7 Juillet 2022
Image d’illustration : Par Markus Eigenheer from Genève, Schweiz — SNCF CC 20001, CC BY-SA 2.0,https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=101265476
Sources : Revue générale des chemins de fer 7/1951 Source gallica.bnf.fr / BnF, Revue générale des chemins de fer 11/1951 Source gallica.bnf.fr / BnF, Correspondances ferroviaires n° 20 août/septembre 2005
La locomotive CC 6051 future CC 20001
Au tout début des années 50, la SNCF décidait d’équiper ses nouvelles lignes électrifiées avec une tension de 20kV. Ces installations devaient être prévues pour basculer en 25kV ce qui fut fait assez rapidement (1953). Une des premières lignes ainsi équipées en monophasé 50Hz fut celle d’Aix les Bains à la Roche sur Foron.
Les avancées technologiques des trente années précédentes avaient permis de passer d’une alimentation en courant continu 1500 volts à une alimentation par courant alternatif à fréquence industrielle dont le raccordement pouvait se faire directement sur le réseau général de transport électrique.
Les progrès obtenus sur les moteurs avaient permis de franchir le pas et donc de tirer tous les avantages de ce nouveau mode d’alimentation, bien plus économique en termes d’installations fixes.
Une fois la décision prise, il fallait construire des machines adaptées à ce nouveau mode d’alimentation. Trois prototypes étaient commandés afin de tester les différentes options que proposaient les industriels : les CC 6051 et 6052 et la BB 8051.
La CC 6051 (future CC 20001)
La construction du premier prototype fut confiée à la société Suisse pour la Construction de Locomotives et de Machines Wintherthur pour la partie mécanique et aux Ateliers de Construction Oerlikon pour la partie électrique.
Pour ces prototypes, le programme fixé par la SNCF prévoyait une machine à 6 essieux moteurs, à adhérence totale de 114 tonnes (maximum 19 tonnes par essieu) et destinée à effectuer un service mixte voyageurs /marchandises. Sur la section Aix Annecy la charge remorquée devait s’élever à 650 tonnes malgré les rampes de 15mm/mètre. Entre Annecy et La Roche où les rampes atteignaient 20mm/mètre, l’objectif était de 550 tonnes. En palier, la charge remorquée devait s’élever à 1350tonnes pour une vitesse de 80 km/h.
La vitesse requise en service normal était de 90km/heure avec une possibilité d’atteindre 100km/h.
Outre sa capacité à fonctionner sous courant monophasé à 50Hz, la machine devait pouvoir circuler à puissance réduite sous courant 1500 volts continu. En marche HLP, la vitesse en 1500 volts devait être proche de celle pour laquelle elle était prévue en alimentation normale.
De plus, étant conçue pour le freinage par récupération, le freinage sous ce mode devait être capable de retenir au moins 700 tonnes (non compris le poids de la machine) dans les pentes jusqu’à 10mm/mètre ; cette valeur tombant à 330 tonnes dans les déclivités de 15mm/mètre.
Enfin les spécifications de passage en courbes prévoyaient :
- une vitesse de 100 km/h pour les courbes de 500 mètres de rayon,
- une vitesse de 50km/h pour celles de 150 mètres
- une vitesse réduite pour celles de 120 mètres qui constituaient l’inscription minimale à assurer.
Caractéristiques
Les schémas décrivent la constitution de ce prototype et en donnent les caractéristiques principales qui sont, en outre complétées par le tableau qui suit.
Longue de 17,25 mètres, la CC 6051 avait une masse de 104 tonnes en ordre de marche soit 10 de moins que l’objectif assigné dès le départ. On voit bien tous les progrès qui avaient été accomplis dans ce domaine tant sur la partie mécanique que sur l’appareillage électrique. Ce poids se décomposait en 60% pour la partie mécanique et 40% pour l’équipement électrique.
Partie mécanique
La société Winterthur disposait déjà d’une expérience dans les locomotives de vitesse à adhérence totale mais il s’agissait, en l’occurrence, d’une BB. A partir des enseignements tirés avec cet engin, la société Winterthur étudiait les transpositions qu’elle pouvait réaliser sur un bogie à 3 essieux et, dès 1946, était en mesure de proposer à la SNCF un projet de locomotive à grande vitesse de type CC. Non retenu à l’époque, il trouvait enfin sa concrétisation dans la réalisation de la CC 6051.
Les principes retenus se traduisaient par :
- une caisse auto-portante,
- un appui de la caisse sur les bogies au moyen de ressorts à lames longitudinaux renforcé latéralement par une suspension pendulaire.
- une attache de la caisse aux bogies par l’intermédiaire de deux pivots fixés sur chacun des châssis des bogies,
- une suspension primaire assurée par des ressorts hélicoïdaux,
- un accouplement latéral des bogies.
A noter le recours généralisé à la soudure à l’arc pour la caisse et les châssis des bogies.
La caisse comportait deux cabines de conduite. Elle était composée de deux poutres tubulaires placées à hauteur des appareils de chocs et reliées par les parois latérales constituées d’éléments soudés bout à bout et par l’arrondi du toit.
Les bogies comprenaient deux traverses médianes (n°4) supportant les deux pivots évoqués ci-dessus. Un moteur médian était placé entre elles.
Douze guides cylindriques, que l’on peut voir dans la photographie ci-dessous du châssis du bogie, assuraient la bonne tenue des 6 boîtes d’essieux et réduisaient au minimum les mouvements de lacets.
Commande des essieux.
Les moteurs de traction, fixés sur le châssis du bogie, actionnaient les essieux, équipés de roues à rayons de 140 cm, au moyen d’un accouplement élastique breveté par SLM Winterthur et appelé « commande à anneaux flottants »
Partie électrique
Les moteurs de traction (directs) 16W 880 à collecteur disposaient unitairement d’une puissance de 720 ch à la vitesse de 65 km/h.
Le poids du moteur complet s’élevait à 2940 kilos soit un rapport de 5,5kg/kW. La carcasse reposait sur une suspension à 3 points.
Le freinage par récupération s’effectuait suivant le couplage Oerlikon dans lequel un des 3 groupes moteurs fournissait l’excitation aux deux autres groupes. L’effort de freinage correspondait à 7500 kg à 60km/h et pouvait atteindre un maximum de 11000kg.
L’agencement des autres appareillages est repris dans le schéma ci-dessous.
Carrière
Livrée en 1950, la CC6051 arrivait à Chambéry le 9 septembre de la même année. Elle était de suite mise à conribution pusique l’on la retrouvait en tête de son premier train dès le 16 septembre.
Donnant satisfaction dès le début de son exploitation, elle se montrait capable d’aller au-delà des espérances que la SNCF avait placé en elle puisqu’elle était capable de remorquer 900 tonnes en rampe de 15mm/mètre alors que nous avons vu précédemment que l’objectif avait été fixé à 650 tonnes. Ses performances reconnues, y compris à l’étranger, la conduisait, pour des essais en Allemagne (Ligne du Höllental ou « vallée de l’enfer »), sur des rampes allant jusqu’à 55mm/mètre. Même sur ces lignes, la CC 6051 arriverait à tracter au démarrage des trains de 215 tonnes au plus fort de la déclivité.
En France, ce prototype, qui sera renuméroté CC 20001 en 1953 en même temps que le changement de tension de 20kV à 25kV, ne sera utilisé que sur l’étoile de Savoie où elle effectuera des parcours journaliers de plus de 700 km et des parcours mensuels de plus de 20 000 km.
Fort de ses résultats d’exploitation, la CC 6051 sera à l’origine de la série des CC 25 001 à 9 qui seront commandés en plusieurs tranches entre 1953 et 1955. Il faudra attendre 1967 et l’arrivée des premières BB 25150 pour voir transférer ces CC de l’Etoile de Savoie vers des relations moins nobles à la tête des trains omnibus. Ce changement de nature de trafic s’était accompagné d’une mutation des engins d’Annemasse à Chambéry.
C’est à la fin des années 70 que les 25500 seront radiées, la CC 20001 aura la chance d’être sauvegardée par l’APMFS, l’Association pour la préservation du Matériel Ferroviaire Savoyard.