31 Mai 2021
Image d’illustration Revue Science et Monde 30 juillet 1931 site https://www.retronews.fr/,
Le génie civil 1 août 1931, Le génie civil 22 octobre 1932, SIA journal des ingénieurs de l’automobile mai 1932 site Gallica.bnf.fr / BnF, Science et Monde du 30 juillet 1931, RGCF 1 octobre 1935 site https://www.retronews.fr/,
La première Micheline à 24 places
Après avoir mis des pneus aux vélos en 1891, aux fiacres en 1894 puis aux automobiles un an plus tard, la maison Michelin eut l’idée d’adapter cette technologie au chemin de fer alors que, de prime abord, rien ne permettait de faire le parallèle entre la route et sa large bande de bitume et les files de rail et l’étroitesse de leurs surfaces de roulement.
Un des ingénieurs de Michelin, à qui son patron lui demandait d’étudier la transposition du pneu au monde ferroviaire, ne put s’empêcher de s’exclamer : « C’est comme si vous vouliez me faire marcher sur une lame de couteau »
Malgré le scepticisme de certains, Michelin commença ses premiers essais en 1929 en équipant une Renault 15ch avec des roues munies de joues en tôle destinées à éviter les déraillements.
Ce véhicule de 3,9 tonnes, doté d’un essieu moteur freiné au centre et de deux essieux porteurs aux extrémités dont seul celui de l’avant était freiné, réussit à atteindre la vitesse de 80 km/h.
Après avoir fait ses premiers pas sur les rails de l’usine Michelin, les véritables essais ont eu lieu sur la ligne Laqueuille Le Mont Dore aimablement prêtée par la compagnie d’Orléans. Ceux-ci ont été l’occasion de mettre au point cette nouvelle technologie du « pneu rail » en déterminant petit à petit, de façon souvent empirique, le meilleur profil du pneu, sa pression optimum de gonflage et la carcasse la mieux adaptée.
Disons un mot de ce pneu rail qui faisait son apparition dans le monde ferroviaire en cette fin des années 20 lorsque la grande crise économique commençait à ébranler l’économie des Etats-Unis et allait se propager jusqu’en Europe.
Gonflé à 5 kg/cm2 les premiers pneus pouvaient supporter une charge de 700 kilos par roue pour une bande de roulement de 6 cm de large. L’adhérence constatée avec ce type de pneumatique était trois fois supérieure à celle du contact roue classique /rail. Un boudin circulaire en acier assurait le guidage et évitait que les roues ne se déplacent de plus de 3 cm latéralement.
Enfin, un dispositif avertisseur de détection de baisse de pression, comme dans nos automobiles d’aujourd’hui, attirait l’attention du conducteur sur son tableau de bord. On voit le manomètre de pression dans la vue ci-dessous. En cas de dégonflement complet du pneu, un dispositif de sécurité empêchait la roue de s’affaisser de plus de 8mm.
Si l’on en croit les journaux d’époque, la constitution même de la roue avec une jante plate qui comportait un côté mobile qu’il suffisait de retirer pour démonter la roue permettait le changement de la roue en 5 minutes avec la possibilité de l’effectuer sur la voie, si nécessaire.
Revenons aux essais hivernaux sur cette ligne du massif central au profil accidenté avec ses très fortes déclivités (40mm/m) et ses courbes aux rayons de moins de 250 mètres. Dans ces conditions extrêmes auxquelles on peut ajouter la neige et le verglas, les Michelines d’essai ont réussi les différents tests auxquels elles étaient soumises ce qui a permis d’apporter les retouches nécessaires à leurs meilleurs fonctionnements. En termes de vitesse obtenues, les essais ont été menés à 75 km/h de moyenne et une pointe à 95km/h a pu être obtenue.
La Micheline type 5
Dans le courant de l’année 1930, les vérifications et réglages se sont poursuivis sur la ligne d’Issoudun à Saint Florent. Les ingénieurs apprenaient à maîtriser les effets de « lacet » et de « galop » et adaptaient les suspensions et les amortisseurs en conséquence pour réduire les oscillations. Ce ne sont pas moins de 9 types de Michelines qui ont été expérimentés dont le n° 5 construit en Duralumin, un alliage d’aluminium extrêmement léger mais très résistant. Composée d’un fuselage d’avion reposant à l’arrière sur un bissel et à l’avant sur le châssis d’une Hispano-Suiza avec u moteur de 6 cylindres de 45 chevaux, cette Micheline offrait une dizaine de places pour un poids de 4,2 tonnes et pouvait rouler à 125km/h.
Le 26 janvier 1931, la Micheline était présentée officiellement aux directeurs des grands réseaux français et le 22 juillet de la même année, la presse nationale et internationale était à son tour conviée pour une démonstration de ce matériel près de Chartres. Enfin, le 10 septembre 1931, une Micheline battait sur le parcours Paris Deauville et retour le meilleur temps des trains rapides de plus de 30 minutes.
La Micheline à 24 places
Etant fin prête pour entrer en service commercial, la Micheline de 24 places était mise en service en 1932 entre Argentan et Granville, Argentan et Alençon puis entre Charleville et Givet sur le réseau de l’Est et enfin entre Vierzon et Montluçon sur le PO.
D’un poids à vide de 4370 kilos, elle pesait aves ses voyageurs et 360 kilos de bagages 6,5 tonnes réparties sur 5 essieux soit 10 roues (650 kilos par roue). La longueur hors-tout était de 13 mètres pour une largeur de 2,46 et une hauteur de 2,36 mètres La vitesse autorisée était de 90km/h mais pouvant être poussée jusqu’à 100km/h.
Deux soutes à bagages, d’un volume total de 6 m3, occupaient les parties (A) et (B) du diagramme ci-dessus. Le compartiment des voyageurs de 6,4 mètres de long disposait de 24 sièges séparés par un couloir central. L’ossature de cette cabine était constituée par une charpente métallique allégée. La paroi extérieure était revêtue de toile d’avion ignifugée.
La caisse s’appuyait sur 1 bogie moteur à l’avant et un bogie porteur à l’arrière. Elle était suspendue aux bogies par des biellettes et leur était reliée par des pivots.
A l’avant on trouvait le moteur et le poste de conduite relié à la cabine par un soufflet afin d’éviter la transmission des vibrations.
Le moteur du type Panhard Levassor de type sans soupapes développait 20 chevaux fiscaux. Une boite de vitesse à 4 rapports avec un inverseur de marche lui était accouplée. La transmission attaquait directement l’essieu central (H) dont les roues étaient couplées avec l’essieu (I) par chaîne à rouleaux. L’essieu arrière (G) était seulement porteur. La consommation était de l’ordre de 20 litres au 100km.
Toutes les roues étaient freinées au frein à commande hydraulique du type Lockheed. Les pneus, de type 610x125, étaient gonflés à 6kg /cm2
Les performances.
En termes de freinage, on obtenait un arrêt en moins de 100 mètres lorsque la Micheline était lancée à 80km/h contre près de 10 fois plus pour un train ordinaire. Ces performances étaient si exceptionnelles que l’on envisageait même de la faire circuler à vue c'est-à-dire hors des principes du cantonnement ce qui aurait constitué une révolution dans le domaine ferroviaire.
L’accélération était le deuxième atout que possédaient ces engins pour réduire les trajets des dessertes omnibus. Alors que la vitesse de 60 km/h était atteinte en 350 mètres et la vitesse de 80 en 600 mètres, il en fallait beaucoup plus du double à un train à vapeur (1500 mètres).
Enfin, de par leurs stabilités et leurs poids légers, les Michelines pouvaient rouler à des vitesses importantes sur des voies dont l’état obligeait les autres trains à ralentir. Un exemple cité dans la revue du génie civil du 1er Août 1931 nous informe que sur la ligne de Saint Florent à Issoudun où la vitesse était limitée à 60 km/h, les Michelines roulaient à 100 voire à 120 sur certains tronçons.
Ces autorails eurent une carrière très courte. Ils furent retirés de la circulation dès le début des hostilités en 1939. Des Michelines plus capacitaires et aux formes plus ferroviaires avaient rapidement pris la suite de ces autocars sur rails.
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