9 Avril 2022
Image d’illustration : https://del.gleize.net/ Publiée avec l’aimable autorisation de JC. Gleize
Sources : Revue générale des chemins de fer Novembre 1949 site https://www.retronews.fr/, , La Machine Locomotive 1894 site Gallica.bnf.fr/BnF Loco Revue N°306 Mai 1970, site del.gleize https://del.gleize.net/141e113.html
Locomotive 141 E113
Après avoir modifié avec succès les locomotives Compound, A Chapelon avait étudié, avec son équipe de la DEL (Division des Etudes Locomotives), les modifications à apporter aux machines à simple expansion du type Mikado. Cependant, la transposition des mêmes principes appliqués au Compound n’avait pas été couronnée de succès immédiatement. Des difficultés étaient apparues notamment dans ce que l’on appelait « la conduite du feu » en provoquant des mauvaises combustions qui entraînaient des consommations plus importantes. L’augmentation des sections de passage de la vapeur, afin de réduire les laminages, en était en partie responsable de même qu’elle était à l’origine d’une vidange plus rapide des cylindres ce qui avait pour effet d’influer sur le rendement du moteur.
De nombreuses études et essais avaient permis d’apporter des correctifs sur la plupart des problèmes identifiés.
La région de l’Ouest s’était appuyée sur les principes qui avaient découlé de ces expérimentations pour transformer la 141 C 113 en vue de tester le bien fondé de ces modifications avec, pour objectif, de les appliquer à une trentaine de locomotives Mikado de ce type.
Mais revenons un instant sur les Mikado, ces « bonnes à tout faire » qui ont rendu de grands services.
Ces machines, d’utilisation mixte pouvant être employées aussi bien à la traction des trains de marchandises que de messageries et même de voyageurs, avaient connu un tel succès que de nombreuses commandes avaient suivi. C’est ainsi qu’au début des années 30, plus de 900 Mikado avaient été livrées dont 280 de type 141 B et C à la région Ouest et 680 de type C, D et E au Sud-Est.
Celles de la région ouest provenaient des machines de la série 141 001 à 250 mises en service en 1921 sur l’ancien réseau de l’Etat qui s’inspiraient fortement des 141 du PO.
A la création de la SNCF, elles avaient été renumérotées 141 B 001 à 250 puis avaient bénéficié d’améliorations comme l’augmentation du timbre porté de 12 à 14 kilos, la modification de l’échappement et l’augmentation de la température de surchauffe. Renumérotées 141 C après augmentation du timbre, c’est parmi celles-ci que la région de l’Ouest choisit la 141 C 113 pour la faire transformer aux Ateliers des Quatre Mares sur la base des avancées technologiques étudiées par la DEL.
Les caractéristiques principales des machines sur lesquelles l’Ouest envisageait des améliorations étaient les suivantes.
Modifications apportées à la 141 C 113
a) amélioration de la surchauffe.
Avant transformation, la température de surchauffe était d’environ 325°. Après le remplacement des 24 éléments Schmidt par 28 éléments Houlet, la température de surchauffe mesurée avait atteint 390° soit une progression de 20%.
b) augmentation des sections de passage de la vapeur.
La surface des sections de passage et l’augmentation des % sont reprises dans le tableau ci-après. Certains éléments ont bénéficié d’un accroissement de 80% ou plus.
c) boîte à vapeur
Sur les 141 B, on avait identifié un volume trop faible de la boîte à vapeur. Celui-ci était inférieur à la cylindrée. Afin de réduire les variations de pression dans la boîte à vapeur et les chutes de pression au début de l’admission dans les cylindres, l’augmentation sensible des cylindres avait été décidée. A titre d’exemple, la pression en fin d’admission dans les cylindres était 50% plus faible que la pression dans la chaudière (8hpz contre 12hpz).
Sur la 141 C 113, le volume de la boîte à vapeur avait été porté à 265dm3 soit 1,25 fois la cylindrée. Rappel de la cylindrée : alésage 620mm et course 700mm ou 6,2dm X 7dm soit une cylindrée de 3,1x 3,1x 3,14 x 7 = 211,23dm3.
d) Distribution
La distribution Walschaerts avait été conservée mais des adaptations avaient été réalisées pour permettre l’augmentation (50%) des sections de passage et des vitesses d’ouverture des orifices à l’admission. Les lumières d’échappement avaient eu également leur surface totale augmentée de 25%.
e) Châssis
La rigidité du châssis des 141 B avait été identifiée comme constituant un point faible. Avec l’augmentation de la puissance envisagée, ce problème allait s’accentuer et les déformations de pièces s’aggraver. Un renforcement du châssis fut donc décidé. Il portait sur un renforcement de l’entretoisement sans modification des longerons
Avec ce renforcement, le poids de l’engin était augmenté et le poids adhérent passait de 65 à 74 tonnes.
Une fois transformée, elle fut réimmatriculée en 141 E 113. Elle disposait d’écrans pare fumée de grande taille et avait les sablières carénées avec le dôme vapeur (voir ci-dessous)
Les Essais.
Sur le site de « del.gleize.net » (https://del.gleize.net/141e113.html) qui retrace la carrière de Raymond Gleize, en charge des essais à la DEL du temps d’André Chapelon, on trouve le compte rendu de nombreux essais dont celui de la 141 E 113. On y trouve aussi de nombreuses photos dont deux que j’ai reproduites dans cet article avec son aimable autorisation.
Les essais ont été effectués, d’abord en ligne entre Paris et Caen, puis au banc de Vitry en 1948.
En ligne la 141 E 113 avait été testée concurremment avec la 141 C 190 afin de pouvoir mesurer l’écart de performance obtenue. Sur la rampe de Bréval longue de 12 kilomètres et en rampe de 7mm/mètre, le résultat comparatif entre les deux machine donnait très nettement l’avantage à la 141 E 113 qui, malgré un cran de marche à seulement 30%( vs 50% pour la 141C190), développait une puissance supérieure comme le montre le tableau qui suit.
De nombreuses marches d’essais étaient menées sur l’Ouest dont certaines avec un tonnage important comme cet Achères-Rouen de 1554 tonnes remorquées.
Concernant la consommation d’eau et de charbon, des marches comparatives avaient eu lieu entre Paris et Caen. Les gains par rapport à la 141C 190 avaient été, quelles que soient les configurations retenues, toujours supérieurs à 20% comme le montre le tableau ci-après.
Enfin, au banc de Vitry, c’est une puissance indiquée de 2800 chevaux qui était mesurée au cran 25 à 100km/h.
Malgré ces bons résultats qui étaient à peu près identiques en termes de % d’amélioration avec ceux obtenus sur les machines compound modifiées, la généralisation de ces modifications n’était pas retenue. La SNCF arguant du fait que compte tenu des ressources en machines à vapeur par rapport au trafic existant, les dépenses engagées pour réaliser les transformations nécessaires ne s’avèreraient pas suffisamment rentables. Comme pour la plupart des autres machines transformées sous les directives d’A. Chapelon, cette locomotive ne devait pas avoir de descendance.
La « Loco-revue n°306 » nous apprend que cet unique exemplaire fut affecté d’abord à Chartres, puis aux Batignolles et enfin au dépôt du Mans.