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Cheminot Transport

La locomotive à turbines 232 Q 1

RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF, RGCF mars 1942 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le génie civil 3 juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF, Loco Revue n°278 novembre 1967, La locomotion moderne 1950 collection personnelle

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RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF

Né d’un concours lancé par l’OCEM (office central d’études du Matériel) en 1933, ce prototype répondait à l’objectif fixé à savoir : ne pas avoir recours à des bielles d’accouplement ; le système moteur à appliquer étant laissé à l’initiative des constructeurs.

La société Schneider du Creusot conçut un prototype et le livra à la SNCF à la fin de l’année  1940, à une époque où, malheureusement, la situation n’était pas propice à une expérimentation poussée des spécificités de ce nouvel engin.

Pourquoi l’OCEM, organisme commun à tous les réseaux, décida de lancer un tel concours sur la base que je viens d’indiquer ?

D’abord signalons que la suppression des bielles d’accouplement n’avait pas fait, à l’étranger, l’objet  de beaucoup de tentatives et encore moins de retours d’expérience. Les projets en cours, à l’époque, concernaient, par exemple, la 241 à moteurs individuels Henschel en 1939 ou la 2-3-3-2 de l’Union Pacific avec chaudière au mazout, turbine centrale et transmission électrique (photo ci-dessous).

 

Le génie civil 3 juin 1939 site Gallica.bnf.fr/BnF

Dans un autre registre, on pourrait remonter à la fin du 19ième siècle avec la locomotive à vapeur Heilmann, dotée d’une transmission électrique, qui a déjà fait l’objet d’une description sur ce site : https://cheminot-transport.com/2021/05/la-locomotive-heilmann-8001.html

Quels étaient les reproches que l’on pouvait faire à l’utilisation des bielles?

-  si les accouplements par bielles avaient pour effet positif la diminution des patinages en rendant solidaires plusieurs essieux, cet avantage se transformait en inconvénient dès lors que l'un des essieux avait un défaut, comme une usure prématurée, puisque la rigidité de l’accouplement des essieux le faisait ressentir également aux autres. La RGCF de 1940 pointait aussi un autre défaut imputable aux  bielles à savoir de faire « battre » l’essieu dans son logement par le biais des boîtes à huile dont le mécanisme les appliquait tantôt vers l’avant de leur cage et tantôt vers l’arrière.

- d’autre part, du fait de la difficulté de transmettre dans un espace réduit l’importante puissance développée par les machines aux trains de roues, l’utilisation du recours à un essieu coudé constituait une fragilité du fait de sa moindre robustesse. Pour s’affranchir de ses modes de transmissions, il fallait fractionner la puissance pour arriver aux moteurs individuels qui permettaient de se dispenser de l’accouplement par bielles.

La solution que proposait Schneider, en réponse au problème posé, consistait en la construction d’un prototype basé sur des moteurs individuels à turbine.

 

La locomotive 2-3-2 Q-1

La locomotion moderne 1950 collection personnelle

Cette technologie de la turbine à vapeur n’était pas nouvelle puisqu’elle existait déjà dans le domaine maritime et dans les installations fixes. Si elle n’avait pas trouvé beaucoup de succès dans les applications aux locomotives, c’était dû en grande partie à son rendement limité aux faibles vitesses. Les tentatives faites pour améliorer son efficacité, notamment en ayant recours à la condensation (circulation de l’eau en circuit fermé) pour favoriser la détente, se heurtaient aux difficultés d’entretien des auxiliaires notamment ceux utilisés pour la condensation et pour le tirage en entraînant, de plus, des dépenses élevées.

Si le prototype à turbines à vapeur proposé par Schneider ne faisait pas appel à la condensation et à la détente prolongée qu’elle induisait, il présentait d’autres avantages comme :

- une réduction des usures et jeux du fait de la disparition des lourdes pièces en mouvement alternatif,

- une meilleure adhérence de par le couple constant qui produisait un effort régulier,

- l’absence de mouvements verticaux ayant un effet de pilonnage de la voie qui apparaissaient sur les locomotives à vapeur à vitesse élevée.

Description générale

Le schéma ci-dessous reprend les dimensions principales de l’engin.

RGCF mars 1942 site Gallica.bnf.fr/BnF,

Pour une longueur de 15,74 mètres sans compter le tender (25,2 en le comptant) la locomotive 232 Q-1 avait un poids total de 122 tonnes pour un poids adhérent de 58,5 tonnes dans les données chiffrées mais de 60 tonnes dans les valeurs indiquées sur le schéma ci-dessus (3 x 20t).

La chaudière et le mécanisme avaient les caractéristiques suivantes :

RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF

Sur les caractéristiques de la chaudière, on remarque qu’elle avait un timbre de 25kg /cm2 au lieu des 20 kg habituels. Les constructeurs avaient eu recours largement aux aciers spéciaux (nickel chrome molybdène)

Sur le mécanisme, on voit que les turbines tournaient à 10 000 tours / minute. Elles avaient donc besoin d’un réducteur de vitesses à double engrenages dont le rapport était de 21. Cela nous permet d’en déduire d’abord le nombre de tours par minute des essieux (10 000/21 = 476 tours) puis en calculant la circonférence de la roue dont le diamètre est de 1,5m (1,5x p = 4,74) on obtient la distance à la minute (476 x 4,74 = 2256 mètres) que l’on multiplie par 60 pour avoir la vitesse théorique permise soit 2256 x 60 = environ 135 km/h

Ci-dessous la schématisation des engrenages et de l’arbre creux.

RGCF mars 1942 site Gallica.bnf.fr/BnF

Le pignon de la turbine attaquait des engrenages droits de première réduction sur deux roues symétriques (une est tronquée dans la représentation ci-dessus). Ces deux roues transmettaient le mouvement à un arbre creux par un engrenage de deuxième réduction. Chaque turbine comportait 6 étages de marche avant et deux de marche arrière.

La vue de ce dispositif

RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF

Fonctionnement pour la conduite

Chaque turbine disposait de 3 soupapes d’admission de la vapeur. Le débit de vapeur variait en fonction du degré d’ouverture des soupapes. Cette manœuvre se faisait par l’intermédiaire d’un volant ce qui simplifiait la conduite par rapport à une locomotive à vapeur classique.

Le mécanicien avait aussi la possibilité d’isoler une ou plusieurs turbines par action sur un petit levier à sa disposition. La vue de la cabine ci-dessous montre l’emplacement du volant et des leviers propres à chacune des turbines.

RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF

En fonction des turbines mises en action, la puissance pouvait varier comme le montre le graphique ci-après.

RGCF janvier 1941 site Gallica.bnf.fr/BnF

Notons aussi une autre utilisation des soupapes dans un dispositif novateur d’anti patinage. En effet, devant le risque de patinage plus grand des essieux à moteur individuel par rapport à un entraînement par bielles d’accouplement, Schneider avait proposé un système qui agissait sur les soupapes d’admission de la vapeur au niveau des turbines. Si un essieu moteur tournait plus vite qu’un essieu porteur pris comme référence, le dispositif en question obtenait la fermeture des soupapes lorsqu’une valeur de dépassement était atteinte.

Un mot sur le tender pour terminer, celui-ci était du type classique du PLM de 30m3. Il en différait cependant par un carénage et par un pousseur à charbon à vapeur censé faciliter le travail du chauffeur dont l’accès à la soute n'était pas très aisé du fait de la présence du carénage. Il semble donc qu’il n’y avait pas de stoker mais une installation intermédiaire.

Essais et mise en service

La locomotive a été livrée au Creusot. En se rendant au banc d’essais de Vitry, sa capacité à remorquer des trains de 600 et même 800 tonnes avec de bonnes conditions de démarrage avait été testée avec succès. La puissance prévue au marché qui était de 2600 chevaux était largement dépassée puisqu’elle atteignait environ 3000 chevaux.

A Vitry, des mesures de consommation ont été effectuées. Les résultats ont montré qu’elle s’établissait à 0,8 kg par ch/h, ce qui correspondait à un rendement de 9% en tous points comparable aux meilleures machines compound. Ce résultat aurait été meilleur en utilisant la technique de la condensation mais aurait aussi eu d’autres inconvénients (Cf supra).

La 232 Q1 a été utilisée sur Paris Laroche Dijon mais a subi rapidement de graves dommages pendant la guerre qui ont entraîné sa disparition car aucune décision de la réparer ne fut  prise.

Cette machine, qui avait démontré en essais, mais aussi en exploitation courante, ses qualités de stabilité aux vitesses élevées est arrivée trop tard et au plus mauvais moment comme d’ailleurs d’autres prototypes que nous verrons dans des sujets à venir.

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C
Article très intéressant ! Comme la chaudière de cette machine était timbrée à 25 kg/cm2, on peut se demander pourquoi sur les chaudières de locomotives classiques construites par après, cette valeur n’à pas été retenue...
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D
Merci pour votre commentaire. C'est vrai que l'on peut se poser la question. Est-ce que le meilleur compromis se trouvait à 20kg/cm2 en agissant sur d'autres paramètres (haute surchauffe, amélioration du tirage, réchauffage de l'eau d'alimentation par la vapeur d'échappement etc..) Après guerre, les études s'orientaient plus sur l'électrique que sur la vapeur.