3 Octobre 2021
Image d’illustration Par Auteur inconnu — old image, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31006894
Sources : RGCF Novembre 1933 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le génie Civil 2 juillet 1933 site Gallica.bnf.fr/BnF, Correspondance ferroviaire n°19 juin Juillet 2005
Locomotive E4800 future 2D2 5000
Les chemins de fer du Midi ont opté pour le type 2D2 un peu plus tard que le PO qui avait été le précurseur en se dotant, dès 1926, de prototypes de 2D2. La raison de ce retard par rapport au réseau voisin dans lequel ils se fondront quelques années plus tard, était double :
- la Compagnie du Midi disposait déjà d’une locomotive rapide, la 2-C-2 dont le sujet a déjà été traité dans https://cheminot-transport.com/2021/08/les-premieres-locomotives-electriques-pour-trains-rapides-les-2c2-e3100-midi.html. Cette machine novatrice avait parfaitement rempli le rôle qui lui était dévolu tant que la composition des trains de voyageurs restait dans un tonnage compatible avec sa puissance. Avec la généralisation des voitures métalliques, celles-ci s’alourdissaient sensiblement jusqu’à augmenter la charge des trains de 50% voire plus.
- les lignes électrifiées sur ce réseau avaient d’abord été celles des antennes pyrénéennes au profil difficile qui ne nécessitaient pas des locomotives rapides vu la vitesse maximum de 90 km/h qui y était pratiquée. Les locomotives BB qui avaient été commandées à cet effet s’acquittaient parfaitement de la tâche. Mais lorsque des lignes à profil facile comme Bordeaux- Hendaye commençaient à être électrifiées, les chemins de fer du Midi avaient été amenés à revoir leur parc de locomotives rapides, la 2C2 s’avérant trop juste pour les raisons énoncées ci-avant.
Une fois la décision prise de remplacer les vaillantes 2C2 qui s’avéraient trop juste en puissance, le choix se porta sur une 2D2 compte tenu du poids adhérent nécessaire et du poids par essieu encore limité à 20 tonnes en raison des limitations imposées par les ouvrages d’art et par la voie.
Locomotive E 4801 future 2D2 5000
Description générale.
Sa construction avait été confiée à la Société des Constructions Electriques de France (CEF Tarbes puis Alsthom) qui avait réalisé les études en liaison étroite avec les services de la Compagnie des Chemins de fer du Midi. Les six premiers engins, qui avaient fait l’objet d’une commande dès 1930, avaient commencé les premiers essais à la fin de l’année 1932.
Les caractéristiques principales sont décrites dans le tableau ci-après.
Ne reprenant pas les nez proéminents d’extrémités qui ont longtemps caractérisé les 2D2, l’E4801 avait une longueur inférieure de plus d’un mètre par rapport à ses devancières du PO (prototypes 501 et 502 et leurs descendances).
Sa masse était de 122 tonnes et son poids adhérent de 76 000 kilos soit 19 tonnes par essieu moteur. Les essieux porteurs des bogies directeurs supportaient, quant à eux, une charge de 11,5 tonnes.
D’une puissance respectable de 3900 chevaux (unihoraire), l’E4801 dépassait largement les spécifications du cahier des charges qui avait fixé un objectif de 3200 chevaux et 120 km/h.
Description technique
a) La caisse
La caisse comprenait deux cabines de conduite reliées entre-elles par deux couloirs latéraux comme on peut le voir sur le plan ci-dessous.
Au centre (J) on trouvait les résistances puis, en partant vers les extrémités, les groupes moto-ventilateurs qui avaient chacun un débit de 300m3 d’air par minute, les appareillages électriques et les compresseurs nécessaires au fonctionnement des freins, de l’appareillage électropneumatique, des sifflets et des sablières.
Les deux cabines comportaient les mêmes appareils de conduite, freinage et contrôle. L’indicateur/enregistreur de vitesse était du type « Hausshaelter ». Une vue d’une cabine de la 4801 est présentée ci-après.
Les Bogies
On retrouvait sur les bogies directeurs d’avant et d’arrière des analogies fortes avec ceux de la 2-C-2. La différence principale résidait dans les fusées qui étaient extérieures aux roues au lieu d’être intérieures. Un important débattement transversal de 300 mm du pivot ( soit 150 mm de chaque côté par rapport à la caisse) était possible. Ce déplacement latéral était freiné par un mécanisme conjugué de ressorts à lames et à boudins qui assurait le rappel en position initiale après tout effort exercé sur lui. Le schéma ci-dessous montre ce dispositif.
Si ce type de bogie, qui avait été éprouvé sur la 2C2, semblait être bien adapté aux grandes vitesses, la transposition qui en a été faite sur la 2D2 n’a pas démontré son efficacité. Trop d’éléments les différenciaient comme le centre de gravité beaucoup plus haut sur la 2C2 du fait, par exemple, de ses moteurs verticaux dont le principe n’avait pas été repris sur la 2D2. De plus, les essieux moteurs avaient une rigidité extrême du fait de l'absence de jeu latéral . Tous ces éléments conjugués ont entraîné bien vite une limitation de vitesse compte tenu des risques encourus ce qui lui a fait perdre sa vocation première (et sa raison d’être) de machine spécialisée pour les trains de voyageurs rapides.
Notons, pour clore le sujet des bogies, que les essieux porteurs avaient des roues de 900 mm de diamètre pour un empattement de 2 mètre alors que les essieux moteurs étaient dotés de roues de 1750 mm.
Freinage
La 2D2 n’était pas équipée d’un frein électrique à récupération. Les lignes sur lesquelles elle était destinée (Bordeaux Hendaye) n’avaient pas de déclivités le justifiant.
Elle était munie du frein à air automatique Westinghouse et du frein modérable. Un cylindre de frein horizontal agissait, par l’intermédiaire d’une timonerie commune à deux essieux, sur des sabots au nombre de deux par roue. Les essieux porteurs étaient freinés par un sabot par roue. Deux freins à vis (un dans chaque cabine) complétaient le dispositif. Leurs actions ne s’appliquaient qu’aux essieux moteurs les plus voisins.
Moteurs
Chacun des essieux moteurs était mû par un moteur double monté dans une même carcasse. Les deux induits étaient toujours connectés en série et établis pour une tension de 750 volts. La puissance développée était de 975 chevaux en unihoraire et 925 en continu.
Le couplage des moteurs pour la régulation était effectué en série, série-parallèle et parallèle selon la séquence suivante du démarrage à la pleine vitesse :
- les quatre moteurs doubles en série avec l’élimination progressive des résistances par l’action sur les crans 1 à 14.
- deux groupes en parallèle de deux moteurs en série en agissant sur les crans 15 à 23,
- les quatre moteurs en parallèle avec l’utilisation des cans de 24 à 33.
La transmission
Les moteurs, entièrement suspendus, entraînaient les essieux par l’intermédiaire d’un arbre creux. Pour rappel un arbre creux correspond à un tube concentrique en acier qui entoure l’essieu sans jamais le toucher. Pour cela il dispose d’un jeu suffisant (40 mm dans le cas de la E4801) pour compenser les déplacements.
Un accouplement élastique transmettait le mouvement de l’arbre creux à la roue. Le principe des accouplements élastiques a déjà été décrit dans https://cheminot-transport.com/le-fourgon-automoteur-z5000 . Un schéma de celui de l’E4801 est présenté ci-après ainsi qu’une photo.
Les pantographes.
Le déploiement des pantographes s’effectuaient par ressort alors que l’abaissement était obtenu grâce à l’action de cylindres à air comprimé. L’amplitude du déploiement s’établissait entre 4,65 et 6 mètres au-dessus du plan de roulement.
Essais
C’est le deuxième exemplaire, l’E4802, qui avait effectué une campagne d’essais du 13 au 30 décembre 1932 sur la ligne de Bordeaux à Irun. Il s’agissait de s’assurer que les objectifs de performances fixés au cahier des charges étaient bien atteints et que cette locomotive pourrait effectuer les missions pour lesquelles elle avait été prévue. Une voiture dynamométrique de l’OCEM (Office Central d’études de matériel) avait été utilisée pour les mesures.
Les commentaires élogieux de la RGCF d’époque seront malheureusement démenties à l’épreuve de l’exploitation au quotidien. Nous verrons cela dans le prochain paragraphe. Pour l’instant, voyons comment cette 2D2 s’est comportée dans les épreuves auxquelles elle a été soumise.
En termes de performances de vitesse :
- entre Labouheyre, Ychoux et Caudos, sur un long tronçon rectiligne de 30 km, l’E4802 avait remorqué un train de 489 tonnes en dépassant constamment 140 km/h avec une pointe à 146km/h.
- sur ce même parcours mais avec un train de 676 tonnes, une vitesse de 130 km/h avait été soutenue avec une pointe à 139km/h
- avec une composition à 817 tonnes, la vitesse s’était établie entre 125 et 134 km/h.
Plus surprenant quant aux résultats, des mesures de résistances au roulement avaient été effectuées avec les différentes compositions de train et machine seule. Il en ressortait une valeur peu élevée pour la locomotive par rapport aux machines électriques comparables en puissance. Est-ce que ces mesures avaient été relevées en ligne droite ? On peut se poser la question au vu des défauts qui lui ont été reprochés par la suite concernant notamment sa rigidité et l’absence de jeu latéral des essieux moteurs. La correspondance ferroviaire n°19 conclut après avoir énuméré les différentes imperfections que « Il en résulte un train roulant indéformable et très agressif envers la voie ».
Voici le graphique des résistances au roulement.
Les conclusions des essais ne peuvent que nous laisser perplexes lorsque l’on sait ce qui leur est arrivé par la suite. Je cite quelques conclusions :
- « les nouvelles locomotives ont fait montre d’excellentes qualités »
- « elles se sont révélées, au cours des essais, doués d’une tenue remarquable sur la voie à toutes les vitesses. La tenue est restée excellente même à des vitesses assez élevées atteignant 150 km/h»
- « l’inscription dans les courbes est particulièrement douce »
Le plus surprenant est le dernier paragraphe qui sera largement contredit quelques années plus tard :
« on peut être certain que ce type de machine pourra, pendant de nombreuses années, assurer avec pleine satisfaction le service des trains rapides »
La conviction de disposer d’une machine en parfaite adéquation avec leurs besoins conduisait les chemins de fer du Midi à commander, dès la fin de la campagne d’essais, 6 machines supplémentaires.
Carrière
Les dernières des 24 2D2 4800, commandées par tranche successives, seront livrées après la fusion PO/Midi.
L’affectation de ces engins se fera entre les dépôts de Bordeaux et de Toulouse. Le début de carrière sera conforme à l’objectif qui leur était assigné, à savoir tracter des trains lourds de voyageurs à 120 km/h. Comme indiqué plus haut, des limitations de vitesse ont dû être prises dès 1939 en raison de l’agressivité à la voie dont elles faisaient preuve et d’une stabilité insuffisante qui faisait craindre à un possible déraillement à grande vitesse. Passant successivement de 120 à 110 pour finir à 100km/h, elles perdaient leurs statuts de locomotives de trains rapides pour être reléguées aux trains omnibus et de messageries.
Renumérotées 2D2 5001 à 24, elles étaient regroupées à Bordeaux. D’après guerre aux années 60 ces locomotives seront engagées sur les axes Paris Bordeaux Irun, Brive Toulouse et feront quelques incursions du côté de Sète et Nîmes.
Les premières radiations ont commencé en 1966, les dernières ont pris fin en 1969.
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