5 Septembre 2021
Image d’illustration Conservatoire numérique des Arts et Métiers - http: //cnum.cnam.fr
Sources L’électrification des chemins de fer PO/Midi Conservatoire numérique des Arts et Métiers - http: //cnum.cnam.fr, Ferrovissime n°50 juin 2012
Locomotive E703 type 2D2 5300
Dans le milieu des années 30, la compagnie du chemin de Fer de Paris à Orléans lançait une commande de plusieurs prototypes de locomotives de type 2D2 en vue de les comparer en prévision d’une future commande en série.
Le cahier des charges prévoyait un certain nombre de dispositions dont certaines très contraignantes à atteindre. En voici quelques-unes :
- pouvoir remorquer des trains de voyageurs de 800 tonnes entre Orléans et Tours en 1heure et 5 minutes et entre Paris et Châteauroux en 2h 45 mn.
- pouvoir remorquer des trains de 750 tonnes entre Châteauroux et Brive en 2h55mn.
- vitesse limite comprise entre 130 et 140km/h
- distance minimale parcourue entre deux révisions d’au moins 150 000 km
- développer une puissance à la jante de 3600 ch. en régime continu et 4000 ch. en unihoraire sous 1350 V.
- le système de freinage par récupération devait permettre de freiner un train de 750 tonnes en pente de 10mm/m entre les vitesses de 30 et de 120 km/h. Un dispositif automatique de mise en action du frein à air devait être prévu pour pallier tout raté du frein électrique (relais de raté de récupération).
Ces nombreuses spécifications et beaucoup d’autres qui ne sont pas citées avaient conduit à développer des dispositifs nouveaux pour répondre le plus complétement possible aux exigences demandées.
Caractéristiques générales
Les dimensions étaient les suivantes :
- Longueur tampons compris : 17,78 m
- Empattement 6,06m
- Hauteur 3,7m
- Diamètre des roues motrices 1,75m
- Diamètres des roues porteuses 0,97m
Les différentes masses se décomposaient en :
- partie mécanique 83,7 tonnes
- partie électrique 54,9 tonnes dont 31, 5 tonnes de moteurs de traction
- poids total 140,2 tonnes y compris les agrès (sable..)
- poids adhérent 80 tonnes (20 tonnes par essieu avec possibilité de lestage pour atteindre 22 tonnes)
- la charge des essieux porteurs était comprise entre 13,5 et 16,6 tonnes.
Caractéristiques techniques
La motorisation comportait deux moteurs triples Alsthom TR 301 à excitation série et à ventilation forcée avec un rapport d’engrenage de 3,48. Les 3 induits étaient regroupés dans la même carcasse. Ci-dessous vue d’un moteur triple avec ses groupes de ventilation.
Comme le moteur triple n’entraînait que deux essieux des roues motrices, la transmission était réalisée par un triple jeu d’engrenages avec deux arbres creux et quatre accouplements à bielles articulés. Ce montage a fait dire à certains qu’il s’agissait plus d’une 2BB2 que d’une véritable 2D2. On peut voir en partie ce mécanisme complexe représenté sur le schéma suivant. On voit, grâce aux flèches, que l’induit intermédiaire tourne dans le sens inverse des deux d’extrémités ce qui est logique vu l’assemblage retenu.
Outre les moteurs et ventilateurs, l’appareillage électrique comprenait :
- un groupe moteur-excitatrice constitué d’un moteur 1350V et d’une génératrice à tension variable pour l’excitation des moteurs en récupération.
- une batterie d’accumulateur à 48 éléments au cadmium-nickel.
Les performances de traction sous 1350V en couplage parallèle sont reprises dans le tableau ci-après. On constate que les objectifs de puissance en régime continu et unihoraire avaient été obtenus.
Les couplages suivants des moteurs pouvaient être utilisés :
- les 6 moteurs en série
- deux branches en parallèle de 3 moteurs en série (série/ parallèle)
- trois branches en parallèle de deux moteurs en série
Concernant le freinage, outre le freinage électrique par récupération, la locomotive disposait du système de frein à air automatique et modérable Westinghouse agissant sur toutes les roues de l’engin moteur et d’un frein à main à volant. Afin d’empêcher le blocage des essieux lorsque le frein électrique était en action, un dispositif neutralisait le frein à air.
Les deux cabines de conduite comportaient les organes de commande placés à gauche afin que le conducteur puisse effectuer les manœuvres la tête à la fenêtre. Les freins étaient commandés par deux robinets, l’un à deux régimes de pression (Westinghouse H7) et l’autre modérable (Westinghouse n°9). Le frein à main, présent dans chacune des cabines, était commandé par un volant qui agissait sur les essieux moteurs les plus proches.
Sur les pupitres on trouvait le voltmètre de ligne, le voltmètre des moteurs en récupération, le voltmètre des batteries, un ampèremètre du courant d’excitation et un ampèremètre du courant d’un induit en mode traction et récupération.
Essais et résultats obtenus
Après la phase d’essais, la locomotive a été mise en service en novembre 1935. Sa première révision générale a été effectuée à 213 000km soit au-delà de l’objectif fixé à 150 000km. Ce kilométrage avait été réalisé en remorquant des trains de voyageurs d’un tonnage moyen de 500 tonnes.
La révision n’avait pas fait apparaître des usures anormales sur les différentes pièces vérifiées.
Après la mise en service, la moyenne mensuelle du parcours s’établissait à 22 000km avec des pointes journalières à 1200 km.
Enfin, concernant les essais de vitesse sur le parcours Les Aubrais- Saint Pierre-des-Corps, le meilleur trajet avait été effectué en 52 mn (rappel objectif 1h05) à la vitesse moyenne de 130 km/h avec une pointe à 153km/h sur une plage de 5 km.
Des essais de démarrage en rampe de 10mm/m avaient aussi été menés sur le parcours Brive Limoges avec arrêt à toutes les stations et à tous les postes sémaphoriques en rampe. Les échauffements constatés étaient restés dans les limites du fonctionnement normal.
Carrière
Les 5 exemplaires supplémentaires, commandés en 1939 par la SNCF à Alsthom, seront livrés avec un peu de retard en raison des hostilités. S’ils reprenaient l’essentiel des éléments mécaniques et électriques de l’E503, ils différaient par la forme de la caisse qui leur donnera un peu plus tard un surnom évocateur des encriers que les plus anciens parmi nous ont connu : waterman. A noter que les 2D2 5546 à 50 auront une caisse quasi identique et qu’elles porteront le même surnom.
La numérotation de ces engins se fera dans la série 5302 à 5306. Le prototype E703, bien qu’ rebaptisé 5301, conservait ses faces avants d’origine, celles affublées du « joli » nom de « nez de cochon » !
Les engins sont d’abord exploités sur le parcours Paris Limoges Brive en étant affectés au dépôt de Paris Sud-ouest. Rapidement, des problèmes d’échauffement sur les collecteurs des moteurs conduisent à réduire la vitesse limite de 150km/h à 100km/h. Dans le contexte difficile de l’époque (1942/1943) cette limitation importante des performances ne semblaient pas poser trop de problèmes. Même les allemands ne remettaient pas en cause les technologies du moteur triple puisqu’ils réquisitionnaient deux locomotives de cette série pour les envoyer en Allemagne où la partie mécanique et électrique était étudiée dans les moindres détails.
Après guerre, du fait de leurs vitesses limitées à 100km/h, elles seront utilisées à la remorque des trains de nuit sur leur axe de prédilection, Paris Limoges et Brive. En complément, elles tracteront de jour des trains de marchandises lourds au départ du triage de Juvisy.
Après des modifications bénéfiques apportées en 1952, la série des 5300 pourra circuler à 130 km/h ce qui ouvrira la voie à la remorque des trains express de voyageurs en journée.
La carrière des waterman 5300 se poursuivra jusqu’en 1966, date à laquelle elles seront mutées à Tours où elles changeront d’activité principale en se spécialisant dans la traction des trains de marchandises lourds sur l’axe Paris Bordeaux et frontière espagnole.
La première radiation surviendra en 1967 pour la 5301, les autres seront mutées à Bordeaux l’année suivante où elles continueront à assurer un trafic marchandises/messageries avec cependant quelques intermèdes sur des trains plus nobles comme sur le Sud-Express pour la tranche Dax Irun.
Les radiations des 5 exemplaires restants interviendront entre 1972 et 1973 ; l’arrivée en nombre de machines plus modernes( CC6500, BB8500) les ayant poussées vers la sortie.
Si vous souhaitez être averti des publications de ce blog, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter en saisissant votre adresse mail dans la case prévue en haut à droite de l'article.