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Cheminot Transport

Locomotive CC 72000

Photo d’illustration Jean Louis Tosque: prise en 1996 sur l'axe Montmélian Grenoble.

Sources : RGCF 1967/1, 1965/9, 1963/9, Ferrovissimo n°11 2006/10

Je remercie Jean-Louis Tosque et Joël Lemaure (GAQM) qui m'ont autorisé à reproduire les photos qui illustrent cet article

CC72000

Photo Jean-Louis Tosque 1987 axe Montmélian Grenoble

Venant à la suite des 67000 et 68000 et profitant des enseignements qui avaient pu être tirés de l’exploitation de ces deux séries précédentes, la CC72000 découlait de la volonté de la SNCF de disposer de machines diesels puissantes afin de prendre le relais des dernières machines à vapeur construites à savoir les 141 R et 241 P.

 Si les 67000 et 68000 avaient fait franchir une étape en termes d’exploitation plus économique par rapport aux meilleures locomotives à vapeur, le gain était plus discutable au niveau des charges remorquées et des horaires des marches tracées. Sauf à pousser ces engins thermiques à un taux d’utilisation (rapport entre la puissance moyenne utilisée et la puissance nominale) de plus de 70%, les performances s’avéraient dans certains cas insuffisantes notamment sur les trains express de fort tonnage. Un taux d’utilisation supérieur à 60% ne permettait pas de garantir la sécurité du bon fonctionnement du moteur et risquait d’engendrer à la longue des dépenses d’entretien élevées. Un palliatif avait été trouvé avec la marche en unité multiple mais cela avait un coût.

Fort de ce constat, des études avaient été lancées dans les premières années de la décennie 60 en vue de la construction de machines plus puissantes dotées de deux moteurs compte tenu de l’impossibilité de disposer, à l’époque, de moteurs dont la puissance unitaire dépassait 2000kW. C’est ainsi qu’apparurent les prototypes BB6900 et CC70000 équipées de deux moteurs SEMT Pielstick de 1750kW (photos ci-dessous)

Par Auteur inconnu — https://www.ferropedia.es/wiki/Archivo:SNCF_BB_69001.jpg, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31252193

 

Unknown authorUnknown author, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

 

Livrés en 1964 et 1966, ces prototypes auraient pu avoir des débouchés sur une production en série si, dans l’intervalle, la puissance unitaire des nouveaux moteurs diesels disponibles n’avait pas sensiblement progressé. En effet, certains moteurs pouvaient développer près de 3000kW soit environ 4 000ch. Dans ce contexte, le recours a deux moteurs ne semblait plus pertinent eu égard aux frais supplémentaires que cela entraînerait tant au niveau de la construction de ces machines que de la maintenance en service courant.

Orientations retenues pour les CC 72000.

Photo Jean-Louis Tosque. Avignon 1996

1) avoir une puissance suffisante avec un seul moteur pour répondre à une large plage d’utilisation (voyageurs, messageries, marchandises). A cette fin, la puissance minimale visée était d’environ 2650kW (3600cv) pouvant être portée ultérieurement à 3000kw (plus de 4000cv).

2) avoir un poids adhérent adapté à cette puissance pour en tirer le meilleur parti. La configuration CC avec une masse de 110 tonnes (18,3t par essieu) associée d’une part, à une transmission électrique triphasé-continu et d’autre part, à des bogies monomoteurs à double réduction d’engrenages (voyageurs 140, marchandises 85km/h) paraissait constituer le meilleur compromis possible pour assurer un service polyvalent et performant. La limitation du poids de 18,3t par essieu trouvait son explication dans la volonté d’utiliser cette machine sur toutes les lignes de grande traction diesel.

3) assurer le chauffage électrique des trains de voyageurs en courant redressé 1500 volts. Rappelons  que cette problématique du chauffage sur les lignes non électrifiées avait fait l’objet de plusieurs études et que des solutions plus ou moins satisfaisantes avaient été testées. Là où les 67000 avaient recours à un fourgon chaudière, les 68000 disposaient de leurs propres chaudières pour produire la vapeur nécessaire. Puis on avait testé en 1965, sur la 67036, un chauffage électrique qui avait nécessité d’augmenter la puissance du moteur à 2400cv (vs 2000CV) et à remplacer la génératrice à courant continu à collecteur par un alternateur-redresseur au silicium. Mais ce mode de chauffage nécessitait également de modifier les circuits de voie afin de leur assurer un  fonctionnement sans risque lorsqu’il y avait coexistence avec  le retour du courant continu du chauffage.

Photo Jean-Louis Tosque 1987 axe Montmélian Grenoble

Caractéristiques

A l’issue du concours technique lancé par la SNCF en 1964, le projet proposé par Alsthom et la société Alsacienne de Constructions Mécaniques pour le moteur était retenu.

Avec une longueur tampons compris de 20,20 mètres, la CC 72000 avait une masse à vide de 102,6 tonnes pour 110t en ordre de marche. La caisse est les bogies représentaient plus de la moitié du poids avec 62,8 t suivie par la partie thermique 22t, puis par les différents éléments électriques 17,7t. Les approvisionnements pesant, quant à eux, 7,4t.

La vitesse, initialement fixée à 140 km/h (CC72001 à 20 à l’exception de la CC72017) sera portée à 160 pour les CC à plus grands numéros après dotations d’amortisseurs antilacets et réalésage (voir les valeurs d’alésage ci-après)

Photo Jean-Louis Tosque 1987 Axe Montmélian Grenoble

Moteur thermique

Le moteur AGO V16 ESHR provenait d’une version extrapolée du 12 cylindres équipant les 68000. Avec une cylindrée de 146 litres (alésage 23cm au début porté à 24 et course 22 cm), ce moteur, suralimenté par 2 turbocompresseurs Hispano Suiza, développait une puissance de 2650kW à 1350 tours/mn.  Nul doute que le bruit, si caractéristique et si cher aux oreilles des passionnés, résultait du travail à pleine puissance de ces deux turbos !

Le système de refroidissement était constitué d’éléments unifiés déjà utilisés sur les 67 et 68000. Notons la particularité du lancement du moteur diesel à l’aide d’un dispositif pneumatique alimenté par deux réservoirs d’air comprimé ne laissant que deux chances de réussite au démarrage d’où les précautions à prendre pour ne pas rater ces deux seuls essais ! La sanction en cas d’échec était le retour aux ateliers.

Le réservoir à combustible avait une contenance de 5500 litre et était placé sous la caisse.

Transmission électrique.

L’alternateur, via un pont de redresseurs au silicium, alimentait les deux moteurs de traction couplés en parallèle ainsi que le système de chauffage du train.

Les moteurs de traction TAO  656 B1 étaient identiques à ceux des BB8500 et des BB25500.  Un montage spécifique de l’alimentation des équipements électriques qu’Alsthom qualifiait  «d’ hyper-adhérence » assurait des performances au démarrage améliorées de 15 à 20%.

Caisse

La caisse, de type monocoque en acier, présentait de fortes similitudes avec la CC6500 qui n’était alors qu’en voie de construction. Il s’agissait de rechercher une unification poussée avec celle qui allait devenir la plus puissante locomotive électrique française de l’époque. Comme cette dernière, la CC 72000 disposait d’un nez à structure renforcé pour assurer la protection de l’équipe de conduite. D’autre part, la traverse de tête supportait des organes de choc hydrauliques et avait été conçu en vue d’accueillir ultérieurement un attelage automatique. A noter que les premières « nez cassé » étaient les CC 40100 sorties quelques années plus tôt.

La caisse reposait sur des blocs en caoutchouc formant suspension pendulaire.

 

Dispositions constructives

Tout, dans les études de construction, avait été prévu pour réduire l’occurrence des pannes et faciliter les opérations d’entretien.

A cet effet, on peut citer :

- l’utilisation de coupleurs et l’agencement des câblages afin de procéder à des échanges rapides et simplifiés des mécanismes ou d’ensembles de ceux-ci comme le groupe électrogène, le bloc électrique, le pupitre de conduite etc.

- l’utilisation de relais et appareillages électriques débrochables

- la possibilité de lavage au jet des éléments externes et internes à la caisse

- la simplification et fiabilisation de divers dispositifs.

Carrière

Construites  à 92 exemplaires dont le premier a été livré pour essais en novembre 1967, cette série a marqué l’histoire de la traction diesel par ses performances mais aussi par sa ligne que l’on devait à Paul Arzens.

La livrée faisait appel à deux tons de bleue avec des bandes blanches sur les faces latérales et d’extrémités sans oublier la touche finale que constituait sa flèche si caractéristique.

Lors des révisions générales, des nouvelles livrées apparaissent comme c’est le cas pour cette magnifique CC 72006 arborant fièrement la livrée multiservices à teinte bleu Isabelle.

https://www.histoire-des-ateliers-de-quatre-mares.fr/ publiée avec l’aimable autorisation de Joël Lemaure Groupe des archives de Quatre Mares (GAQM)

Autre photo  qui montre deux 72000, l’une entrant en révision, l’autre en sortant parée de sa nouvelle livrée.

https://www.histoire-des-ateliers-de-quatre-mares.fr/ publiée avec l’aimable autorisation de Joël Lemaure Groupe des archives de Quatre Mares (GAQM)

Des livrées plus ou moins réussies ont été appliquées sur certaines machines notamment en vert et gris pour le Fret et avec la marque « En voyage » pour les 72100 de l’Est.

Les CC 72000 ont fait leurs premières armes sur l’Ouest en assurant le relais des trains de la relation Paris Nantes au Mans. Affectées au dépôt de Rennes, elles ont, au fur et à mesure des livraisons, étendu leurs rayons d’action au Croisic, à Brest et à Quimper. Elles auront par la suite l’honneur de faire des trains au départ de Montparnasse et à destination de Nantes sans relais au Mans comme devaient le faire les électriques.

Vers le Sud, elles pousseront même jusqu’à Toulouse pour pallier l’absence d’électrification entre Bordeaux et Montauban.

Le Sud-Est a aussi rapidement bénéficié de l’apport des 72000 qui ont été affectées au dépôt de Vénissieux. Elles ont assuré des services de rapides et express sur Paris Clermont-Ferrand et sur les lignes des Alpes.

Photo Jean-Louis Tosque 1987 axe Montmélian Grenoble

Enfin c’est le dépôt de Chalindrey qui les a accueillies pour les mettre en exploitation sur Paris Bâle.

Le choc pétrolier de 1974 a porté un rude coup à la traction diesel et a mis fin aux commandes de cette catégorie de machines.

Malgré tout, les CC 72000 ont sillonné encore de longues années la plupart des régions françaises à la tête de trains de voyageurs ou de marchandises. On les a même vues tracter des TGV sur la relation des Sables d’Olonne.

Une modification de certaines d’entre elles en CC72100 a permis de prolonger leur durée de vie en bénéficiant d’un moteur moins énergivore et plus respectueux de l’environnement.

Ceux qui n’ont pas connu cette merveilleuse machine en exploitation peuvent toujours aller la découvrir à la Cité du Train à Mulhouse et admirer celle qui fut, en son temps, la plus puissante locomotive diesel monomoteur d’Europe.

 

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