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Cheminot Transport

Locomotive 040DG plus connue sous le n°66000

Image d’illustration : Photo de Jean-Louis Tosque publiée avec son aimable autorisation.

Sources : Revue générale des Chemins de fer, Loco Revue 630 Novembre 1999, Ferrovissimo n°17 Novembre 2007 (collection personnelle). Je remercie aussi André-Philippe Teissier qui m’a fait profiter de ses connaissances sur le sujet.

 

Locomotive 040 DG plus connue sous le n° 66 000

 

Photo Jean-Louis Tosque prise à Gaillac en 1991 lors d'un croisement.

 

Venant après les 040 DE (futures BB 63000) qui avaient fait leurs preuves dans les chantiers de triage ou de manœuvre et qui avaient même été utilisées en période de pointe pour assurer quelques trains locaux de voyageurs durant les mois d’été, les 040DG étaient conçues, dès le départ, pour un usage mixte voyageurs/marchandises notamment sur les lignes secondaires. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles auront un poids par essieu contenu à moins de 18 tonnes afin de pouvoir circuler sur la plupart des lignes sans restriction.

D’apparence extérieure, la filiation avec la 040 DE est évidente : une seule cabine en position décentrée par rapport aux capots qui l’encadrent et une configuration d’essieux identique de type BB. Par contre, c’est sous le capot que la différence se faisait le plus sentir. D’environ 750 chevaux pour la DE, on doublait presque la mise avec la suivante grâce au moteur MGO 16 cylindres diesel suralimenté.

Prévues, comme précédemment indiqué, pour un usage mixte, les 040DG étaient avant tout des machines à vocation marchandises. Aucun dispositif de chauffage (comme une chaudière à vapeur) n’avait été prévu pour la remorque des trains de voyageurs d’où la nécessité d’utiliser, le cas échéant, des fourgons chaudières comme celui-ci-dessous à 6 hublots de la série Ca881 à 999.

Photo Jean-Louis Tosque

 

 Plus tard, la série des 66400 sera équipée d’une ligne électrique de chauffage comme on le voit ici (à droite) sur cette photo de la 66428 prise à quai à Toulouse. Les 66609 et 613 (futures 66691 et 92) seront aussi équipées de la sorte.

Photo Jean-Louis Tosque

Dans leurs domaines de prédilection, comme les trains de dessertes (distribution et ramassage) ces engins s’acquittaient parfaitement de leurs tâches. J’ai eu maintes fois  l’occasion de manœuvrer avec ces machines, non comme conducteur mais comme agent de desserte et je peux témoigner de la facilité avec laquelle les manœuvres avec cet engin étaient aisées. Cela dépendait bien sûr de la dextérité du mécanicien mais l’osmose entre les deux agents assurant la desserte s’établissait rapidement et les mouvements pour tirer, refouler ou lancer (voir le sujet sur les manœuvres interdites https://cheminot-transport.com/2021/01/les-manoeuvres-interdites.html ) s’enchainaient avec promptitude et sécurité.

Dès décembre 1959, la première locomotive était livrée par un groupement de constructeurs piloté par Alsthom et la Compagnie Electro-Mécanique et auquel avaient participé La Société Fives-Lille pour les bogies et les Forges de Loire pour le châssis. La plupart des 040 DG devait recevoir le moteur MGO de 1400 chevaux mais quelques unes devant se contenter d’un V12 PA2 (1200 ch) de la société générale de constructions Mécaniques.

La machine portant le numéro 1 (source RGCF) avait été testée avec le groupe électrogène d’une 060 DA afin de pouvoir vérifier l’adhérence dans les conditions où un moteur de près de 2000 chevaux alimentait les moteurs de traction de la 040DG. Ainsi dotée, la locomotive pouvait remorquer des trains de marchandises de 1800 tonnes sur des rampes de 8mm/mètre ou des trains de 580 tonnes sur des rampes où le profil pouvait atteindre 29mm/mètre. Ces essais permettaient de conclure que les 040 DG pourraient développer des efforts de traction à la jante équivalents à 30% de coefficient d’adhérence au démarrage soit environ 21 tonnes (70 tonnes de poids en charge x 0,30)

 

1) Caractéristiques générales

D’une longueur de 14,89 mètres, la 040DG avait une masse en ordre de marche de 70,5 tonnes. Le moteur Diesel MGO développait 1400 chevaux pour un effort maximum à la jante de 21 000 kg au démarrage et 2700 kg à la vitesse de 105 km/heure qui était la vitesse limite à la mise en service et qui sera portée à 120 km/heure au milieu des années 60.

Description

La description concerne la première série.

a) apparence extérieure

 Comme indiqué précédemment, deux capots d’inégales longueurs encadraient la cabine à deux pupitres de conduite. Le plus long capot, que l’on peut qualifier de capot avant, était compartimenté en 4 :

- à l’avant, on trouvait le compresseur, le bloc pneumatique, le ventilateur des moteurs de traction et le poste à incendie,

- suivaient le compartiment réfrigérant du moteur diesel avec ses soutes d’eau de refroidissement et le ventilateur des radiateurs

- le compartiment du Diesel et de ses auxiliaires

- le dispositif de filtration de l’air.

Le capot arrière abritait les accumulateurs, l’outillage et un ventilateur des moteurs de traction arrière.

 

La cabine de conduite était relativement spacieuse et offrait une bonne visibilité quel que soit le sens de circulation. Grâce à ses deux pupitres, la conduite dans les deux sens ne posait aucun problème particulier. Lors des manœuvres en courbe, le mécanicien pouvait jongler d’un pupitre à l’autre pour observer dans les meilleures conditions la queue de son train ou les signaux de l’agent de manœuvre. L’ergonomie du pupitre avait été particulièrement bien étudiée puisque les organes de commande étaient manœuvrables quel que soit l’emplacement du mécanicien qui disposait, pour deux pupitres, de 4 positions de conduite.

 Les postes de conduite comportaient à la partie supérieure :

-  un volant de commande à 11 positions (zéro + 10 crans) avec un cerclo d’homme mort. Les deux volants étaient verrouillés entre eux

- une manette d’inversion à 3 positions (Avant, Zéro, Arrière).

Sur les faces latérales on trouvait le bouton poussoir de vigilance et les boutons poussoirs de sablage et de purge.

Le mécanicien, une fois en position assise, pouvait également actionner le dispositif « d’homme-mort » par le biais d’une genouillère.

Enfin, deux armoires d’appareillage situées de chaque côté comportaient, pour celle d’avant :

 - un vestiaire dans sa partie centrale surmonté d’un tableau de bord composé de 5 lampes de contrôle,

- un indicateur de vitesse Teloc, des manomètres, un ampèremètre,

- deux tachymètres dont un pour la locomotive en UM.

Pour la partie arrière,  le tableau de bord recopiait les informations du tableau avant à l’exception des tachymètres.

 

L’accès à la cabine s’effectuait par les passerelles qui longeaient les capots jusqu’aux deux portes frontales situées de part et d’autre du poste de conduite.

A noter la configuration particulière du pavillon de la cabine qui épousait complètement le gabarit  et qui de ce fait comportait des pans coupés.

On voit sur la photo qui suit le  dispositif, avec les silencieux, qui permettait l’échappement des gaz du moteur diesel au dessus du pavillon.

Photo Jean-Louis Tosque. Un train de machines en approche d'Albi en 1996

 

b) Organes de roulement/freinage

Les roues étaient du type monobloc avec un diamètre de 1100 mm.

L’engin était muni d’un frein à air direct agissant sur la locomotive seule mais aussi sur la deuxième locomotive en cas de marche en UM. Lors des manœuvres, pour éviter les temps de rechargement en air de la rame, ce dispositif était la plupart du temps utilisé à la place du frein à air automatique qui agissait aussi sur la locomotive à l’aide d’un distributeur Oerlikon. La conduite générale était alimentée par un compresseur Westinghouse ayant un débit de 3400 litres/mn. La machine était équipée de deux réservoirs d’air d’une capacité de 400 litres chacun.

Les sabots, à deux semelles, assuraient le freinage dont le poids frein s’établissait à 82% du poids sur rail en régime « voyageurs » et à 76% en régime « marchandises »

c) Le moteur Diesel

A l’exception de 3 engins de la première série  qui étaient équipés du V12 PA2 de la SGCM (société générale de constructions mécaniques) les autres disposaient du V16 BSHR de la SACM qui était une extrapolation réussie du mythique moteur MGO V12 des X2800 ou BB63500.

Ce diesel à 4 temps et à haute pression de suralimentation disposait de 16 cylindres en V à 60°. Avec un alésage de 175mm pour une course de 188mm la cylindrée était de 72 litres. Le moteur développait une puissance de 1400 chevaux à 1500 tours/mn et avait une masse de 6200 kilos.

La commande du moteur était réalisée au moyen d’un servo-moteur électropneumatique à 8 positions.

Pour nourrir ce gros diesel gourmand, un groupe électro pompe allait chercher dans le réservoir de 3500 litres le combustible nécessaire en lui faisant traverser une batterie de pré filtre et filtres.

 

d) Partie électrique

Les études et la construction des dispositifs avaient été réalisées par deux entreprises :

- Alsthom pour la partie des moteurs de traction

- La Compagnie Electro Mécanique pour les génératrices et la régulation

La génératrice principale de courant continu de type CEM G 803 et pesant 4200 kilos était actionnée par le moteur. Sa fonction était d’alimenter les moteurs de tractions en intensité et en tension variables. Le lancement du Diesel était également assuré par la génératrice principale alimentée par les batteries

La génératrice auxiliaire était couplée à la principale par des courroies d’entrainement. Elle alimentait les batteries d’accumulateurs et les différents auxiliaires (pompe à gas-oil, coupleur de ventilateur etc.) Elle était maintenue à tension constante par un régulateur.

Les moteurs de traction, au nombre de 4 et couplés en parallèle,  étaient du type Alsthom TA 648 A1. Ces moteurs, à ventilation forcée, étaient suspendus par le nez.

2) Les 040 DG se muent progressivement en 66000

Au début des années 60, les 040 DG  prendront la numérotation des 66000 que je détaillerai plus avant.

 Voici un aperçu de ces engins dans différentes configurations permises en fonction des indications prévues aux renseignements techniques dans le paragraphe 4 des conditions particulières de traction (ou dans Livret de Ligne plus tard) :

- en UM (couplées par deux avec un seul conducteur pour une puissance de 2800 ch) peu après le départ de Gaillac devant des signaux mécaniques combinés (avertissement + Disque) que l’on trouvait dans les gares de voie directe de type SNCF (voir la description de ce type de gares dans https://cheminot-transport.com/2021/01/gare-de-voie-directe-type-sncf-description.html et des exemples de fonctionnement et d’utilisation des installations de ces gares  https://cheminot-transport.com/2021/01/utilisation-des-installations-d-une-gare-de-voie-directe-type-sncf-et-son-block-associe.html

Photo Jean-Louis Tosque. En 1970, un UM de première série quitte Gaillac pour Saint Jory. Remarquez la plateforme d'intercirculation

- en double traction (deux conducteurs)  d’une UM avec une US lors d’un croisement à Tessonnières avec un X2800. Dans ce cas de figure ci-dessous, l’US est en tête et la puissance totale s’élève à 4200 chevaux.

Photo Jean-Louis Tosque.

-  contrairement à ce que pourrait laisser croire l’image qui suit prise en gare de Gaillac, les 5 machines en tête du train ne participaient pas toutes à la traction. Dans ce cas de figure trois étaient acheminées en véhicule. Le nombre maximum de locomotives en tête d’un train de marchandises ne pouvaient dépasser 6.  Mon œil d’ancien du transport m’incite à faire remarquer les deux taquets dérailleurs au premier plan commandés par transmission rigide et la cale antidérive placée sous le wagon plat de type R (avec une petite erreur de placement puisqu’elle aurait dû se situer, selon le règlement, entre les deux bogies du même wagon et non en arrière)

Photo Jean-Louis Tosque prise à Gaillac en 1988.

- en DT avec une 67400 pour la remorque de trains de pèlerins comme ici avec 14 voitures corail entre Marssac et Tessonnières.

Photo Jean-Louis Tosque

- en pousse en US ou en UM selon le cas.

D’autre part, l’accouplement en UM n’était possible qu’entre deux machines d’une même série ou entre séries compatibles comme par exemple entre 66000 et 66600 ou encore entre 66400 et 69400.

3) Les DG 040, futures 66000, ont été à l’origine une grande famille.

En 12 années, 436 machines ont été produites puis livrées sur toutes les régions de la SNCF avant la réforme des structures en veillant à ce que les séries ou sous-séries soient correctement affectées pour éviter de multiplier les stocks de pièces et/ou de complexifier les formations de agents de conduite.

Famille ne signifie pas uniformité pour autant et l’on va voir que les séries et variantes sont extrêmement nombreuses.

La revue Ferrovissimo n° 17 de Novembre 2007 qui est téléchargeable en ligne pour le prix modique de 3,26€ (pour les passionnés, je vous invite à vous la procurer comme je l’ai fait moi même) donne, sur 50 pages, tous les détails qui différencient chacune des séries et sous séries.

Je cite un extrait introductif de ce numéro : « La famille 66000 se répartit, en effet, en 11 commandes successives se subdivisant entre de fort nombreuses séries et sous-séries qui multiplient les différences de capots, persiennes, baies vitrées, échappements, bogies, suspensions, décorations… Encore ne voit-on pas les moteurs diesels ou l’équipement électrique qui, sur quelques séries et prototypes, présentent des différences radicales avec la machine conçue à l’origine. »

Passons en revue rapidement les différentes séries, le détail figurant, comme je viens de vous le dire, dans la revue précitée.

La série initiale avait fait l’objet d’une commande de 40 exemplaires livrés par l’usine Alsthom de Tarbes. Les capots étaient plus court de 10 cm par rapport aux autres séries ce qui autorisait la fixation des rambardes d’extrémités directement sur la plateforme. D’autre part une passerelle d’intercirculation était installée aux deux bouts. Ces deux spécificités sont visibles sur cette photo d’une première série.

Photo Jean-Louis Tosque prise en 1969 à Tessonnières

La livrée d’origine comportait une teinte bleu roi avec des bandes de visibilité jaune bouton-d’or. Le châssis se parait d’une couleur gris ardoise et les traverses arboraient un rouge vif du plus bel effet.

On peut voir dans la photo qui suit, une 66000 de première série avec ses bandes de visibilité jaune.

photo Jean-Louis Tosque

La sous- série suivante 040DG 041 à 088 comportait 48 exemplaires dont la construction avait été partagée entre Tarbes et la Compagnie CAFL à Saint Chamond. Les passerelles d’intercirculation disparaissaient et les capots s’allongeaient d’une dizaine de centimètres. La livrée était modifiée à la marge à savoir : les bandes viraient au jaune jonquille et les traverses se nuançaient en rouge vermillon.

Puis vont suivre toute une série de variantes et de prototypes dont il ne sera pas question dans cet article consacré surtout aux premières générations. Citons toutefois la modification la plus importante de la livrée à partir de 1965 puisque les nouvelles caisses et progressivement les plus anciennes se revêtiront d’un bleu clair avec un haut de cabine bleu foncé et des bandes de visibilité blanches (blanc cassé plus exactement). En devenant blanche, ces bandes feront encore plus penser à des mouettes en vol d’où le surnom dont certains les avaient affublées. En abandonnant  beaucoup plus tard cette caractéristique aviaire comme on peut le voir sur la photo ci-dessous qui, à mon avis allait si bien à cet engin, elles perdront  en originalité sans pour autant gagner en modernité.

Photo Jean-Louis Tosque prise en 1996 à Capdenac

Ne parlons pas non plus des livrées « manœuvres » ou « fret » ou « industrie privée » qui, à mon sens, étaient entachées d’anachronisme pour ces engins d’une autre époque.

Heureusement et contrairement à bien d’autres engins qui ont marqué le chemin de fer, la pérennité de la série des 66000 est préservée au travers de certains exemplaires exposés soit à la cité des trains de Mulhouse (dans sa livrée d’origine) soit conservés dans des associations.

 

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