15 Décembre 2021
Image d’illustration : Livre Locomotion moderne 1950 collection personnelle
Sources : L’écho du soir 17 septembre 1907 site Gallica.bnf.fr/BnF; Annales des Mines 1927 site Gallica.bnf.fr/BnF, Livre Locomotion Moderne 1950 collection personnelle, Le Matin 1er février 1932 site Retronews https://www.retronews.fr/, "Science Illustrated" magazine April 1947, La Science et la Vie Août 1914 site Retronews https://www.retronews.fr/, L’Aurore 14 septembre 1907 site Retronews https://www.retronews.fr/,
Empire Builder et son prédécesseur l’Oriental Limited
On doit le nom de ce train au surnom que portait le créateur de la Great Northern Railways, James Jerome Hill. L’appellation « Bâtisseur d’empire » ou « Empire Builder » lui avait été donnée, comme d’ailleurs elle était attribuée à d’autres personnages comme lui, en raison de l’empire financier qu’il s’était constitué en rachetant des compagnies ferroviaires et en les faisant prospérer. Voyant l’intérêt que pouvait représenter un train transcontinental effectuant le trajet de Saint-Paul Minneapolis à la côte Pacifique, il fit construire une ligne qui serpentait à travers les rocheuses pour atteindre le port principal d’embarquement pour l’Orient, Seattle. Et c’est en juin 1893 que le train inaugural fit son premier parcours. Un temps appelé « Great Northern Flyer », il prit le nom d’ « Oriental Limited » en décembre 1905 qui correspondait mieux à l’objectif que s’était fixé Hill à savoir de construire une ligne vers l’Orient avec un mode de transport mixte Train+bateau. Peu après, le parcours fut prolongé jusqu’à Chicago en 1909.
Les magnifiques paysages traversés par ce train de luxe portaient des noms évocateurs de grands espaces comme le Montana, le Dakota ou de paysages grandioses comme le futur Parc national de Glacier ou les Rocky Mountains. Il suivait une des routes des pionniers et comme eux, il fut victime de « l’attaque de la diligence ». Ce n’était pas les Indiens, mais deux malfaiteurs masqués et armés qui sont parvenus à arrêter le train près de Rexford dans le Montana le 12 septembre 1907. Après avoir fait sauter le coffre à la dynamite, ils ont volé les valeurs contenues dans les sacs de courrier puis ont pris la poudre d’escampette. Comme dans les westerns, la compagnie a promis une récompense de 5000 dollars pour l’arrestation de chacun des coupables : Wanted ! Tous les journaux français en ont parlé mais j’ai retenu celui de l’Aurore du 14 septembre 1907 pour la conclusion du journaliste : « Dans tout le nombre des voyageurs, il ne s’est pas trouvé un homme pour faire face aux bandits » Même à cette époque là, il y avait des comiques parmi les journalistes !
Si James Hill avait su trouver les meilleurs profils pour sa traversée des rocheuses, il n’avait pas fait mieux que ses concurrents des autres lignes pour franchir la chaîne côtière appelée « Cascade Range » qui se situait sur la partie terminale du parcours.
Voici le profil de cette section de ligne
Lors de l’ouverture de la ligne en 1893, le chemin de fer passait par le col de Stevens ce qui nécessitait une série de rebroussement pour s’élever jusqu’à une altitude de 1236 mètres. La pente n’était pas la seule difficulté à affronter. En effet, le climat rigoureux et les chutes de neige abondantes rendaient la traversée du col très délicate surtout lorsque les avalanches fréquentes submergeaient la voie ferrée. Par endroits, on construisit des auvents pare-neige comme on le voit ci-dessous.
Cela ne fut pas suffisant et une décision fut rapidement prise de creuser un tunnel pour faciliter le passage à travers la montagne. Il fut entrepris en 1897 et terminé en 1901. Le point culminant de la ligne passa de 1236 mètres à 1030 mètres et le parcours fut réduit de plusieurs kilomètres.
Mais d’autres problèmes apparaissaient lors de la traversée de ce tunnel. L’aération étant très mauvaise, le passage devenait dangereux car l’atmosphère était chargée de gaz chauds et de vapeur et rendait l’air irrespirable pour l’équipe de conduite. De plus, la condensation se déposait sur les rails et était source de nombreux patinages. L’électrification de cette partie du parcours fut décidée et la mise en service intervint le 1er juillet 1909 entre la gare de Tye (ancienne gare de Wellington) et Cascade tunnel. La traction électrique était assurée par des locomotives General Electric C° avec deux trucks articulés à deux essieux moteurs. Plus tard, l’électrification fut étendue jusqu’à SkyKomish ce qui permit l’exploitation de trains de voyageurs dont la charge variait de 550 à 900 tonnes et de trains de marchandises de 2250 tonnes. En 1926, la traction des trains de marchandises était assurée entre le triage de Seattle et Skykomish par une Mikado. A partir de cette dernière gare deux locomotives Mallet du type 2-6-8-0 (un bissel à l’avant puis un truck avec 3 essieux couplés puis 4 essieux couplés) étaient ajoutés en des points du convoi. A la gare de Tye, les Mallet étaient retirées et remplacées par 4 machines électriques.
Equipement des voitures du train
En 1909 une amélioration sensible du confort fut apportée à ce train de luxe qui comprenait alors des voitures de jour, des voitures de nuit avec lits, des compartiments fumoirs, des espaces salons et une voiture d’observation avec une plateforme pour admirer le paysage et respirer l’ai pur des montagnes.
Mais c’est en 1924 que l’Oriental Limited a vécu sa plus grande mue. Alors que le train précédent comportait des voitures métalliques en tête seulement, c’est l’ensemble de la rame qui fut équipée en voitures en acier. De nouvelles voitures Pullman de grand confort avec douches remplaçaient les vieilles voitures et des innovations technologiques voyaient le jour dans ce train. C’était notamment le cas du téléphone installée dans une voiture salon et qui pouvait fonctionner lors des arrêts en gare.
Durant toutes ces années et en fonction de l’étape du parcours, différents types de locomotives ont remorqué ce train : Mountain, Pacific, Ten Wheel, Atlantic sans parler des machines électriques déjà citées. Compte tenu des quatorze étapes traction (non compris les machines électriques pour le tunnel), le trajet prenait 70 heures pour effectuer les 3540 kilomètres.
L’Empire Builder
En 1929, l’Empire Builder prit la suite de l’Oriental Limited sur le parcours de Chicago à Seattle.
C’est en 1947 qu’il se modernisa et qu’il prit la forme d’un Streamliner lorsque 5 rames furent construites avec 10 machines diesel-électrique fabriquées par General Motors dans sa division Electro-Motive Diesel (EMD). De la série E7 numérotées 500AB à 504AB elles furent immatriculées par la suite 500A à 509A. Trois autres furent commandés un peu plus tard par Great Northern Railway (510 A à 512A).
Ces locomotives, d’une puissance unitaire de 2000 chevaux (moteur EMD 567A), étaient du type A1A A1A. La vitesse limite était fixée à 90 mph (145km/h). Le trajet de 3540 kilomètres ne prenait plus que 45 heures soit 78 km/h de moyenne. On voit ci-dessous, dans cette vue de l’Empire Builder, la locomotive 504 A Unit et B Unit.
Le confort de ce train était conçu pour offrir les services les plus complets. Sa composition à 12 voitures permettait de transporter 307 passagers. Les voitures à places assises pour le jour comportaient des sièges de grand confort qui pouvaient pivoter pour faciliter l’observation du paysage et qui donnaient la possibilité d’étendre les jambes grâce à des repose-pieds logés dans l’arrière du siège qui vous précédait. Les larges baies vitrées étaient à double vitrage. L’air entre les deux vitres était régulièrement renouvelé pour éviter la formation de buée mais aussi pour réaliser une protection thermique par temps chaud. De larges stores vénitiens, que chaque voyageur pouvait ajuster à sa guise, équipaient toutes les fenêtres.
Le train disposait aussi d’un Coffee shop Lounge (voir ci-dessous)
D’une voiture restaurant,
D’un salon,
D’une voiture d’observation et quelques années plus tard de véhicules à larges baies vitrées appelées sur certains trains « Vista Dome » ou « Astra Dome » ou même « Observation Car ».
La partie nuit était composée soit de chambres Duplex soit des compartiments couchettes avec une couchette supérieure et inférieure. Outre les installations sanitaires, les chambres disposaient de fontaine avec eau glacée comme les aiment les américains
Ce train de légende a malheureusement connu quelques heures sombres comme lors de ces 4 accidents que j’ai recensés :
- en 1931 dans le Minnesota où suite à un déraillement il y eut 1 mort et une cinquantaine de blessés,
- le 21 janvier 1932 dans le Dakota du Nord près de Bismarck où l’Empire Builder est entré en collision avec un train local occasionnant la mort de 3 employés et faisant une trentaine de blessés,
- en 1945 où suite à un rattrapage il y eut 34 victimes
- le 25 septembre 2021 où un déraillement a causé la mort de 3 personnes et en a blessé 50 autres. Ci-après lien vers le Journal l’Indépendant avec vidéo.
Aujourd’hui l’Empire Builder est exploité par Amtrak et parcourt toujours ces magnifiques et grandioses paysages en 45 heures.
Moi qui suis un fervent admirateur de l’Ouest Américain, je me dois de l’inscrire à l’agenda d’un prochain voyage.
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