3 Mai 2022
Image d’illustration : photo Jean-Louis Tosque ; publiée avec son aimable autorisation
Sources : Notice descriptives BB67300 Sardo. Centre National des Archives Historiques (CNAH) du groupe SNCF ; site https://openarchives.sncf.com/ cote tr_sardo_218 (autorisation d’utilisation accordée le 19/04/2022), Loco Revue n°570 mai 1994, Ferrovissime n°60 Mai 2013
Locomotive BB 67300
Cette série de 70 exemplaires livrés entre novembre 1967 et juillet 69 a été construite par 4 entreprises :
- les Etablissements Brissonneau et Lotz pour le montage général et pour la fourniture de la caisse,
- la société MTE (filiale de Jeumont Schneider et de Creusot Schneider),
- la société Oerlikon
- les chantiers de l’Atlantique pour le moteur thermique.
Destinées à un service mixte sur les transversales et sur les radiales non encore électrifiées, cette machine puissante (2400 chevaux), accouplable en unités multiples, disposait d’un train d’engrenage à double réduction : 140 en régime voyageurs GV(130 pour les 101 premières) et 90 en régime marchandises PV.
(1) Ces dix premiers exemplaires seront aptes à 140 lorsqu’on leur installera des boîtes à rouleaux à la place des boîtes à essieux Athermos dont elles étaient dotées à l’origine..
Les 67300 représentaient une évolution de la série 67000 qui l’avait précédée. La différence la plus notable résidait dans la nature de la transmission électrique constituée d’un alternateur/redresseur qui assurait l’alimentation en courant continu des moteurs de traction mais également permettait l’alimentation du chauffage électrique ou de la climatisation des rames voyageurs. C’est d’ailleurs une locomotive de la série 67000, la 67036, qui devait servir de prototype aux 67300. Pour la différencier des autres 67000, elle avait été renumérotée 67291 dans un premier temps avant de rejoindre la série des 67300 en 1979 en étant numérotée 67390.
Comme la série des 67300 s’avérait insuffisante en nombre pour assurer, dans les roulements, les trains de voyageurs munis du chauffage électrique, vingt 67000 allaient être transformées à partir du milieu des années 70 en vue de continuer la série avec les numéros 67371 à 390.
Caractéristiques générales.
D’une longueur de 17,1 mètres, les 67300 avaient une masse de 80,6tonnes.
La caisse, d’un poids de 14,5 tonnes, était constituée d’un châssis, en tôle d’acier soudée, formé de deux brancards tubulaires renforcés par des traverses et des longrines. Aux deux extrémités des brancards, des traverses de type unifié supportaient des tampons hydrauliques.
Les façades et les cloisons de la caisse étaient également réalisées en tôle d’acier soudé.
Quatre grandes parties formaient l’intérieur de la caisse.
- les deux cabines de conduite d’extrémité qui disposaient d’un renforcement constitué par un bouclier en tôle soudée en vue d’assurer la protection des agents. Chaque cabine était isolée du reste des mécanismes par des cloisons insonorisées assurant également la fonction de pare-feu. Le pupitre de conduite était mis en service par l’intermédiaire de 3 clés dont l’action portait sur le combinateur d’inversion de sens à 3 positions, sur le commutateur de frein et sur la boîte à interrupteurs à leviers. Le manipulateur de traction pouvait occuper les positions 0-Stop-Progression-Régression.
- le compartiment machine constitué de différents blocs indépendants comme les blocs d’appareillage électrique, d’accumulateurs et pneumatique.
- le compartiment de réfrigération de l’eau du moteur diesel portant le n° 8 sur le schéma ci-dessus. Il s’agissait d’un ensemble réfrigérant « Chausson » comportant 28 éléments radiateurs avec tubulure inox. Un circuit servait au refroidissement de l’eau du moteur, un autre assurait le refroidissement de l’huile et de l’air de suralimentation.
La caisse reposait sur les bogies par l’intermédiaire de deux blocs en caoutchouc.
Les bogies étaient du type Y 210 avec roues d’un diamètre de 1,05mètre.
Moteurs de Traction
Les deux moteurs de traction SW9209, identiques à ceux des BB67000, étaient entièrement suspendus et se trouvaient placés au milieu des bogies. Comme on peut le voir ci-dessus le pignon moteur portait une couronne de 30 dents mais aussi une autre de 20 dents. Le changement de réduction s’effectuant à l’arrêt depuis le pupitre de conduite par une commande d’électrovalves actionnant un cylindre pneumatique qui provoquait la translation de l’arbre moteur. La traction par un seul moteur était possible grâce à un commutateur d’isolement. La transmission du couple moteur s’effectuait par l’intermédiaire d’un arbre creux et de cardans.
Un dispositif d’antipatinage était réalisé via un relais différentiel qui comparait l’ampérage des deux moteurs de traction. Lorsqu’il détectait un différentiel de 140 A ente les moteurs, le relais provoquait les actions suivantes :
- diminution de l’effort de traction,
- signalisation sur les appareils de contrôle du pupitre
- régression du rhéostat de champ
- mise en action des sablières.
Dès que le différentiel n’était plus que de 70A, l’effort de traction se rétablissait progressivement.
Moteur Thermique
Le Moteur Diesel SEMT 16PA 4 en provenance des chantiers de l’Atlantique était un 16 cylindres en V de 90,3 litres de cylindrée (185 mm x 210 mm).
Il développait une puissance nominale de 1765kW (2400 ch) à 1500 tours/mn. La suralimentation était assurée par 2 turbosoufflantes Hispano HS 410 E1.
La vitesse du Diesel était variable dans une amplitude de 600 à 1500 tours/mn sans le chauffage en service et de 1050 à 1500 avec le chauffage. En couplage, le chauffage était assuré par la machine de tête.
Le réservoir à combustible avait une contenance de 4100 lites
Freinage
Le système de freinage comprenait :
- un frein direct non accouplable commandé depuis chaque poste de conduite,
- le frein automatique modérable au serrage et au desserrage commandé par un robinet à commande électrique Westinghouse PBL2,
- le frein à main présent uniquement à la cabine n°1.
Performances
La puissance UIC de la locomotive était donnée pour 1440kW soit 1960 ch.
Les vitesses maximales selon les régimes s’établissaient à 140km/h pour la réduction Voyageurs et 90 pour les marchandises.
L’effort de traction maximum à la jante en régime Voyageurs (GV) atteignait 21600 daN (décanewton) soit 22030 kg. L’effort de traction en régime Marchandises (PV) était quant à lui de 32400 daN soit 33050 kg.
La courbe d’évolution de cet effort en fonction de la vitesse est donnée par le schéma suivant. L’abréviation RC signifie « régime continu ».
Les charges remorquées en régime GV en fonction des rampes et de la vitesse sont reprises dans le graphique ci-joint.
On peut voir qu’avec une charge de 500 tonnes, la 67300 pouvait circuler à 140km/h en palier. En rampe de 5mm/mètre la même charge ne pouvait être remorquée qu’à la vitesse de 100km/h. En rampe de 10mm/mètre la vitesse chutait à 70km/h. Ces valeurs étaient réduites lorsque le chauffage électrique était en service.
En régime PV, une charge de 1000 tonnes pouvait être remorquée à 80km/h en palier. En régime continu, cette même charge de 1000 tonnes pouvait être soutenue jusqu’à des rampes de 15mm/mètre. La vitesse correspondante étant de 26km/h.
Carrière
L’atelier directeur des 67300, initialement assuré à Nevers, sera transféré à Sotteville QM en 1991.
Concernant les dépôts d’affectation, on trouve dans l’ordre :
- à partir de 1968 ; Chambéry, Strasbourg, Rennes, Tours Saint Pierre, Nîmes, Clermont-Ferrand et Vénissieux (1969)
- à partir des années 70 ; Bordeaux(70), Nantes (75), Caen (76), Longueau (84) et Nevers
Les premières livraisons à Chambéry l’ont été en raison du contexte de l’époque car, ne l’oublions pas, les Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, où s’est illustré JC Killy, ont eu lieu en février 1968. Le renfort d’une dizaine de machines de ce type a été le bienvenu pour assurer le trafic induit.
Quelques unes des machines de Chambéry ont été envoyées en septembre 1969 à Clermont-Ferrand pour la remorque d’un train rapide « Le Bourbonnais » précédemment assuré par des rames RGP. Elles y resteront jusqu’à l’arrivée des puissantes CC72000.
Comme on l’a vu ci-dessus, Strasbourg a été aussi affectataire d’une douzaine d’exemplaires afin d’assurer un service voyageurs sur les lignes non électrifiées de l’étoile de Strasbourg mais aussi d’effectuer quelques dessertes marchandises. Lors de l’arrivée des 67400, elles ont migré en fin d’année 1973 vers Tours et Bordeaux qui étaient alors les deux seuls dépôts d’affectation avant qu’une vingtaine de machines soient transférées à Nantes en fin d’année 1975. Les 67300 de Bordeaux ont assuré des trains de marchandises sur la ligne de Bordeaux Montauban ce qui a mis un terme à l’utilisation des 141R au fuel (sujet déjà traité dans https://cheminot-transport.com/2021/12/locomotive-141-r.html )
Voici la 67327 à Toulouse en 1972.
En Bretagne, le dépôt de Rennes utilisait les 67300 sur les radiales principales de Brest et Quimper. Pendant cette période, elles prirent leurs quartiers d’été sur Saint Malo, Quiberon, Roscoff etc. Là encore, l’arrivée des 67400 les a amenées à s’exiler plus au Sud vers Bordeaux mais aussi vers Tours où elles ont retrouvé les 67300 qui avaient été livrées neuves en 68/69. C’est sur la transversale Nantes Lyon qu’elles ont assuré l’essentiel du trafic.
Le dépôt de Vénissieux a été doté, dès 69, de 67300 neuves dont le parc a été renforcé par des locomotives en provenance de Chambéry et Clermont –Ferrand. Outre les lignes de la Tarentaise et du Grésivaudan comme on peut le voir sur cette magnifique photo ci-dessous, les 67300 parcoururent aussi la transversale Lyon Strasbourg (Besançon ou Belfort).
De 1976 à la fin des années 70, le parc 67300 du dépôt de Caen est monté en puissance pour atteindre une trentaine d’unités.
Une partie des 67300 est alors modifiée pour être utilisée en réversibilité avec des rames RIB sur Paris Montparnasse- Dreux ou sur Paris Saint Lazare -Evreux.
D’autres seront transformées pour assurer la remorque des rames Talgo.
Enfin, après un long intermède, Chambéry les retrouvera à la fin des années 70 et sera même le plus important affectataire de cette série jusqu’en être le quasi unique gérant au début des années 2000 (à l’exception des quelques unités encore en service à Rennes, Nantes et Longueau). Les activités GL, TER et Fret se sont partagées le parc.
Le milieu des années 2000 a sonné la fin des entrées en révision ce qui préfigurait les prochaines radiations à venir. Celles-ci seront effectives à partir de 2008 jusqu’en 2018 pour la dernière.
Compte tenu de la marque qu’elle a laissée dans l’exploitation des lignes non électrifiées, la BB67300 a eu l’honneur d’entrée au musée du chemin de fer de Mulhouse et pourra ainsi perpétuer le souvenir de cette machine que l’on a pu admirer sur de nombreuses lignes de notre réseau. Il s'agit de la 67305.
Ci-dessous la 67362 à Brignoud en 1989.