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Cheminot Transport

La locomotive 230 E93

Image d’illustration Unknown author, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

Sources RGCF juin 1939, Le génie Civil 8 juillet 1939, Le génie civil, 4 août 1934 site Gallica.bnf.fr/BnF

 

Locomotive Velox 230 E 93

 

Unknown author, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

D’abord expérimenté  au début des années 30 dans les centrales thermiques comme générateur de vapeur, le procédé de la chaudière Velox a été appliqué en 1938 à une locomotive 230 B appartenant, à l’origine, au PLM.

Avant de décrire cette expérimentation, il parait utile de rappeler les raisons qui ont été à son origine.

Les chaudières classiques des locomotives avaient peu évolué depuis le début de cette invention. Il faut reconnaitre que ces engins étaient bien nés et que grâce à leurs technologies des tubes à fumée et du tirage induit par la vapeur d’échappement, ils disposaient d’un bon rendement et d’un taux de combustion élevé. Ainsi le taux de combustion atteignait 500 kilos par m2 de grille (2100 kilos de charbon à l’heure pour une Pacific à grille de 4,25m2) avec un rendement de 70% qui correspondait au rapport entre les calories contenues dans la vapeur et celles résultant du charbon brûlé. Ce rapport montait même à 80% en utilisant du mazout à la place du charbon.

Si ces résultats pouvaient être considérés comme satisfaisants, les machines à vapeur n’étaient pas sans défauts pour autant. Les observations les plus fréquemment formulées avaient trait à :

- la baisse du rendement aux régimes élevés qui chutait à 60%.

- le plafond de la pression qui semblait être atteint alors qu’il n’avait cessé de progresser depuis 1890 passant de 15kg à 20 en 1925 et dont la limite semblait se situer aux alentours de 25 kilos/cm2 compte tenu des difficultés d’entretien et de réalisation pour aller au-delà,

- l’importance de la masse d’eau d’une chaudière qui était de l’ordre de 8 000 litres ce qui nécessitait une période de chauffe de 4 heures pour commencer à tirer parti du mécanisme moteur. De même, les périodes d’arrêt étaient sources de perte de calories.

- la longue pratique nécessaire aux équipes de conduite avant d’acquérir la connaissance professionnelle pour exploiter au maximum les performances de l’engin.

Aussi, lorsque la Compagnie Electro Mécanique avait proposé en 1936 aux différents réseaux d’essayer cette nouvelle  technologie en l’appliquant à une locomotive à vapeur, un accord fut vite trouvé pour lancer cette expérimentation. En mai 1938 la locomotive 230 B93 transformée en 230 E93 était livrée à la SNCF

Le génie civil, 8 juillet 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Principes de la chaudière Velox

Le générateur utilisait, comme combustible, du mazout qui était brûlé dans une chambre de combustion sous pression (1,5kg/cm2) ce qui avait pour effet d’activer les réactions de combustion dans un volume réduit. De là, les gaz brûlants s’échappaient à grande vitesse (entre 200 à 700km/h selon le point du cricuit) à travers les éléments vaporisateurs favorisant ainsi la transmission de la chaleur (taux de rendement de 90%) et en corrolaire, la réduction des surfaces des échangeurs.

Un autre principe retenu dans cette installation concernait l’accélération de la circulation de l’eau dans les tubes du faisceau vaporisateur grâce à une pompe. Le taux de vaporisation par mètre carré de la surface de chauffe atteignait 450 kilos.

Pour produire à la cadence de 12 tonnes de vapeur à l’heure, la chaudière Velox n’avait besoin que de 600 litres à échauffer pour la mise en pression. En partant du générateur froid, il suffisait de 10 à 15 minutes pour obtenir la pression nécessaire au démarrage de la locomotive contre 4h pour les machines classiques. La contrainte de maintien du foyer pendant les interruptions de service disparaissait.

Enfin pour terminer, disons que le fonctionnement de la chaudière se faisait de façon automatique pour les arrivées de mazout et d’air  ainsi que pour l’approvisionnement en eau, l’intervention du personnel de conduite n’était donc pas nécessaire pour ces tâches.

Si les avantages paraissaient séduisants, encore fallait-il tester tous ces principes sur une locomotive qui présentait plus de contraintes techniques que sur un équipement fixe notamment à cause des trépidations et des variations fréquentes de régime dues à la circulation en ligne. Des interrogations subsistaient aussi sur l’utilisation de l’eau ordinaire contrairement aux installations fixes alimentées par de l’eau distillée.

Un schéma de fonctionnement du générateur Velox est représenté ci-dessous.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Transformation de la locomotive 230 B

S’agissant d’une simple expérimentation, il n’était pas question de fabriquer une machine spécifique pour tester la fiabilité de cette nouvelle chaudière. C’est donc la transformation d’une 230 B qui avait été retenue en réutilisant son châssis et son appareillage moteur. Rappelons que ce type de machine avait une grille de 3m2, développait 1500 chevaux et pouvait circuler à 120 km/h avec ses roues de 2 mètres de diamètre. Si les cylindres n’avaient pas été changés (type compound HP 370mm et BP 540 mm pour des courses de 650 mm), le timbre avait, quant à lui, était porté à 20 Hpz au lieu des 16 d’origine. L’appareil d’échappement avait été supprimé, le tirage de la chaudière étant réalisé par pompe.

L’assemblage des pièces sur la locomotive avait été effectué par les ateliers d’Hautmont des Aciéries du Nord d’après l’étude faite par la Compagnie Electro-mécanique.

Les spécifications imposées au constructeur étaient les suivantes :

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

 

 

 

 

 

 

 

 

On voit sur cette photo tout le travail fourni par le constructeur  pour arriver à loger tous les mécanismes nécessaires à cette adaptation. Ceux-ci se sont substitués entièrement au volume de la chaudière initiale.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Voici une vue semblable mais avec la légende des différents appareils.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Comme on peut le voir dans les prises de vues avec capots enlevés ci-dessus, la chaudière était placée verticalement entre les deux essieux arrières. Les autres éléments étaient fixés sur une plaque rigide s’étendant de bout en bout du châssis. L’ensemble de l’appareillage pesait 18 tonnes.

Le châssis était recouvert d’une carrosserie en tôle qui laissait la place à deux couloirs latéraux permettant de surveiller le fonctionnement des différents appareils en marche. On ne reconnaissait plus la silhouette d’une machine à vapeur sous ce carénage qui lui donnait une apparence moderne, à l’image de la technologie qu’elle mettait en œuvre.

Voici une vue intérieure qui montre un des deux couloirs latéraux.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

La cabine de conduite, située à l’avant, disposait d’un pupitre avec les organes de commande (régulateur, inversion de marche) et les voyants de contrôle.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Le tender avait été conservé mais largement aménagé. Un réservoir à mazout avait été ajouté à la place du charbon ainsi qu’un groupe électrogène pour le lancement et la mise sous pression.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

 

Essais effectués

Dès la livraison en mai 1938, la locomotive 230 E93 avait été acheminée sur les voies de la région Sud-Est. Après formation du personnel, l’engin avait remorqué des trains de natures différentes et de difficultés croissantes.

Affectée d’abord à des trains omnibus Paris Montargis et Paris Montereau, la 230 E93 assurait par la suite la traction de trains express et rapides sur Paris Laroche et Paris Dijon.

Après un retour en atelier pour affiner les réglages et effectuer une mise au point d’organes accessoires, les principaux ne nécessitant pas de réglages complémentaires, la locomotive avait été remise en tête des trains et avait effectué en quelques mois 15 000 kilomètres dans des conditions satisfaisantes. Elle avait notamment été utilisée sur un service de Pacific remorquant des trains de 400 tonnes en rampe ou de 500 tonnes sur les parcours à profil plus facile comme Paris Laroche.

La consommation de fuel avait été mesurée à 8,9litres au kilomètre. Quant aux craintes d’utilisation de l’eau courante et les risques d’entartrage correspondants, ils ne s’étaient  pas avérés fondés notamment grâce aux mesures de prévention prises qui consistaient à vidanger l’eau contenue dans le fond du séparateur et du décanteur après chaque service.

D’autres essais plus poussés avaient été menés au banc d’essai de Vitry ce qui avait  permis de faire des comparaisons avec des machines à vapeur à combustion au charbon mais aussi avec celles alimentées au mazout.

Le premier enseignement par rapport à la 230 B d’origine avait été la mesure d’un gain de puissance de 300 chevaux dû non seulement au timbrage passé de 16 à 20, mais aussi et surtout au rendement qui avait augmenté du fait qu’il n’y avait plus de contre pression à l’échappement puisque, comme nous l’avons vu précédemment, le tirage n’était plus effectué par la vapeur d’échappement.

Résultats au banc de Vitry

a) l’objectif de production de 12 tonnes de vapeur à l’heure avait bien été atteint.

b) le rendement obtenu dans les stations fixes de 90% n’avait pas été complètement atteint mais s’était établi à un bon niveau et supérieur aux autres types de machines. Voir le tableau ci-dessous.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

A la vue du tableau, on pourrait penser que le rendement entre une chaudière Velox et une chaudière à mazout était très proche. Ceci n’est qu’apparent car, dans la réalité, le rendement du Velox avait une valeur nette contrairement à celui de la chaudière à mazout. En effet, l’énergie fournie au tirage avait déjà été déduite alors que celle de la chaudière classique devait être réduite de l’énergie contenue dans la vapeur utilisée à produire le tirage. Dit autrement et plus simplement la même quantité de vapeur produisait plus de travail dans le cas de la chaudière Velox par rapport à une chaudière classique.

Le tableau ci-dessous récapitule les gains combinés provenant des rendements et de la correction appliquée aux différences des systèmes de tirage.

RGCF juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

En conclusion la Revue Générale des Chemins de Fer de Juin 1939 notait que, à la lumière des essais effectués, le fonctionnement d’une chaudière Velox sur une locomotive à vapeur pouvait être considéré comme efficient notamment grâce aux avantages qu’il procurait : mise en marche quasi instantanée, souplesse des variations de régime, rendements élevés et fonctionnement automatique satisfaisant.

Elle précisait toutefois que ce ne serait qu’à la longue que l’on pourrait mesurer les difficultés d’entretien, les éventuels incidents mécaniques et les problèmes d'entartrement.

Quelques semaines après ces commentaires, les hostilités de la seconde guerre mondiale commençaient et mettaient fin à la poursuite des essais.

Arrivée au mauvais moment, la locomotive Velox n’a pas réussi à convaincre et l’expérience restera sans lendemain.

Il semblerait que quelques difficultés d’entretien ainsi que la complexité du mécanisme n’aient pas incité la SNCF à poursuivre dans cette voie, l'entreprise nationale ayant, de plus, d’autres impératifs dans la période d'après-guerre. Enfin, l’électrification et l’arrivée des machines électriques enlevaient toute pertinence à cette technologie appliquée au mode ferroviaire.

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