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Cheminot Transport

Locomotives prototypes 9003 et 9004 détentrice du record de vitesse à 331km/h en 1955

Image d’illustration : Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

Sources : Revue générale des chemins de fer  06/1952 et 11/1953, Ferrovissime n°3 Mai 2005, Loco revue 632 janvier 2000

 

Locomotives BB 9003 et 9004

 

Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

 

Nous avons vu dans le précédent article consacré aux CC 7001 et 02 https://cheminot-transport.com/2022/06/locomotives-cc-7001-et-02-prototypes-des-cc-7100.html comment avaient évolué les BB et 2D2 depuis les années 20 jusqu’à la fin des années 40 où de nouvelles machines prototypes à adhérence totale avaient vu le jour. Ces prototypes de type CC, bien qu’étant beaucoup plus légers que les 2D2, pesaient tout de même plus de 100 tonnes. Or, les progrès réalisés pour la construction de ces machines semblaient pouvoir être transposés sur des machines plus légères mais aussi puissantes qui pourraient se satisfaire de bogies à deux essieux moteurs. De plus, on pouvait s’attendre à une réduction du prix d’achat et des frais d’entretien du fait de l’allègement de ces nouvelles locomotives et de la simplification du type BB vs CC.

Deux catégories de machines furent expérimentées :

- les 9001 et 9002 de conception suisse construites par Brown-Boveri et Winterthur (photo ci-dessous)

Unknown authorUnknown author, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

 

- les BB 9003 et 9004 de conception française produites par Schneider-Jeumont avec moteur SW (BB 9004) et Oerlikon (BB9003).

BB 9004 Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

Première à être livrée, la BB 9003 faisait ses premiers tours de roue pour le compte de la SNCF en décembre 1952

Mais avant de passer à sa description, regardons quelles étaient les orientations qui avaient présidé aux études de développement.

Les objectifs visés étaient les suivants :

- obtenir un rendement mécanique élevé se traduisant par un effort de traction au crochet maximum sur une large plage de vitesse,

- assurer une très bonne stabilité à l’engin afin de pouvoir circuler à vitesse élevée,

- simplifier les techniques de production en vue de réduire les coûts et de faciliter l’entretien,

- alléger, comme déjà indiqué plus haut, les parties mécaniques et les appareillages électriques sans pour autant que cela soit au préjudice de la sécurité et/ou de la longévité.

Ces objectifs généraux se traduisaient par les performances attendues suivantes :

- possibilité de remorquer un train de 750 tonnes en palier à la vitesse de 140 km/h et à 90km/h en rampe de 8mm/mètre.

- possibilité d’atteindre les  160km/h en marche d’essai (la BB 9004 fera même plus de deux fois mieux en 1955 !)

Caractéristiques  générales

Ce tableau comparatif reprend les caractéristiques des BB 9003 et 4 ainsi que les autres prototypes d’origine Suisse (BB 9001 et 2).

RGCF juin 1952

On voit que les caractéristiques entre les deux types de prototypes sont assez proches.

 Les quelques différences portaient sur la longueur totale avec 80 cm de plus pour la 9003, sur l’empattement total plus long de 1,2m sur la 9003 et sur le poids non suspendu qui est beaucoup plus faible sur la 9003 ce qui lui procure un rapport beaucoup plus favorable entre le poids non suspendu et le poids total de l’essieu moteur (0,162 vs 0,208). Plus ce rapport et faible, plus les effets de choc sur la voie et sur le châssis sont atténués ce qui contribue, en outre, à une meilleur stabilité. La masse non suspendue concerne par exemple les roues, les freins, les amortisseurs, tous les éléments qui subissent les irrégularités de la voie. C’est pour cette raison que l’on utilise dans le domaine de l’automobile des jantes en alliage ou des freins allégés. Ce n’est pas simplement pour réduire le poids du véhicule mais c’est aussi pour améliorer la tenue de route.

A noter également un léger surcroît de puissance pour les moteurs des 9001/02 (1070ch vs 1000 pour la 9003), mais comme les moteurs des 9003/04 sont plus légers le ratio poids du moteur/ ch est plus favorables aux prototypes d’origines françaises (4,2 vs 5,4).

Description générale

Contrairement aux précédents articles, je ne rentrerai pas dans une description approfondie car ce travail a déjà été fait (et bien fait) par l’article https://docrail.fr/les-bb-9003-et-9004/ . J’invite donc tous ceux qui souhaiteraient obtenir plus de détails techniques à consulter le lien ci-dessus.

Caractéristiques mécaniques

a) bogies

Les bogies étaient du type Pennsylvania avec des adaptations dans les liaisons de boîtes d’essieux et des balanciers (suppression des glissoirs de boîtes). Un cadre roulant essieux/balanciers avait été constitué afin de permettre aux roues de suivre, sans contraintes excessives, les dénivellations entre les deux files de rails.

Bogie de la 9004 Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

b) caisse

La caisse s’appuyait élastiquement sur chacun des bogies par le biais d’une poutre porteuse d’un dispositif pendulaire à bielles convergentes attachées aux ressorts de suspension. La poutre était en outre reliée à la caisse par deux bielles longitudinales.

La caisse était du type châssis poutre qui portait à ses extrémités les cabines de conduite (photo ci-après)  et les attelages. Il avait été recherché à faciliter l’accès aux différentes pièces et mécanismes par l’utilisation de nombreux panneaux démontables.

Cabine 1 9004 Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

c) système de freinage

Chaque roue était freinée par deux doubles-sabots. La nécessité d’avoir un freinage important à grande vitesse tout en étant modulable à vitesse moindre avait conduit à l’adoption d’un dispositif destiné à éviter les enrayages. Ce mécanisme faisait appel à des cylindres différentiels dans lesquels l’action de l’air pouvait agir soit sur la face principale du cylindre lors du freinage maximum à grande vitesse (120% du poids sur rail) soit sur la face principale et celle opposée de manière à réduire d’1/3 l’effort de freinage (80% du poids sur rail). La commande du double mécanisme s’effectuait lorsque la phase décroissante de la vitesse du train atteignait 80km/h. L’action était produite par un relais électropneumatique commandé par l’indicateur de vitesse.

d) système d’antipatinage

Le dispositif d’antipatinage était constitué d’un appareil pneumatique à double effet qui se traduisait par l’introduction aux cylindres de l’air à la pression de 1,5 kg/cm2 suivie d’une purge rapide.

Caractéristiques de la partie électrique

La première des nouveautés consistait dans un groupement des appareillages par blocs montés et câblés par avance. Le tout étant contenu dans une armoire centrale de 4,35m x 1,5m pour 1,7 m de haut. Avec un poids contenu à 4600 kilos pour cette seule partie et en ajoutant les autres appareils comme les pantographes, les compresseurs, les batteries on arrivait à un poids total de 8,7 tonnes là où ces divers équipement dépassaient 17 tonnes dans un montage plus classique.

Si l’allégement n’était pas ce qui était recherché sur les 2D2 afin de maintenir un poids adhérent suffisant sur les 4 essieux moteurs, il n’en était pas de même sur une BB où, à puissance équivalente visée, le poids total devait être contenu à 80 tonnes.

Moteurs

a) moteur Oerlikon

La 9003 était équipée de moteurs Oerlikon 6 F 830 d’une puissance unitaire continue de 736kW sous 1350V et 810 KW sous 1500V soit respectivement  1000 et 1100 ch. (à la vitesse de 72 et 81 km/h). En puissance unihoraire ces valeurs étaient portées à 810 et 885 soit 1100ch et 1200 ch.

L’effort  à la jante était d’environ 3600 Kg en continu et 4100 kg en unihoraire.

La masse du moteur était limitée à 4060 kg soit un poids par kW de 4,6 kg /kw alors que ce même rapport appliqué aux 2D2 des années 30 s’élevait à 7,3 kg/kW.

b) moteur SW

Les moteurs SW 4326 développaient une puissance de 1100 ch. au régime continu sous 1500 volts et avec une intensité de 585 A  pour une vitesse champ à 100% correspondant à 1030 tours/mn soit 93km/h ( roues mi- usées 1,215 x p x60 = 235773m / rapport d’engrenage 2,517 = 93,6km).

 En régime unihoraire, cette valeur progressait à 1230 ch sous une intensité de 660 A.

Avec ces performances le graphique montrait qu’à 60% de shuntage, un train de voyageurs de 750 tonnes pouvait être tracté à 156km/h en palier et qu’à plein champ, en rampe de 10mm/mètre, la vitesse qui en découlait s’élevait à 93km/h.

Quant au poids, le moteur SW était légèrement plus lourd que celui d’Oerlikon puisqu’il affichait 4510 kilos sur la balance.

Notons pour finir que l’équipement de traction était doté du système JH  (commande avec servo-moteurs électropneumatiques).Ces moteurs étaient entièrement suspendus dans les bogies.

Design

BB 9003 après peinture Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

BB 9003 après peinture.

N’importe quel amateur ferroviaire sera séduit par ces lignes toutes en rondeurs et par ces ornements chromés que les 9003 et 04 arboraient fièrement. Ajouter à cela une livrée bicolore vert réseda et vert foncé de bas de caisse et vous avez la quintessence de ce que savait produire l’industrie ferroviaire de la premières décennie des trente glorieuses.

On peut aussi être tenté de faire l’analogie avec ces mêmes lignes que l’on retrouvait dans l’industrie automobile des années 50 notamment aux USA. Tant dans les formes que dans les couleurs, les automobiles de cette époque tranchaient avec la plupart des tristes véhicules qui les avaient précédés et que personne ne regrettait. C’était le temps de l’audace et le chemin de fer avait, pour notre plus grand bonheur, suivi cette voie.

C’est au célèbre designer Paul Arzens que l’on doit cette magnifique création à l’origine des formes de la locomotive de série qui a ma préférence, la BB9200.

Voici la 9004 en livrée bicolore telle qu’elle est présentée et préservée à la cité du train à Mulhouse.

Par Alf van Beem — Travail personnel, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48741385

Carrière

Le début de carrière de ces machines a été entièrement consacré aux essais en vue des records du monde de vitesse. Dès mars 1955, la BB 9004 laissait loin derrière la CC 7121 en reléguant son record à plus de 30 km/h de celui qu’elle établissait à 276km/h. Livrée quelques mois seulement auparavant, la BB 9004 reprenait à son compte la célèbre phrase de Rodrigue dans le Cid « je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années ». Trois jours plus tard le 29 mars 1955, la belle, encore plus bodybuildée pour la circonstance, atteignait 331km/h entre Facture et Morcenx sur cette longue ligne droite des Landes.

Après cette courte mais intense carrière de sprinter et après une expérience réussie de télécommande pour une conduite à distance de la BB 9003, les deux célébrités rejoignaient le dépôt du Charolais (photo ci-dessous) en vue d’être affectées à des roulements prestigieux comme la traction du train drapeau du Sud-est, le Mistral.

Dépôt du charolais (Paris gare de Lyon). 2D2 9134; BB 9003; CC7106. Coll. 2 B publiée avec l’aimable autorisation de DocRail https://docrail.fr

 

La BB 9004 quitte la gare de Paris-Lyon en tête d’un train composé de voitures OCEM , d’une voiture restaurant CIWL et de métallisées Sud-Est. Coll. 2B site docRail

Trois ans après, leurs descendantes directes, les BB 9200, prenaient la relève pour la traction des trains rapides ce qui conduisaient les deux célèbres prototypes à aller faire des rotations Paris Le Mans en étant affectés au dépôt de Montrouge. A l’arrivée des 25500 bicourant consécutive à l’électrification 25kV au-delà du Mans, (voir https://cheminot-transport.com/2022/04/locomotives-bb25500.html ) les BB 9003 et 9004 retournaient au Sud-Est où elles étaient engagées sur la relation Paris Dijon. A la fin des années 60, elles finissaient leurs services sur des trains de marchandises au sud de la France en étant affectées au dépôt d’Avignon. Ayant été beaucoup sollicités durant leurs carrières, ces prototypes ont eu une durée de vie écourtée puisqu’ils ont été radiés en 1973. Heureusement, un mix de ces deux machines est conservé à Mulhouse avec la plaque de la BB 9004.

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