compagnie des Wagons Lits qui souhaitait créer de grandes relations internationales par trains de luxe en limitant les contraintes aux frontières, le train « La Flèche d’or » a été mis en service par la compagnie du Nord le 12 septembre 1926 sur la relation Paris Londres. Une marche d’inauguration entre Paris et Calais a été effectuée la veille en présence de nombreuses personnalités dont Davidson Daziel, le président de la CIWL, qui a été le principal instigateur de la mise en place de cette liaison entre les deux capitales.
On le voit ci-dessous sur le marchepied d’une de ses voitures Pullman, la n° 4020 qui correspondait à une voiture salon sans cuisine (voir plus avant).
Partant de Paris à 12h, la « flèche d’or » rejoignait Calais en 3h10 soit à une vitesse commerciale de 95km/h qui en faisait, selon certains journaux d’époque, le train le pus rapide du monde. D’autres, un peu plus prudents, en faisait le train le plus rapide du vieux monde car ne sachant pas trop ce qui pouvait se faire de l’autre côté de l’Atlantique sur l’immense continent américain. En fait, l’Etoile du Nord, autre train de luxe, faisait déjà mieux sur son parcours français puisque les 96km/h étaient réalisées en vitesse commerciale. On pourrait citer aussi le Sud Express qui, entre Bordeaux et Dax, tutoyait les 100km/h ou encore l’exploit réalisé par la compagnie d’Orléans qui avait fait circuler entre Paris et Vierzon une rame tractée par une locomotive électrique à 102km/h de moyenne en 1927. Peu importe, le train était rapide et surtout luxueux. Composé exclusivement de voitures Pullman, le train « La Flèche d’Or » proposait une nouvelle approche du transport ferroviaire pour cette clientèle aisée (1) qui aimait faire le voyage entre les deux nations enfin unies par cette « entente cordiale » que les deux pays avaient eu quelques difficultés à signer; tant les antagonismes séculaires étaient forts.
(1) Le prix du Paris Calais était de 245,25 Francs au lieu de 134,75F en 1ère Classe. Comme on prenait son repas à bord dans le sens Paris Calais vu l’heure de départ, il fallait rajouter 35 francs par personne.
1) Composition du train en septembre 1926
A train prestigieux, composition exceptionnelle !
Une Superpacific et son tender étaient à la tête d’un train de 540 tonnes et tractaient, dans l’ordre de classement, un wagon truck transportant 4 containers à bagages et 10 Pullman alternant voitures salon et voiture salon/cuisine. Tous ces véhicules vont être décrits après la présentation du diagramme de composition ci-dessous.
A) La locomotive et son tender
De type Pacific ou plutôt Superpacific telle qu’elles étaient appelées, ces machines, apparues en 1924, étaient de type 4.6.2 dans la série 3.1200 (futures 231C).
Dotées de 4 cylindres dont 2HP et 2BP (compound) avec un système de surchauffe, les Superpacific développaient près de 2300 chevaux. La grille avait une surface de 3,5m2 et la pression dans la chaudière était de 17kg/cm2. Cette puissance allait de pair avec sa consommation de 15kg de combustible au km pour 110 litres d’eau.
D’une longueur de 12,5 mètres, la locomotive avait une masse de 97 tonnes en ordre de marche dont la répartition entre les deux essieux porteurs de tête, les 3 essieux moteurs et l’essieu porteur d’arrière (bissel selon la terminologie) est reprise dans le schéma ci-après.
Le tender était du type 34.800 dont le premier nombre, 34, correspondait à la capacité du tendeur en m3 d’eau. Quant au poids du charbon transporté, il était de 8 tonnes. Si on se réfère aux consommations annoncées plus haut, on arrive à une autonomie d’environ 320/330 km en eau pour un peu plus de 500 en charbon. Le tender en pleine charge pesait environ 70 tonnes soit une masse totale tender + locomotive de près de 170 tonnes.
Terminons ce paragraphe consacré à la Superpacfic avec cette vue de la cabine de conduite comportant la légende des différentes commandes et des manomètres associés.
B) Le wagon truck.
Les wagons truck, au nombre de trois, avaient été construits pour la compagnie des wagons-lits par les ateliers de Blanc-Misseron-Crespin. Les containers en bois (au début) qui transportaient les bagages étaient transbordés sur le bateau à Calais. Les formalités de douane n’ayant lieu qu’à l’arrivée.
Voici le diagramme de ces wagons porte containers.
Ci-dessous, le wagon truck avec ses containers au départ du train « La flèche d’or ». La partie centrale était un fourgon réservé au chef de train.
C) Les voitures Pullman
Construites spécialement pour ces trains de luxe en 1926 et 1927, les voitures Pullman de la Flèche d’or étaient de deux types :
- les 32 places sans cuisine dans la numérotation 4016 à 4030,
- les 24 places avec cuisine dans la numérotation 4001 à 4015.
Une trentaine de voitures supplémentaire ont été livrées dans la numérotation 4051 à 4080.
Ces superbes voitures métalliques à la livrée marron et crème avec toit blanc mesuraient 23,45 mètres de long et 2,88 de large. Le poids était de 50,5t pour la voiture salon avec cuisine et 46,5 tonnes pour l’autre. Elles étaient couplées deux à deux pour permettre le service d’un repas à la place dans la voiture contigüe à celle disposant de la cuisine.
La voiture salon offrait 34 places réparties en deux grands salons de treize fauteuils et deux coupés avec 4 fauteuils chacun.
La voiture avec cuisine comportait en plus de l’office/cuisine deux salons et un coupé pour un total de 26 places.
Une petite table et deux larges fauteuils étaient placés devant chaque baie. Des marqueteries décoraient les boiseries intérieures constituées d’essences diverses. Les sièges étaient revêtus de d’étoffes choisies spécifiquement pour chaque voiture afin de varier les décorations intérieures.
Voici deux vues des aménagements luxueux de ces salons.
Les repas servis à la place avec les vins fins qui les accompagnaient étaient dignes d’un bon restaurant. Voici un exemple de menu servi à bord.
2) Le voyage en septembre 1926
Un quart d’heure avant midi, la Superpacific se raccordait sur la rame à la gare du Nord. Les essais de frein réglementaires étaient exécutés et le mécanicien indiquait le numéro de son train sur le dispositif que les cheminots appellaient le cinéma (inscription lumineuse que l’on voit au-dessus du tampon)
Le départ est donné à l’heure ronde et le mécanicien en accuse réception par un coup de sifflet. Puis, pour faciliter le démarrage, ce dernier appuie sur les deux régulateurs afin d’envoyer en admission directe de la vapeur dans les cylindres Haute (HP) et Basse pression (BP). Une fois en marche le système du « compoundage » reprend son fonctionnement automatique.
La gare de départ est déjà loin, les 100 km/h sont atteints au kilomètre 5 et seront maintenus jusqu’en haut de la rampe de Survilliers où la descente sur Chantilly pourra alors se faire sans dépasser la vitesse limite de 120km/h. Creil est franchi à 90 puis la vitesse est reprise dès la sortie de la gare pour s’établir à 110 puis à 100 au sommet de la rampe du kilomètre 86. Les 100 premiers kilomètres sont atteints en 59 minutes soit une moyenne supérieure à celle du reste du trajet. Amiens ralentit le convoi car la vitesse sur les différents aiguillages est limitée à 40 puis La Flèche d'or file à nouveau à 120km/h.
Abbeville sera franchie à 90 km/h, dernière limitation de vitesse avant l'arrivée en gare de Calais Maritime.
A peine sont-ils arrivés que les voyageurs descendent des voitures pour rejoindre, juste en face d’eux, les passerelles du paquebot qui les attend.
Après le bateau ce sera la correspondance à Douvres et l’arrivée à Londres Victoria à 19h15. Au retour ces mêmes voyageurs prendront le « Golden Arrow » à Londres à 10h15 et arriveront à Paris à 17h40.
Les premiers changements apparaitront lors de la crise de 1929 (The Great Depression) après le krach boursier. Des voitures de seconde classe seront ajoutées pour mieux répondre à la demande. Puis ce sera au tour de la livrée de perdre sa spécificité marron et crème pour se fondre dans le bleu sombre des autres trains de la compagnie.
Terminons par cette publicité bien connue que j’ai le plaisir de posséder avec celle de l’Etoile du Nord dont le train fera l’objet d’un nouvel article.