8 Novembre 2021
Image d’illustration : Revue générale des chemins de fer Novembre 1932 site Gallica.bnf.fr/BnF
Sources : Revue générale des chemins de fer Novembre 1930 site Gallica.bnf.fr/BnF Revue générale des chemins de fer Novembre 1932 site Gallica.bnf.fr/BnF Bulletin PLM novembre 1930 et Mars 1932 site Gallica.bnf.fr/BnF, Revue générale des chemins de fer août 1934 site Gallica.bnf.fr/BnF
Locomotive 241 B1 à haute pression.
J’ai déjà abordé brièvement la description de cet engin lorsque j’ai présenté la 232 P qui a vu le jour près de 10 ans après et qui avait aussi recours à la haute pression. La technologie retenue dans le cas présent étant différente, il me semble utile d’en parler.
Qu’est-ce qui avait poussé le PLM en 1930 à travailler sur cette nouvelle technologie novatrice dont la première expérimentation avait été menée en 1928 par la société de Winterthur ?
Voyons, en guise de réponse, ce que déclarait l’ingénieur en chef du matériel, Ange Parmantier.
On peut retenir de ses propos que l’augmentation du timbre génère une augmentation de puissance et une diminution de la consommation à puissance équivalente.
Pourquoi dans ces conditions n’avait-on pas augmenté plus tôt le timbrage des chaudières ?
A la fin des années 20 et au début des années 30, le timbre était passé de 16 kilos/cm2 à 20 kilos ce qui semblait être une limite pour les chaudières à tube à fumée. Or, il existait sur des installations fixes et même sur des bateaux à vapeur des chaudières d’un autre type dites « à tubes d’eau ». Le fonctionnement de ces mécanismes nécessitaient de l’eau distillée ce qui était admissible pour des installations fixes mais qui l’était beaucoup moins sur un mobile comme les machines à vapeur. Les essais effectués avec de l’eau brute en provenance des tenders avaient montré que les tubes s’entartraient très rapidement ce qui, sur une locomotive à vapeur, présentait un risque majeur.
Pourquoi ce qui avait montré ses limites lors des essais antérieurs aurait plus de chance de réussir dans cette nouvelle expérimentation ? Tout simplement en raison de la technique mise en œuvre par le système Schmidt qui était fondamentalement différente. En effet, la chaudière Schmidt fonctionnait en circuit primaire fermé, donc sans consommation d’eau. Pour éviter la formation de tartre, le remplissage initial devait s’effectuer à l’aide d’eau distillée.
Devant les promesses d’économie que cette nouvelle technologie faisait miroiter, le PLM demandait aux établissements Henschel de lui faire une proposition pour une locomotive ayant des caractéristiques semblables à l’importante série des 145 exemplaires de la 241 A en ce qui concerne la puissance, le poids adhérent et le même diamètre des roues. Pour que l’économie soit immédiatement mesurable, il fallait que la surface de la grille de chauffe soit sensiblement plus réduite par rapport au 5m2 de la machine de référence.
Les Etablissements Henschel répondaient à cette demande en proposant le projet d’une locomotive avec grille de 3,89m2 développant une puissance identique et réalisant une économie de 20% dans la consommation de charbon.
Description générale de la 241 B1
La 241 B1 ne différait de la 241 A que par l’appareil évaporatoire que je vais décrire et par le diamètre des cylindres HP et BP.
On voit dans le tableau ci-après que les deux machines étaient très proches en termes de taille et de poids. Comme la 241 A, la B1 avait 4 essieux accouplés, avec roues de 1,79m, qui étaient encadrés par un bogie à l’avant et un bissel à l’arrière.
Caractéristiques techniques.
L’appareil évaporatoire était constitué de 3 parties :
- une chaudière à tubes d’eau à circuit fermé timbrée 110kg/cm2
- une chaudière HP timbrée à 60kg/cm2
- une chaudière BP timbrée à 14kg/cm2
L’ensemble ayant cette apparence.
a) la chaudière à tubes d’eau à circuit primaire fermé.
Celle-ci comprenait des tubes verticaux qui débouchaient dans des collecteurs supérieurs et inférieurs (voir schéma ci-après). Le circuit de retour comportait sur une partie du trajet des serpentins placés à l’intérieur de la chaudière HP (60kg/cm2).
b) la chaudière à Haute pression timbrée à 60 kg/cm2
Elle était constituée par un tambour en acier en une seule pièce de 6 mètres de long et de 0,95 m de diamètre. Ce bouilleur était chauffé par les serpentins du circuit de retour de la chaudière à 110kg/cm2.
c) La chaudière à basse pression, timbrée à 14kg/cm2, était du même type que celle des locomotives classique c'est-à-dire constitué d’un corps cylindrique de 5,13 mètres renfermant 132 tubes à fumée de 4,92 mètres de long et de 83mm de diamètre..
d) les surchauffeurs HP et BP complétaient le dispositif. Le HP comportait 32 élément de 24mm et le BP en avait 66 de section identique.
Fonctionnement du système
Voici tout d’abord le schéma simplifié du fonctionnement.
La vapeur produite dans les tubes de la chaudière à eau, qui était à la pression de 110kg/cm2 , était utilisée comme agent de transmission de chaleur pour l’eau contenue dans le bouilleur (tambour en acier de 6 mètres de long). Elle circulait dans les serpentins et retrouvait son état liquide après avoir transmis sa chaleur de vaporisation à l’eau contenue dans la chaudière à 60 kilos/cm2. Le retour de l’eau se faisant en circuit fermé jusqu’aux tubes à eau de la chaudière à 110kilos/cm2.
La vapeur à 60 kilos/cm2 produite dans la chaudière à haute pression alimentait les cylindres HP après avoir été élevée en température dans les surchauffeurs situés dans la chaudière Basse Pression.
La vapeur à 14kilos/cm2 de pression était d’abord élevée en température dans les surchauffeurs de la chaudière basse pression avant d’être mélangée avec la vapeur d’échappement des cylindres HP puis injectée dans les cylindres BP.
Si l’on résume, l’alimentation du circuit fermée était effectuée une fois pour toute par de l’eau distillée. L’eau d’alimentation de la chaudière HP (60kilos/cm2) provenait de l’eau prise à la chaudière BP alors que la chaudière BP était alimentée par l’eau du tender. Dans ce système, le tartre ne se déposait que dans la chaudière BP comme pour les autres locomotives.
Autres caractéristiques
Voici une vue de la cabine du mécanicien et du chauffeur avec la légende des différents appareils de manœuvre et de contrôle.
Essais et Incidents
La locomotive 241 B1 a été livrée en juin 1930. Après quelques réglages et une mise au point, elle fut mis à la tête des trains rapides entre Laroche et Dijon dans des conditions identiques au 241 A. D’après les dires d’Ange Parmantier, elle s’est très correctement acquittée de sa tâche faisant jeu égal avec les 241 A.
La conduite de la locomotive était jugée facile bien qu’un peu plus compliquée qu’une locomotive plus classique. Le principal défaut identifié consistait dans le besoin d’une surveillance constante, par le chauffeur, du manomètre du circuit primaire en raison d’un dépassement fréquent de la pression de 110kilos/cm2 prévue par le constructeur. En pareil cas, le chauffeur devait agir sur la porte du foyer ou sur la fermeture des trappes du cendrier. Le dépassement de la valeur de 110kg/cm2 pouvait se traduire par l’ouverture de la soupape de sécurité et donc par une perte d’eau dans le circuit primaire ce qui représentait un risque non négligeable.
Au bout d’un an de service et 36 000 kilomètres effectués, des essais avec wagon dynamométrique et machines frein furent effectués en juillet et août 1931. Différents capteurs et appareillages étaient installés sur la locomotive comme on peut le voir dans les deux vues ci-après.
Les spécifications qui définissaient les fonctions et performances que la 241 B1 devait remplir étaient bien conformes au cahier des charges à savoir une puissance au moins égale aux 241 A et une consommation inférieure de 20%.
Les tableaux ci-après donnent les résultats obtenus en termes de puissance et d’effort au crochet de traction du tender. La puissance maximum atteinte a été de 2530 ch pour la puissance indiquée et 2026 ch pour la puissance effective.
Concernant les consommation d’eau et de charbon, les mesures avaient montré que, pour l’eau, la locomotive consommait 7 à 10 litres d’eau par cheval-heure au crochet de traction du tender et que, pour le charbon, la consommation pour cette même unité était de 0,8 à 1,2 kilos.
Les conclusions de l’essai faisaient ressortir que l’économie attendue en consommation était bien au rendez-vous mais que les dépenses supplémentaires qu’engendraient l’utilisation d’une telle locomotive en termes de coût plus élevé à l’achat et de dépenses d’entretien méritaient une étude de bilan plus précise.
Entre temps, un incident important allait se produire le 25 avril 1933 au départ de Laroche. Le tube 34 du circuit primaire (voir vue ci-dessous) éclatait et endommageait les tubes contigus.
L’analyse de cet incident concluait que la cause de cet éclatement était due à une élévation de la température du tube à au moins 550° suite à un ralentissement de la circulation de la vapeur. Cette mauvaise circulation n’était pas consécutive à une obstruction accidentelle mais qu’elle existait de manière générale ce qui en faisait un incident structurel de nature à mettre en cause l’installation elle-même.
Est-ce cet incident qui a signé la fin de carrière prématurée de ce prototype ? Cela est très probable.
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