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Cheminot Transport

La Locomotive Thuile

Image d’illustration:  Unknown author, Public domain, via Wikimedia Commons

Sources: Le Génie Civil   5/11/1898 site Gallica.bnf.fr/BnF , Le Génie Civil 17/11/1900 site Gallica.bnf.fr/BnF RGCF et T juillet 1901 site Gallica.bnf.fr/BnF Revue de mécanique 31 juillet 1900 site Gallica.bnf.fr/BnF, L’alliance Octobre 1901 site Gallica.bnf.fr/BnF, Portefeuille économique des machines janvier 1901 site Gallica.bnf.fr/BnF

Unknown author, Public domain, via Wikimedia Commons

Henri Jonathan Thuile était un ingénieur français en poste au port d’Alexandrie. Ayant commencé sa carrière au chemin de fer à Marseille, il gardait, même plusieurs années après, une passion intacte  pour le monde ferroviaire en général et pour les locomotives à vapeur en particulier. Dès 1897, il commença à réfléchir à un prototype de machine à grande vitesse capable de tracter un train de 200 tonnes à 120 km/h. Il présenta son projet lors d’une conférence donnée à Alexandrie devant des Ingénieurs de l’école Centrale qui furent favorablement impressionnés par les données techniques de cette locomotive.

Voici un rapide aperçu de son projet qui fut quelque peu modifié lors de sa phase de construction industrielle.

Le Génie Civil   5/11/1898 site Gallica.bnf.fr/BnF

La face avant n’était pas sans rappeler la locomotive Heilmann 8001 que j’ai décrite dans l’article https://cheminot-transport.com/2021/05/la-locomotive-heilmann-8001.html.

Les principes mis en avant par ce brillant ingénieur pour soutenir des grandes vitesses sur les  parcours les plus variés reposaient sur deux conditions : obtenir la puissance voulue et maintenir une grande stabilité.

Pour cette dernière condition, il préconisait des machines à grand empattement dotées d’un bogie à l’avant et d’essieux moteurs situés le plus possible à l’arrière. Il veillait également à porter le plus grand soin à l’équilibrage des pièces en mouvement.

Concernant la recherche d’une plus grande puissance, le mieux est de donner quelques données sur cette machine hors norme pour l’époque.

La grille était de dimension impressionnante soit 5,76 m2 alors que celles de l’époque étaient plutôt d’une moyenne de 2m2. Ses dimensions de 2,4 mètres sur 2,4 mètres nécessitaient d’utiliser deux chauffeurs pour son alimentation.

La chaudière disposait de 4 corps cylindriques comme on peut le voir ci-dessous. Les deux du bas comportaient les tubes lisses de 55mm de diamètre pour plus de 5 mètres de long.

La boîte à fumée était divisée en deux compartiments  dans lesquels débouchaient les échappements des deux corp cylindriques (voir le schéma de la vue ci-dessus).

Les cylindres à simple expansion étaient au nombre de deux. Leurs diamètres étaient de 600 mm pour une course des pistons de 800 mm.

Les immenses roues motrices avaient un diamètre de 3 mètres et n’étaient pas équipées de boudins pour faciliter l’inscription en courbe. Les commentaires soulignaient que cette disposition paraissait un peu trop osée.

En résumé, cette machine de 17 mètres de long hors tender avait une masse, avec son tender, de 159 tonnes alors que son poids adhérent n'était que de 32 tonnes. Conscient que son ébauche comportait quelques points discutables, Henri Thuile reprenait complètement son projet et s’entendait avec les établissements Schneider du Creusot pour construire un prototype profondément remanié qui était présenté au Champ de Mars pour l’exposition universelle de 1900.

Le programme de construction prévoyait une machine capable de remorquer un train de luxe de 200 tonnes à 120 km/h avec une puissance indiquée au niveau des pistons de 1600 à 1800 chevaux en régime continu. La rame remorquée devait être éclairée à l’électricité grâce à un moteur situé sur l’engin. Pour faciliter l’observation des signaux, le mécanicien devait être placé dans une cabine à l’avant. L’autonomie autorisée par la capacité du tender devait être de 180 km pour l’eau et 350 kilomètres pour le charbon.

Le Prototype

RGCF et T juillet 1901 site Gallica.bnf.fr/BnF

Les caractéristiques du nouveau prototype, construit en 1899 et terminé au mois de mai 1900, sont reprises dans le schéma et le tableau suivants

Revue de mécanique 31 juillet 1900 site Gallica.bnf.fr/BnF,
RGCF et T juillet 1901 site Gallica.bnf.fr/BnF

Description générale

Avec une longueur de 14 mètres, la locomotive Thuile avait une masse de 80 tonnes en ordre de marche pour un poids adhérent de 32 tonnes. Sa puissance calculée était donnée pour 1970 chevaux.

La cabine profilée du mécanicien se trouvait à l’avant. En plus du levier du régulateur, le conducteur disposait du changement de marche, de la poignée de commande des sablières et du robinet du frein continu.

La machine était d’un type 223 avec un bogie de deux essieux à déplacement latéral avec des roues de 1,06 mètre à l’avant, suivi de deux essieux couplés à roues sans boudin de 2,5 mètres puis d’un bogie à 3 essieux avec des roues de 1,06 mètre. La locomotive pouvait s’inscrire dans des courbes de 150 mètres de rayon.

Le foyer était débordant avec une grille d'une surface de 4,68 m2. Cette taille de grille était exceptionnelle pour l’époque. Le chargement du charbon se faisait par deux portes et il fallait avoir recours à deux chauffeurs.

La chaudière était timbrée à 15 kilos. La section du corps cylindrique était de forme oblongue. Cent quatre vingt trois tubes à ailerons composaient la section tubulaire. La surface de chauffe dépassait les 297 m2 et la capacité de la chaudière était de 7,35m3 d’eau et 2,7m3 de vapeur. Un échappement américain de type « petticoat » avait été retenu.

Les tiroirs étaient cylindriques avec un mécanisme de commande  Walschaerts.

 

Revue de mécanique 31 juillet 1900 site Gallica.bnf.fr/BnF,

Le tender

Long de 10,8 mètres le tender avait une masse de 58,2 tonnes en pleine charge. Il avait une contenance de 28 000 litres d’eau (180 km d’autonomie) et de 6,5 tonnes de charbon. Il reposait sur deux bogies de deux essieux à l’avant et de 3 essieux à l’arrière avec des roues de 1,06 mètre.

Ci-après une photo avec le tender.

Unknown photographer, Public domain, via Wikimedia Commons

Essais

Dès sa sortie d’usine, la locomotive Thuile subit une campagne d’essais aux mois de Mai et Juin 1900. La section retenue se situait entre Chartres et Thouars. On peut se demander pourquoi avoir choisi ce parcours qui, selon les dires de ceux qui ont mené les essais, n’était pas très adapté. En effet le compte rendu fait état d’une section de ligne comportant de nombreuses courbes et rampes et surtout des ralentissements fréquents pour travaux en cours qui ne permettaient pas de soutenir de grandes vitesses. Malgré cela les 117 km/h étaient atteints en palier avec une rame de 186 tonnes alors qu’avec un train composé  de 16  voitures, les 103 kilomètres à l’heure avaient été maintenus avec une admission aux cylindres de 18%. En rampe moyenne de 8,5 mm/mètre  la Thuile avait réussi à démarrer une rame de 275 tonnes. Lors d’un autre essai de démarrage en rampe, avec un train de 208 tonnes, la locomotive avait dépassé les 70 km/h en haut de la rampe de 5 kilomètres.

Ces essais avaient été marqués par un drame qui avait causé la mort du concepteur Henri Thuile Celui-ci s’était penché, lors d’une marche d’essai, pour observer le comportement du train et sa tête avait heurté l’échafaudage placé à l’intérieur d’un pont en vue de le renforcer. Le drame s’était produit en amont de Château La Vallière à proximité de Tours. Henri Thuile est le personnage situé le plus à droite sur la photographie de tête. La photo doit précéder de quelques jours l’accident.

La mort de son concepteur et les performances légèrement en retrait de la locomotive, n'ont pas permis à ce projet d'avoir une suite en production de série.

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