4 Novembre 2021
Image d’illustration 8474 tim, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Sources: Revue générale des chemins de fer février 1933 et revue générale des chemins de fer mars 1933 site Gallica.bnf.fr/BnF
Locomotive tender 1.4.1 1200 pour la banlieue Nord
Après s’être illustré dans la conception des nouvelles voitures métalliques du Nord, l’ingénieur Marc de Caso était chargé, au début des années 1930, d’étudier la réalisation d’une locomotive de banlieue rapide et puissante pour tracter les rames dont le poids était en constante augmentation. L’objectif étant de pouvoir remorquer des trains de 500 tonnes dans les mêmes horaires que les trains précédents dont le tonnage moyen était de 300 tonnes.
S’appuyant sur les dernières études notamment en termes de surchauffe, de pistons valves et de boîte de distribution dont la technologie avait été mise au point par un autre ingénieur du réseau Nord, Léon Cossart, le polytechnicien, Marc de Caso, avait doté cette locomotive à tender de type 141 (Mikado) des derniers perfectionnements. Mais, paradoxalement, le concepteur revenait à la technique de la simple expansion alors que le mode compound semblait incontournable depuis déjà une quarantaine d’années.
Pourquoi ce revirement ?
Avec la maîtrise de la très haute surchauffe à plus de 400°, on avait trouvé le moyen de maintenir de très longues détentes pendant lesquelles la vapeur restait toujours surchauffée. Grâce à des distributeurs assurant en toute indépendance l’admission et l’échappement, la vapeur surchauffée pouvait subir toute la détente nécessaire dans un moteur à simple expansion.
Pourquoi alors, si on pouvait maintenir de très longues détentes, devrait-on s’embarrasser de mécanismes compliqués, coûteux en construction et en entretien et de plus à rendement plutôt faible. Léon Cossart citait le cas de certaines locomotives à vapeur dans lesquelles le travail de la vapeur dans les cylindres Basse Pression ne servait guère qu’à mouvoir ce mécanisme BP !
Par contre ce même ingénieur précisait que si la pression de la chaudière devait, dans l’avenir, dépasser sensiblement 20 bars, la question mériterait à nouveau d’être posée.
Dès 1932, les ateliers de la compagnie à Hellemmes sortaient le prototype 4 1201 et commençaient à mettre en production 4 autres exemplaires avant de confier à l’industrie privée (Société Alsacienne de Constructions mécaniques, Ateliers de Construction du Nord de la France, Société Franco-belge) une première tranche de 30 exemplaires.
Caractéristiques générales
Les principales caractéristiques sont reprises dans le tableau suivant :
On voit que le timbre était fixé à 18 bars, que le poids total en ordre de marche atteignait 122 tonnes pour un poids adhérent de 86 tonnes soit près de 22 tonnes par essieu accouplé qui était la nouvelle limite sur le réseau du Nord.
Marc de Caso précisait dans son exposé que : « le faible diamètre des roues motrices (1,55m), le grand poids adhérent et la grande vitesse de rotation autorisée par le moteur, l’excellente tenue de route de la machine, nous permettent de cumuler les avantages respectifs des locomotives à grande vitesse et des locomotives pour trains de marchandises. »
Caractéristiques techniques
La surchauffe, dont j’ai parlé ci-dessus, s’élevait à 380° en régime normal et pouvait atteindre 420° lorsqu’un effort était demandé à la locomotive par exemple sur des fortes rampes. Le surchauffeur était commun à celui des Pacific de la série 31 200. La chaudière, sans être identique, découlait de celle de la locomotive précédemment citée.
Concernant la distribution qui était à obturateurs indépendants à l’admission et à l’échappement, deux techniques avaient été expérimentées :
- celle des soupapes
- celle des pistons valves.
C’est cette dernière qui avait démontré sa supériorité en réduisant le laminage du fait que les pistons valves étaient en mouvement au moment précis de l’ouverture et de la fermeture des lumières.
La disposition des cylindres, des distributeurs et la forme spéciale des pistons, favorisaient la circulation de la vapeur et la rapidité de remplissage des cylindres.
Ce montage et d’autres dispositifs permettaient une vitesse de rotation de 7 tours par seconde soit 420 par minute. En faisant le calcul, on voit que même avec des roues de taille moyenne, la vitesse que l’on pouvait obtenir dépassait les 120km/h (1,55 x p = 4,87m que l’on multiplie par 7 puis par 3600 = 122,7km/h).
Le châssis était constitué de longerons en tôle de 35mm d’épaisseur. La bielle motrice, en acier Nickel Chrome, longue de 3,20 mètres ne pesait que 200 kilos mais pouvait supporter une charge axiale de 50 tonnes.
Les organes d’attelage et de choc avaient été étudiés en vue de la marche en réversibilité (système Aubert avec double commande du régulateur et du sens de marche avec dispositifs de contrôle. Une liaison téléphonique avec haut parleur était maintenue entre le conducteur dans la cabine d’extrémité et le chauffeur resté dans l’abri de la locomotive.). Les organes d’attelage comprenaient à la fois un système d’attelage automatique Willison et un appareillage normal.
Le confort (très relatif) du personnel avait été pris en compte dès la conception. On peut citer :
- la calorifugation de la paroi arrière de la boîte à feu,
- des dispositifs de levier avec un manche long facilitaient la manutention des outils à feu de grande longueur,
- un chariot de 500 kilos de briquettes était monté sur rail afin de l’amener le plus près possible de son utilisateur,
- la forme de la trémie de la soute avait été étudiée pour améliorer la visibilité en marche arrière,
- les manomètres étaient regroupées sur un tableau de bord lumineux afin qu’ils soient bien visibles de jour comme de nuit.
Résultats des essais.
Les premiers essais en vue de la recherche d’une fiabilité optimum de la locomotive ont été menés sur une période d’un peu plus de trois mois. A l’issue de ces tests, des adaptations de réglages ou des modifications de pièces ont été apportées à la 4 1201. D’autres transformations nécessitant des changements plus importants ont été mises en œuvre uniquement à partir de la machine suivante, la 4 1202.
Concernant les résultats chiffrés, en voici un compte rendu :
La rame d’essais était composée de 9 voitures métalliques lestées et d’une voiture dynamométrique. Le poids remorqué s’élevait à 482 tonnes. Les marches ont eu lieu entre Creil / Paris (32 mn) et Paris /Creil (30mn et 14 secondes). Sur ce parcours, les temps les plus rapides alloués aux trains réguliers étaient de 32 mn. Un graphique d’une de ces marches est montré ci-après. On voit l’aptitude de la locomotive à maintenir en rampe de 5mm/m une vitesse de plus de 110 km/h et à développer en régime continu une puissance au crochet de traction supérieure à 1700 chevaux.
D’autre part la locomotive avec sa rame avait été testée en service omnibus sur un parcours à profil plus accidenté de Valmondois à Epinay.
Le graphique suivant montre la superposition des marches de trains à 300 tonnes (avant la locomotive 4 1201) et à 482 tonnes (locomotive 4 1201).
Marc de Caso concluait cette étude en affirmant que le réseau du Nord disposait, avec cette machine et avec les nouvelles voitures, de l’instrument idéal pour réorganiser le service de banlieue sur des bases modernes en améliorant les conditions de transport des voyageurs sous le triple aspect du confort, de la sécurité et de la rapidité.
La suite lui donnera raison puisqu’outre les 30 unités commandées dès 1933, une autre série suivra qui portera à 72 le nombre de machines de ce type.
Elles seront renumérotées 141 TC n°1 à 72 et le dernier exemplaire assurera un service de banlieue jusqu’en 1970.
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