23 Octobre 2021
Image d’illustration : Collection Didier Janssoone. Livre « Les 40 ans de la Ligne C » Livre dont je vous ai parlé dans https://cheminot-transport.com/2021/02/quand-l-union-de-deux-venerables-dames-donne-naissance-a-la-ligne-c.html et dont je vous conseille vivement la lecture.
Sources : Revue générales des chemins de fer et tramways novembre 1900 site Gallica.bnf.fr/BnF, Revue générales des chemins de fer et tramways Décembre 1900 site Gallica.bnf.fr/BnF, Etude de la locomotive par Deharme et Pulin site Gallica.bnf.fr/BnF, Loco revue n°431 octobre 1981 et Loco revue n° 82 mai 1950.
Locomotives E1 à 8 surnommées « Boîtes à Sel »
Lorsqu’il fut décidé de prolonger la ligne Orléans au-delà du terminus de Paris Austerlitz, le problème des fumées des locomotives se posa dès les premières réflexions sur le sujet. En effet, la ligne étant en souterrain sur une grande part du parcours et notamment dans sa partie terminale où les machines étaient appelées à stationner, il ne semblait pas envisageable, compte tenu des moyens techniques de l’époque, d’installer un dispositif de ventilation suffisant. La seule machine ne produisant pas de fumée étant la machine électrique, l’électrification de ce tronçon apparaissait comme la meilleure solution.
En conséquence, la rupture de charge à Austerlitz entre la machine à vapeur du train de ligne et celle à traction électrique de son prolongement à Orsay fut donc envisagée. Après étude, en dotant la gare d’Austerlitz d’installations bien adaptées à ces manœuvres, le temps estimé pour le changement de machines fut fixé à 2 minutes soit un temps de stationnement acceptable qui correspondait de plus à celui nécessaire au service des postes et messageries que l’on retrouvait sur pratiquement tous les trains de ligne. Pour avoir effectué une partie de ma carrière comme exploitant, je doute fortement qu’une manœuvre de ce type soit possible dans le délai imparti de 2mn ( coupe, évacuation de la machine de route, mise en tête de l’autre machine, raccordement, gonflement de la rame, essai de frein) mais il est fort probable que le chemin de fer de 1900 ne soit pas le même que celui de ¾ de siècle plus tard !
Un autre avantage de ce remplacement de machines à Austerlitz résidait dans la suppression des nombreux mouvements HLP de et vers le dépôt que le terminus d’Orsay aurait généré si la locomotive de route avait dû desservir la nouvelle gare de Paris. Les estimations de ces circulations parasites faisaient état d’une augmentation de 58% des trains sur la section souterraine soit un débit difficile à assurer compte tenu des prévisions élevées de trafic liées à ce prolongement.
Le mode de traction étant choisi, il fallait lancer la construction de locomotives adaptées à la nature du trafic envisagée. Il fallait aussi construire une usine de production d’électricité à Ivry dont le besoin avait déjà été identifié en amont pour le remplacement de l’éclairage au gaz de la gare d’Austerlitz par l’électricité ainsi que pour l’alimentation des installations annexes comme les ascenseurs, cabestans etc.
C’est en s’inspirant de ce qui avait été fait à l’étranger (Baltimore) que cette locomotive, à la forme si particulière, fut commandée en 1898 pour être livrée à la fin de l’année 1899 et être mise en service en mai 1900 sur le tronçon Austerlitz/Orsay.
Les locomotives E1 à E8
Caractéristiques générales
Les principales caractéristiques sont reprises ci-dessous.
Le diagramme suivant montre une coupe de cette locomotive à 2 bogies de deux essieux dont chacun était commandé par un moteur. La cabine centrale, qui abritait le machiniste et son aide, mesurait 3 mètre de longueur pour 2,72 de large.
L’engin était doté du frein à air comprimé du type Wenger en usage à la compagnie du PO.
La prise du courant pouvait s’effectuer au moyen de 3 dispositifs comme on peut le voir sur la vue ci-dessous :
- 4 frotteurs latéraux pour la captation par troisième rail lors de la marche normale
- 1 mini pantographe type « Vedovelli » pour la circulation sur les voies d’évitement et à la gare d’Orsay et un frotteur pour rail axial.
Appareillage électrique
La boîte à sel était munie de quatre moteurs électriques ayant une puissance unitaire de 125kW sous 550 volts. La puissance avait été calculée avec une marge suffisante par rapport au service demandé à ces engins. Ils pouvaient, par exemple, démarrer en rampe de 11mm un train de 300 tonnes. Pour les démarrages, les moteurs étaient groupés par deux en série avec élimination progressive des résistances. En cours de marche, ils étaient mis en parallèle avec un retrait graduel des résistances au fur et à mesure de l’augmentation de vitesse. Dans la revue « Etude de la locomotive : mécanismes châssis et types de locomotives » il est indiqué que « la puissance normale aux jantes peut atteindre, sans échauffement excessif, 1400 à 1500 chevaux pendant 5 minutes »! Cela semble un peu exagéré car cela signifierait que la puissance en régime continu pouvait être doublée sur un court moment sans détérioration des appareillages.
Les autres équipements électriques sont listés ci-après :
Avant d’assurer les 150 circulations quotidiennes entre Austerlitz et Orsay, cette locomotive a été exposée à l’exposition universelle de 1900.
Numérotées E1 à E8 ces engins seront renumérotés en E280 avant de devenir la série des BB 1280.
En 1926, elles seront profondément transformées pour pouvoir être alimentées en 1500 volts. On en retrouvera plus tard à Orléans pour assurer des services de remonte depuis les Aubrais.
Après plus de 60 ans de service, elles seront radiées en 1967, les plus anciennes ayant plus de 65 ans ce qui démontre la fiabilité exceptionnelle de ces locomotives dont la conception remontait au 19ième siècle.
La conservation d’un exemplaire à la cité du train de Mulhouse montre bien tout l’intérêt qu’a suscité cet engin atypique au monde ferroviaire en général et aux cheminots en particulier.
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