12 Avril 2022
Image d’illustration : Photo de Jean-Louis Tosque, Toulouse 1974. Publiée avec son aimable autorisation.
Sources : Revue générale des chemins de fer septembre 1938 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le Génie Civil10 Juillet 1937 site Gallica.bnf.fr/BnF , Revue Ferrovissime n°45 janvier 2012
Locomotive 2D2 500 futures 5400
Lorsque l’électrification de la ligne de Paris au Mans fut décidée, la modernisation et l’adaptation du parc moteur devint une nécessité pour le réseau de l’Etat.
C’est dans le cadre de ces travaux que la construction de la 2D2 5400, initialement numérotée dans la série 2D2 501 à 24, fut lancée.
Au préalable, disons un mot sur cette électrification et les raisons qui ont présidé à sa réalisation.
Dès octobre 1932, le conseil supérieur des chemins de fer avait envisagé l’électrification de plusieurs lignes de chemin de fer dont celle de Paris au Mans. Cependant, les études préliminaire ne faisaient pas apparaître un intérêt économique suffisant pour être financée en priorité. Ce n’est qu’en 1934, lorsque le plan Marquet fut mis en œuvre pour contrer les effets de la crise sur l’économie du pays notamment à cause du chômage qui sévissait, que le projet refit surface.
Ce plan supposait toutefois que les projets à financer étaient rentables. Ce fut finalement le cas grâce à la prise en compte de l’électrification de la banlieue au départ de Paris Montparnasse.
Approuvée à la fin de l’année 1934, la première étape du projet débutait le 3 octobre 1934 avec le quadruplement des voies de banlieue. Début 1935 les lots de travaux étaient attribués et le matériel commandé. Deux ans après, le 15 mai 1937, l’électrification en courant continu 1500 v était terminée et le block automatique lumineux installé. La promptitude avec laquelle ces travaux ont été menés peut laisser rêveur quand on voit les délais des consultations de toutes natures qui entravent la réalisation des travaux aujourd’hui.
Voici la ligne avec les principales gares du parcours, les PK et les déclivités.
Quant au matériel de traction choisi, il était de plusieurs types :
- 2D2 pour les trains de voyageurs Rapides et Express
- BB pour les trains de voyageurs à vitesse limite de 95km/h et pour les trains de marchandises,
- BB.o pour les trains de banlieue,
- automotrice Z3700 (Budd) dite de grande banlieue qui a déjà été décrite dans https://cheminot-transport.com/2021/06/l-automotrice-inox-z-3700.html
- automotrice Z3800 dite de ramassage qui a déjà été décrite dans https://cheminot-transport.com/2021/07/l-automotrice-z-3800-avait-des-performances-d-acceleration-exceptionnelles.html
Aujourd’hui, commençons par les 2D2 501 à 523 qui deviendront par la suite les 2D2 5401 à 23.
Avant de commencer la description de cette 2D2 qui prenait une nouvelle apparence par rapport à ce que cette série nous avait habitués, remarquez les deux feux éclairage avant l’un au dessus de l’autre qui sont identiques à ceux que l’on trouvait sur les Z3700 et Z3800 dont les photos figurent ci-dessus. Ce montage particulier du projecteur avec fanal valut, à ces machines, le surnom de cyclope.
Description 2D2
Le pragmatisme de Raoul Dautry, alors Directeur des chemins de fer de l’Etat, avait conduit à retenir du matériel qui avait déjà fait ses preuves sur les réseaux du PO et du Midi. En adaptant ce matériel au besoin plutôt que de se lancer dans des longues et coûteuses études d’un nouveau type d’engin, l’Etat pouvait commander rapidement un matériel éprouvé pour un coût rasonnable.
Une commande de 23 2D2 501 à 23 était passée à la Compagnie Electro-mécanique et à la Compagnie Fives-Lille pour la partie mécanique.
Les caractéristiques principales des 2D2 501 à23 étaient les suivantes :
Par rapport aux machines du PO (E500 puis 2D2 5500), les 2D2 de l’Etat bénéficiaient, comme nous l’avons vu précédemment, d’une modernisation de leur forme grâce au travail d’Henri Pacon, architecte des bâtiments des chemins de fer de l’Etat mais aussi designer. On lui devait déjà le design réussi de la super Mountain 241 101 ( https://cheminot-transport.com/2021/05/la-mountain-241-101.html )
Les faces d’extrémités et les hublots apportaient une touche de modernisme qui tranchait sensiblement avec l’apparence utilitaire des 2D2 d’origine.
Le freinage électrique par récupération n’était pas retenu pour ces machines qui n’avaient pas à parcourir un relief difficile comme c’était le cas pour leurs sœurs aînées du PO. D'autre part, par souci d’économies et de rationalisation de la maintenance, des pièces unifiées, que l’on pouvait retrouver sur d’autres machines de l’Etat, étaient retenues pour équiper ces nouveaux engins.
L’objectif fixé à ces machines était de pouvoir remorquer des trains de 750 tonnes à 130 km/h. Leur vitesse sera ultérieurement relevée à 140km/h.
Partie Mécanique
La caisse comportait deux cabines de conduite qui encadraient le compartiment moteur qui contenait l’appareillage électrique, les résistances et les 4 moteurs de traction. Les deux cabines étaient reliées par deux coursives latérales dans le compartiment moteur.
La caisse faisait corps avec le châssis qui reposait sur 3 points d’appui constitués des pivots des deux bogies d’extrémités et au centre sur les 4 essieux moteurs.
Les deux bogies directeurs avaient un déplacement latéral possible de 163mm de part et d’autre avec un dispositif de rappel.
Les deux essieux moteurs médians pouvaient se déplacer latéralement de 25mm de part et d’autre de l’axe. La conjugaison de ces deux effets (bogies directeurs et essieux médians) facilitait l’inscription en courbe jusqu’à 80 mètres de rayon. Les 4 essieux moteurs étaient à fusée intérieure.
L’air nécessaire au freinage et aux autres équipements était fourni par deux compresseurs débitant 1600 litres/ mn.
L’engin était équipé du frein Westinghouse automatique voyageurs-marchandises et du frein modérable. Les essieux des bogies porteurs ne disposaient que d’un sabot, les essieux moteurs en avaient deux.
Partie électrique
Les 4 moteurs hexapolaires (6 pôles) de traction étaient placés à l’intérieur de la caisse et entièrement suspendus. La transmission aux essieux moteurs se faisait au moyen d’un accouplement à biellettes de type Büchli qui a déjà été décrit dans https://cheminot-transport.com/2021/09/locomotives-2d2-prototypes-501-et-502-futures-2d2-5500.html .
La ventilation était assurée par 4 groupes ventilateurs ayant un débit unitaire de 190m3.
La puissance unitaire continue de chaque moteur était de 830 chevaux pour une intensité de 500 ampères. La puissance unihoraire s’élevait à 935 ch pour 560 ampères.
L’appareillage de commande et de contrôle comprenait :
- un combinateur pour le couplage des moteurs en série, série parallèle ou parallèle. La commande de ce combinateur s’effectuait par l’intermédiaire d’un servomoteur électropneumatique.
- un contrôleur de traction pour l’élimination progressive des résistances au démarrage et pour le shunt des inducteurs des moteurs. Cet appareil bénéficiait aussi d’une commande par servomoteur.
-la commande manuelle de secours pour la manœuvre de l’appareillage ci-dessus en cas de défaut de fonctionnement des servomoteurs.
Carrière des 2D2 5400
L’autre avantage de la mise en service de ces machines aux techniques déjà éprouvées était la mise en exploitation possible pratiquement dès la livraison. Ce fut le cas pour les 23 exemplaires qui assurèrent quasi immédiatement un service sans faille sur les Rapides et Express de la relation Paris Le Mans.
A leurs livraisons les 2D2 500 étaient habillées d’une livrée vert foncé avec les traverses rouges et un liseré jaune au niveau du tablier. A la fin des années 40, les 2D2 5400 voyaient leurs livrées évoluer vers le vert 306 pour la caisse tandis que le châssis était peint en noir 901. Simultanément les traverses et le liseré du tablier arboraient un rouge vif 601.
Lors du passage en grande révision, les 2D2 5500 perdaient leurs feux superposés pour être équipées de deux feux latéraux. Une moustache en alliage venait orner la face frontale et entourer le macaron SNCF. La livrée de caisse passait en vert bleuté 312.
L’histoire des 2D2 5400 est intimement liée à la desserte Paris Le Mans qu’elles ont assuré sans discontinuer pendant une trentaine d’années.
Ci-dessous une des premières machines livrées la 2D2n°502. Il semblerait d’ailleurs que ce soit celle qui a été mise en service la première en janvier 1937 avant même que la ligne soit totalement électrifiée. Cette machine, comme les suivantes, a été utilisée pendant près de six mois à la formation des conducteurs et aux essais de déverminage en étant mise à disposition du dépôt de PSO (dépôt d’Ivry à l’époque).
Affectées au dépôt de Montrouge lors de la mise en exploitation de la traction électrique sur la ligne du Mans, les 2D2 effectuaient en roulement de 9 AR journalier de et vers la Bretagne en assurant la partie Paris/ le Mans qu’elles reliaient en 2h05 soit un gain de temps d’un ¼ d’heure. Quelques dessertes limitées au Mans ou à Chartres étaient également assurées par ces engins.
Après guerre, les 2D2 500 (5400 à partir de 1948) pouvaient emprunter la Grande Ceinture et remorquer des trains à destination des triages qui la desservaient (Juvisy, Valenton, Tolbiac).
Au milieu des années 60 après l’électrification en 25000 volt au-delà du Mans vers Rennes, de nouvelles machines bicourant, les 25200, se substituaient au fur et à mesure de leurs livraisons aux vaillantes 2D25400 qui n’avaient ni la puissance, ni la vitesse, ni la capacité à être exploitées sous deux tensions différentes.
Un redéploiement vers le Sud-Ouest s’imposait et c’est le dépôt de Tours qui recevait une douzaine d’exemplaires de cette série en vue d’assurer la remorque des trains du Régime Accéléré mais aussi quelques trains de Voyageurs C130 sur l’axe Paris Bordeaux.
Continuant leurs descentes vers le Sud, c’est au dépôt de Bordeaux que se retrouvaient les 2D2 5400 à la fin des années 60.
Elles seront utilisés sur des trains de messageries, sur les W de rames vides et sur quelques trains de voyageurs. On en verra aussi circuler sur l’axe Irun Toulouse notamment pour la remorque des trains de pèlerins se rendant à Lourdes.
La deuxième partie de la décennie des années 70 verra la radiation progressive de ces vaillantes 2D2 après un peu plus de 40 ans de carrière.