Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cheminot Transport

Les 2D2 9101 à35

Image d’illustration Photo Jean-Louis Tosque, publiée avec son aimable autorisation

Sources : RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/, Ferrovissime n°2 Février 2008, La Vie du rail avril 1950 site Gallica BNF

 

2D2 9100

Magnifique photo de Jean-Louis Tosque publiée avec son aimable autorisation. 1985 un W impair au Nord d'Avignon

 

En vue de l’électrification d’une première partie de la ligne impériale entre Paris et Lyon, la SNCF se fixait comme objectif de faire circuler des trains lourds de voyageurs de 850 tonnes avec 16 voitures et deux fourgons à la vitesse de 140 km/h.  A part les 2D2 de la série 5500, les autres locomotives du parc ne disposaient pas des conditions requises pour assurer la traction de ces rapides. C’est donc en s’appuyant sur les bases des 2D2 de la série précédente mais en apportant toutes les évolutions technologiques apparues entre temps que cette nouvelle locomotive était étudiée par la Division des Etudes de la Traction Electrique de la SNCF en collaboration avec les deux constructeurs à savoir la Compagnie Electromécanique et la Compagnie de Fives-Lille.

Les évolutions suivantes étaient attendues :

- augmentation sensible de la puissance au régime continu en passant de 3300 à 4200 chevaux,

- augmentation du poids adhérents à 92 tonnes grâce aux performances de la ligne qui pouvait admettre le 23 tonnes par essieu,

- utilisation à plein de l’accroissement du poids adhérent en dotant la machine de plus de crans de démarrage,

- élévation de la vitesse pour la porter à 160 km/h même si dans un premier temps c’était la vitesse de 140 km/h qui était retenue comme vitesse limite.

Caractéristiques générales

Didier Duforest, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons

 

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

On voit qu’en termes de puissance, l’objectif de 4200ch était largement dépassé. La puissance unihoraire atteignant 4880 ch et même 5450 ch pour une tension de 1500 volts à une vitesse de 70km/h.  De même, en régime continu, elle développait 4925 ch à 73 km/h. A la vitesse de 160 km/h, l’effort de traction était encore de 6600 kg.

Si la grande vitesse (pour l’époque) faisait partie de son domaine de prédilection, la 2D2 9100 avait cependant de grandes facultés d’adaptation puisqu’il était prévu de lui faire assurer la remorque des trains de messageries à 100 km/h et même des trains de marchandises, grâce à l’adaptation de son rhéostat de démarrage capable de supporter des démarrages avec des trains lourds.

Dans le même souci d’une utilisation polyvalente, la charge par essieu qui la restreignait aux lignes armées pour le 23 tonnes pouvait être ramenée à 21t, 5 grâce d’une part, à la suppression d’un lest de 2 tonnes et d’autre part, à la possibilité de répartition des charges entre essieux moteurs et porteurs par l’intermédiaire des suspensions.

Châssis et bogies

Le châssis était constitué de deux logerons entretoisés. Il supportait la caisse composée d’une cabine à chaque extrémité et d’un compartiment central abritant les moteurs et les appareillages. 

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

Le châssis reposait sur les essieux moteurs par l’intermédiaire de ressorts à lames fixés au-dessous des boîtes d’essieux et placés à l’intérieur des roues. On voit sur le schéma des suspensions qui suit que ces ressorts étaient reliés entre eux par des balanciers. Ils assuraient une bonne flexibilité de roulis contribuant ainsi à une grande stabilité de l’engin. Les bogies, qui étaient une reproduction des 2D2 de la précédente génération, étaient suspendus par des ressorts à lames placés au-dessus de la boîte et par deux ressorts à hélice. Ce dispositif avait pour effet d’amortir les oscillations verticales afin d’obtenir une suspension avec plus de souplesse.

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

Le dispositif de rappel du bogie autorisait un jeu latéral de 163 mm du bogie par rapport au pivot. Avec l’effet conjugué de ce dispositif et du déplacement de +ou- 25mm des deux essieux du milieu, la 2D2 9100 pouvait s’inscrire dans des courbes de 80 mètres de rayon.

Voici une vue du bogie.

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

Le frein continu à action rapide et modérable était du type Westinghouse.   Conçu dès le départ pour que  le poids frein obtenu des essieux moteurs corresponde à 100% du poids adhérent, ce taux était en fait limité à 70% tant que des dispositifs auto-désenrayeurs n’étaient pas mis au point et que la rame n’était pas freinée à haute puissance. Le taux de freinage des bogies était quant à lui de 50% du poids sur rail. Chaque roue était freinée par deux sabots.

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

 

Moteurs

Les 4 moteurs de traction, de type GLM 1033, étaient placés juste au-dessus des essieux qu’ils actionnaient. Compte tenu de cet emplacement, leur carcasse en acier moulé avait une forme polygonale à 12 faces ce qui facilitait  leur logement au-dessus de l’essieu.

 Pour une tension moyenne de 1350 volts, la puissance unitaire développée s’élevait à 1135 chevaux en continu et à 1250 chevaux en régime unihoraire.

La rotation de ces moteurs pouvait être modulée dans une grande amplitude en jouant sur le couplage des moteurs (série, série parallèle et parallèle) ou sur la réduction du champ. La rotation maximum prévue était de 1150 tours/mn ce qui correspondait à la vitesse de 160km/h. Cependant ils avaient été testés jusqu’à une vitesse de 1400 tours/mn soit environ 195 km/h.

Transmission

La transmission du moteur aux essieux se faisait par l’intermédiaire d’engrenages élastiques et la liaison entre les roues dentées et les roues motrices se faisait par une transmission à biellettes articulées « Büchli » comme cela a déjà été présenté dans l’article sur les prototypes de 2D2 500 :  https://cheminot-transport.com/2021/09/locomotives-2d2-prototypes-501-et-502-futures-2d2-5500.html. Grâce à ce système les débattements latéraux et verticaux étaient compensés.

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/

Comme indiqué plus haut, afin que les risques de patinage soient atténués, le démarrage des trains lourds  était obtenu au moyen d’un dispositif de démarrage progressif surnommé « démarrage fin ». Les variations entre deux crans successifs étaient limitées à 600 kg grâce à l’utilisation d’une résistance Vernier. Celle-ci faisant office d’inter crans. Par exemple, pour chaque couplage moteur, il y avait 16 crans de démarrage et 8 crans de résistance Vernier ce qui correspondait à 121 crans (1+ (15x8)) soit une très grande progressivité.

Sur ce dernier point, en lisant l’article consacré aux 9100 sur le Ferrovissime de février 2008, je suis surpris de voir qu’un des principaux défauts, avec le bruit des ventilateurs, résidait dans le risque de patinage élevé « à cause de la grande puissance de la machine, difficile à doser dans les crans » et   un peu plus loin « le passage d’un cran peut donner l’impression d’un coup de pied au cul » Les mécaniciens semblant redouter la mise en tête sur une rame lorsque la machine de remorque arrivait HLP avec le risque d’un accostage brutal.

Ceci semble en contradiction avec ce qui est écrit dans la RGCF de Juin 1950. Si un ancien mécanicien lit cet article et qu’il a une expérience à faire partager, qu’il n’hésite pas à en faire part en commentaires.

Il faut dire que le dispositif de démarrage fin avait été déposé en 1964 pour une raison que je n’ai pas pu identifier. Est-ce pour cela que les à-coups décrits ci-dessus ont été perçus avec plus d’acuité par la suite ?

Carrière

La vie du rail Notre Métier Avril 1950 site gallica BNF

Ces dernières 2D2 qui ne manquaient pas de qualités sont toutefois arrivées un peu tard. En effet, simultanément à leurs mises en service, des prototypes plus modernes à adhérence totale BB ou CC commençaient à voir le jour. Ils ne tardèrent d’ailleurs pas à les supplanter et la série initiale de 35 qui devait être à l’origine de nouvelles commandes en restera là, laissant aux BB et CC plus modernes la primauté pour les commandes et pour la traction des trains les plus prestigieux surtout après l’établissement par les deux types de locomotive du record du monde de vitesse sur rail en 1955 avec 331 km/h.

Mais revenons à ces 2D2 9100 qui paraissaient  d’allures beaucoup plus modernes que les « Waterman » ou les « femmes enceintes » ou même les « nez de cochon », surnoms donnés aux différentes séries de 5500 qui les avaient précédées et dont on s’était inspiré pour la base mécanique. Avec ce look plus moderne, il fallait une livrée en accord. Ce fut le cas avec  cette décoration bi-tons ceinturée par un bandeau métallique qui arborait  fièrement des moustaches sur la face avant. Cette belle livrée sera remplacée à la fin des années 50 par un ton unique de vert bleuté.

https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5>, via Wikimedia Commons

La modernité apparente des 2D2 ne semblait pas trop s’appliquer  au confort réservé aux mécaniciens qui ne disposaient, comme sièges, que  de petites selles de vélos dont ils ne pouvaient d’ailleurs pas trop se servir compte tenu de la configuration du manipulateur qui obligeait, la plupart du temps, à une conduite debout. Enfin, ultime désagrément pour les conducteurs, le bruit assourdissant des ventilateurs qui a valu à ces machines le surnom de « batteuse ».

Quelques modifications seront effectuées dans les années 60 à la faveur des passages en révision générale (RG) comme l’installation de la veille automatique  ou le remplacement des hublots de dégivrage qui laisseront la place à des parebrises chauffants.

RGCF juin 1950  https://www.retronews.fr/,

A la fin des années 70 des dispositifs de sécurité comme le signal d’alerte lumineux ou le déclenchement de l’alarme Vacma par la radio sol train seront installés.

Revenons pour finir aux dépôts d’affectation. Les premières livraisons ont eu lieu en février 1950. Bien que destinées au Sud-est, c’est le dépôt de Paris Sud-ouest qui eut l’honneur de les étrenner pour toute la phase d’essai.

Compte tenu de l’électrification progressive de la ligne impériale, les premiers dépôts à les recevoir pour le service commercial ont été ceux de Laroche-Migennes (les 11 premières)  puis le dépôt du Charolais pour 24 machines. En 1955 toutes les locomotives ont été regroupées au Charolais, elles seront transférées en 1968 à Villeneuve.

Leur zone d’action s’étendait alors de Paris à Marseille mais aussi de Lyon à Saint Etienne. On les retrouvera même sur Genève ou Chambéry. Les trains de prestige comme le Mistral leur ont été retirés depuis longtemps et elles doivent se contenter des express de nuit ou des trains de messageries et marchandises.

Mais les années 80 arrivent et avec elles, surviennent les premières radiations qui vont s’échelonner de 1982 à 1987. Avec plus de 35 ans de service elles auront parcouru plus de 240 millions de kilomètres soit presque un aller retour de la Terre au soleil !

Aujourd’hui, une seule machine est préservée la 2D2 9135. Grâce à l’association AFCL, elle est conservée à Laroche-Migennes et a été classée à l'inventaire des Monuments Historiques. En voici une vue ci-dessous.

Photo de Jean-Louis Tosque publiée avec son aimable autorisation.

 

Si vous souhaitez être averti des publications de ce blog, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter en saisissant votre adresse mail dans la case prévue en haut à droite de l'article.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article