21 Septembre 2021
Image d’illustration scannée par Didier Duforest, Public domain, via Wikimedia Commons
Sources : RGCF Mars 1927, RGCF Avril 1927, RGCF juillet 1927, Le génie Civil 12 mars 1927, Le génie Civil 25 décembre 1926, Le génie civil 29 juillet 1933, La dépêche du Berry 23 décembre 1926, L’économiste Européen 24 décembre 1926, Match 28 décembre 1926 le tout sur site Gallica.bnf.fr/BnF
Locomotives 2D2 prototypes 501 et 502 futures 2D2 5500
Le 22 décembre 1926, l’électrification de ligne de Paris à Vierzon était inaugurée en grande pompe par le ministre des Travaux publics de l’époque, monsieur André Tardieu. Simultanément à cette mise en service de l’artère principale, les branches de Choisy à Orly et de Brétigny à Dourdan bénéficiaient aussi de l’alimentation en courant 1500 volts continu par caténaires.
Pour fêter l’événement, un train spécial affrété au départ de Paris Quai d’Orsay se rendait à Vierzon et commençait par faire une halte à Vitry pour faire visiter aux personnalités invitées, le nouveau centre d’entretien des locomotives. Après un exposé, qualifié de brillant, d’H. Parodi sur les électrifications en cours et à venir, le train repartait et filait vers Orléans tracté par un des prototypes en essais sans que je sache avec précision de quel type exactement il s’agissait, le journaliste se contentant de parler d’une nouvelle machine à grande vitesse. Au départ d’Orléans, il n’y a plus de doute possible puisqu’un autre journal, l’économiste Européen, parle d’un nouveau prototype de 4000 chevaux ce qui correspond à la 2D2 Ganz (E401) dont on voit une photo ci-dessous.
Après un arrêt en ligne à la sous-station de Teillay où, armé d’un haut parleur, un cadre du PO a fait un exposé sur l’installation à tout l’aréopage resté dans les voitures, le train repartait pour le terminus de la section électrifiée. A l’arrivée à Vierzon, ce fut le traditionnel repas républicain, avec champagne à chaque plat, et les non moins traditionnels discours qui tous, sans exception, glorifiaient ce jour historique où la fée électricité pointait sa baguette dans le Berry.
Au retour, la E401 mit moins de deux heures pour faire Vierzon /Paris si l’on en croit la revue « Match » du 28 décembre 1926 qui parle de record du monde des 200 kilomètres en 1h56 et qui montre la E401 prendre la pose en arborant fièrement ses drapeaux tricolores du jour de l’inauguration.
Si cette locomotive a connu brièvement son heure de gloire, deux autres prototypes concurrents se son avérés, après de longs essais, bien meilleurs qu’elle et auront une postérité contrairement à la E401 qui n’a pas eu de descendance, du moins en France.
Ce sont donc ces deux prototypes E501 et E502, testés concurremment avec trois autres, que je vais décrire à présent.
Ce test grandeur nature avait été mené à l’initiative de l’ingénieur Hippolyte Parodi que l’on peut considérer comme le père de l’électrification en 1500 volts. Avant de se lancer dans des commandes importantes de locomotives aptes à remorquer des trains de voyageurs à grande vitesse, le chemin de fer du PO mettait à l’épreuve 5 engins issus de 3 constructeurs différents.
Les caractéristiques générales des 5 prototypes sont reprises dans le tableau qui suit.
Caractéristiques générales 2D2 E501 et E502
La construction de ces deux prototypes avait été confiée à la Fabrique de locomotives de Winterthur pour la partie mécanique et à la Société Brown-Boveri pour la partie électrique.
La figure ci-dessous reprend les différentes dimensions de ces deux engins
La caisse, qui faisait corps avec le châssis, reposait sur les essieux moteurs et sur les deux bogies par l’intermédiaire de ressorts à lames sur les bogies moteurs et à boudins sur les bogies porteurs.
La stabilité de l’engin avait été étudiée dans les moindres détails afin que son aptitude aux grandes vitesses ne souffre d’aucun défaut majeur. Plus de trois pages très techniques sont consacrées à ce sujet dans la RGCF de Juillet 1927 sous la plume toujours très scientifique et très prolixe d’H. Parodi. Retenons l’installation d’un dispositif de rappel des bogies guides destiné à donner simultanément un effort et un couple de rappel afin que l’axe longitudinal du bogie tende à revenir en permanence dans le plan axial de la locomotive. L’E502 avait un dispositif complémentaire de liaison entre le châssis et le bogie. Celui-ci devait permettre d’analyser l’influence que pouvait avoir la position du point d’attache du bogie avant ou arrière sur la stabilité de la marche de la locomotive à grande vitesse. Le système offrait 9 combinaisons possibles pour les tests.
Concernant le premier dispositif, des essais comparatifs avaient été réalisés à l’aide de sismographes sur les voitures à voyageurs de 1ère classe (At8) à bogies de deux essieux et sur la 501. Ceux-ci avaient montré que le comportement de la 2D2 était au moins aussi bon que celui des meilleures voitures à voyageurs.
Ces bons résultats en termes de stabilité ouvraient la voie aux essais à « très grande » vitesse, c'est-à-dire à 140 / 150 km/h.
Une autre particularité concernait le mode de transmission des moteurs aux roues motrices. Ce système, déjà éprouvé sur les locomotives à voyageurs des chemins de fer Suisse, faisait appel à une transmission par biellettes Büchli. Plutôt que de plagier le texte explicatif de ce mécanisme rédigé dans le génie civil du 12 mars 1927 (texte qui d’ailleurs reprenait in extenso les explications d’H. Parodi dans la RGCF), je préfère vous le livrer tel quel, il sera sûrement plus explicite (avec le schéma + la photo).
La partie électrique et la commande
Les 4 moteurs, qui pouvaient être couplés en série, série/ parallèle et parallèle, étaient montés sur le châssis. Les engrenages et les moteurs étaient entièrement suspendus. Les appareillages logés sur le châssis étaient agencés de la façon suivante.
On voit aussi, sur le schéma ci-dessus, le positionnement avec la légende correspondante des organes de commande et de contrôle à la disposition du conducteur. La vue ci-dessous montre l’intérieur d’une des deux cabines de conduite.
Le contrôleur comportait trois dispositifs de commande (deux sur la 501) dont les fonctions étaient les suivantes :
- 1 inverseur de marche dont la manette pouvait prendre 7 positions (avant ou arrière en série, avant ou arrière en série parallèle, avant ou arrière en parallèle)
- 1 manette de commutation (uniquement sur 502) dont les deux positions correspondaient à la traction ou à la récupération. Si le freinage par récupération n’était pas la priorité principale sur la ligne de Paris à Vierzon, il pouvait présenter un intérêt certain pour la poursuite de l’électrification jusqu’à Brive d’où l’étude de ce système en vue des commandes futures.
- 1 volant de commande de marche à 17 positions pour la 501 (un de plus pour la 502) correspondant aux positions d’arrêt, de marche sur résistances (13) et de marche à champ réduit (3 pour la 501, 4 pour la 502)
Décisions prises à l’issue des essais.
En 1933, la revue du génie civil donnait l’information selon laquelle, à l’issue d’un long processus de sélection de 6 ans, le choix définitif pour la commande des machines de série se portait sur les 2D2 du type des prototypes 501 et 502. Une commande de 35 locomotives était alors passée en vue de la mise en service du tronçon électrifié d’Orléans à Tours. Les premières locomotives, dans la numérotation 503 à 537, devant être livrées avant la fin de 1933. La même année quatre autres prototypes étaient commandés dans la série E701 à E704 en vue de l’électrification de Vierzon à Brive. Cette nouvelle série, qui engendrera les 5100, ne connaîtra pas une grande réussite.
Carrière des 2D2 5500
Les deux prototypes E501 et E502 ont été affublés du prénom « grand-mère » en raison de leur antériorité de plusieurs années avec le reste de la série. On a pu les voir entre Paris Vierzon et Paris Tours jusqu’en 1969 avec la numérotation 2D2 5501 et 02.
La série E503 à 37, numérotée par la suite 5503 à 37 et surnommée « nez de cochon », a parcouru sans relâche les voies du Sud-Ouest à 140 km/h à la tête des trains rapides et Express. Un exemplaire, la 5516, a même réussi l’exploit de totaliser à son compteur 7 818 000 km. Elle continue son activité, mais en restant statique, à la cité du train de Mulhouse. Loco revue n°420 d’octobre 1980 indique qu’il restait encore en exploitation deux 2D2 de cette série au service d’été de 1980.
Construites un peu plus tard en 1938/39, la deuxième tranche numérotée 5538 à 5545 héritera du surnom de « femme enceinte ». Ces 7 locomotives seront radiées à la fin des années 70.
Enfin les cinq dernières, appelées « Waterman » comme les Z5300 dont elles reprenaient la carrosserie, seront numérotées 5546 à 50. Elles auront une vie un peu plus courte que leurs sœurs aînées puisqu’elles seront radiées au bout de 36 ans contre 47 ans pour les « nez de cochon » et 41 ans pour les « femme enceinte ».
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