27 Février 2022
Image d’illustration : Photo de Jean-Louis Tosque publiée avec son aimable autorisation.
Sources : Revue générale des chemins de fer, Loco Revue n°617 septembre 1998, Ferrovissime n°6 Juin 2008
Locomotive 060DA futures CC65500
Dans les années d’après guerre, l’organisation de l’acheminement du trafic de et vers Paris avait conduit à concentrer une part importante du trafic sur les grandes gares de triage situées à la périphérie de la région parisienne. Ces triages étaient reliés entre eux par les lignes de chemin de fer de la Grande Ceinture communément appelée GC. Si la partie sud de celle-ci avait bénéficié de l’électrification car elle se trouvait en relation avec des lignes radiales électrifiées, ce n’était pas le cas de la partie nord d’où l’intérêt de mettre en service un nouvel engin de traction pour s’affranchir des ruptures de charge, liées au changement de machines, qu’un engin électrique aurait nécessairement entraînées.
C’est donc tout naturellement vers un engin Diesel de grande puissance que le choix de la SNCF s’est porté.
Aussi, dès le 18 août 1952, une première commande de 20 unités était passée à un groupement d’entreprises comprenant la Compagnie des forges et aciéries de la marine d’Homécourt, la Compagnie Electromécanique et la compagnie de constructions mécaniques. Deux autres tranches commandées ultérieurement porteront l’effectif à 35 unités.
Devant se substituer aux locomotives à tender de type 151T qui, du fait de leur configuration, disposaient d’un poids adhérent élevé, les spécifications pour ces nouvelles machines prévoyaient de bonnes caractéristiques d’adhérence associées à une puissance respectable afin de pouvoir remorquer des trains de 1400 tonnes en rampe de 11mm/mètre ou de 2000 tonnes en rampe de 7mm/mètre. Même si on ne trouvait pas de telles déclivités sur la GC, le calcul avait été fait en intégrant l’influence des courbes qui accentue la résistance d’où des équivalences traduites en courbes fictives pour prendre en compte ces particularités.
Les données traduites en puissance et en poids adhérent nécessaire imposaient un engin d’une masse de 120 tonnes à adhérence totale pouvant développer près de 2000 chevaux.
C’est donc un type C’oC’o correspondant à deux bogies de 3 essieux (C), à moteur à commande individuelle (o) avec un châssis indépendant (‘).
Caractéristiques générales
D’une longueur de 18,7 mètres et d’un poids de 120 tonnes en ordre de marche, la 060DA développait 1900 chevaux à 710 tours/mn et pouvait produire un effort de traction de 19500 kilos à 22 km/h. La vitesse maximum était fixée au départ à 75 km/h. Il était spécifié que cette vitesse devait pouvoir être portée à 105 km/h par modification des rapports d’engrenage en cas d’utilisation ultérieure pour des trains de messageries.
Un moteur Diesel Sulzer LDA28 12 cylindres, disposés en deux rangées de six et suralimenté par turbosoufflante, équipait ces machines. L’alésage de 280mm et la course de 360 mm procuraient une cylindrée unitaire de 22167cm3 soit 266 litres pour les douze cylindres. La consommation maximum s’élevait à 172g/ch/h soit près de 500 litres à l’heure d’où l’énorme réservoir de 4500 litres pour offrir une autonomie suffisante. Ce moteur dérivait de ceux utilisés sur la fameuse machine 262 BD1 réceptionnée par le PLM en 1937 https://cheminot-transport.com/2021/04/en-1937-le-plm-mettait-en-service-la-plus-puissante-locomotive-diesel-du-monde.html
La partie électrique se composait d’une génératrice principale reliée aux deux vilebrequins du moteur, d’une génératrice auxiliaire à excitation shunt, entraînée par l’arbre de la génératrice principale, et de 6 moteurs de traction 6DTM532 à excitation série dont la puissance unitaire était de 215kw.
Notons, pour terminer, que les roues avaient un diamètre de 120cm et que l’engin était équipé du frein direct automatique Westinghouse à triple valve. Un frein d’immobilisation était placé dans chacune des deux cabines d’extrémités.
Carrière :
Affectées initialement au dépôt de la Plaine, les « doryphores » (ou plus tard les « Dakota » voire les « Babazous »), telles qu’elles étaient surnommés, ont connu quelques soucis de jeunesse en tombant souvent en « détresse » entre Versailles et Valenton où elles étaient prioritairement affectées pour la traction des trains lourds de marchandises. Ironie du sort, c’étaient la plupart du temps les vieilles vapeurs 151 T qui venaient à la rescousse, elles qui avaient été mises au rencart par les nouvelles venues. Le loco revue n°617 de septembre 1998 raconte une anecdote intéressante sur ces secours en ligne assurés par des locomotives à vapeur. En voici un résumé.
L’Instruction sur la composition des trains (ICT) interdisait, en raison du risque d’incendie encouru, d’atteler une locomotive à vapeur à un engin diesel. Si cette règle ne souffrait d’aucune exception en service normal, cela n’était pas toujours possible lorsque la vapeur portait le secours au diesel en panne. Dans ce cas là, il fallait intercaler un lot tampon de 3 wagons pour prévenir tout risque d’incendie. La revue cite donc le cas où un mouvement à contre voie d’Argenteuil à Epinay a été organisé avec une Mikado refoulant 3 longs wagons plats guidée en tête par un agent de manœuvre, placé sur le marche pied d’extrémité, qui exécutait inlassablement le signal « refoulez » jusqu’au devant du train à la tête duquel se trouvait l 060DA en panne.
En 1962, les nouvelles règles d’immatriculation transformaient les 060DA, dont la numérotation s’inspirait de l’ère de la vapeur, en CC 64000. Cela sera toutefois de courte durée car la production intensive des BB63500 laissait à penser qu’elles dépasseraient la quantité de 500 d’où un chevauchement possible de numéros. C’est donc en CC 65500 que les 060DA d’origine prenaient leur numérotation définitive.
Une fois surmonté les problèmes de fiabilité de jeunesse, les CC65500 pouvaient afficher toute leur puissance en remorquant des trains jusqu’à 2400 tonnes entre Valenton et le Bourget.
Mais alors que l’électrification complète de la GC risquait d’être synonyme de retraite prématurée, une chance s’offrit à ces vaillantes machines de commencer une nouvelle carrière dans le domaine des travaux que ce soit en RVB (Renouvellement Voie et Ballast) ou sur les chantiers de construction des lignes nouvelles. C’est sûrement dans cette deuxième vie qu’elles ont le plus excellé. Leurs aptitudes à tracter des trains de ballast à faible vitesse était unanimement reconnue et appréciée.
C’est ainsi que 3 entreprises de génie ferroviaire prirent possession de cinq CC65500 dont 2 (512 et 522) affectées à TSO (Travaux du Sud Ouest), deux autres (505 et 510) chez Drouard et la dernière (507) chez Desquenne et Giral.
Les autres restaient à la disposition de la SNCF qui en possédaient encore 18 à la fin des années 90. Celles-ci étaient la plupart du temps garées à Miramas ou Avignon et utilisées au fur et à mesure des besoins des LGV (notamment Méditerranée).
Ce n’est qu’en 2005 que les machines appartenant à la SNCF ont été radiées après 50 ans de service pour les plus anciennes.
Cette locomotive a séduit de nombreux modélistes qui n’ont pas hésité à la reporduire.
D’après Wikipédia, deux exemplaires sont préservés, il s’agit de la 65506 appartenant au CMCF et la 65512 à l’APPMF.