17 Mars 2023
Image d’illustration : poste mécanique 1945 Les postes unifiés de la SNCF M. Dheu 1957 AMT 1998 7 1091
Sources : outre mes souvenirs personnels, Cours sur les enclenchements mécaniques 1963 SNCF ANMT 1998 7 1093, Les postes unifiés de la SNCF M. Dheu 1957 AMT 1998 7 1091 Revue générale des chemins de fer et tramway novembre 1898, Revue générale des chemins de fer et tramways août 1902, Revue générale des chemins de fer et tramways janvier 1903, Cours de chemins de fer : professé à l'Ecole nationale des ponts et chaussées. Matériel roulant et traction, exploitation technique par C. Bricka 1894, site Gallica.bnf.fr/BnF
Exemples d’enclenchements mécaniques d’itinéraires.
Pour assurer la sécurité d’un itinéraire, il faut mettre en œuvre les différents enclenchements qui ont été décrits dans le premier chapitre dont le lien suit https://cheminot-transport.com/2021/05/introduction-aux-enclenchements-mecaniques.html
Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous invite à le faire pour mieux comprendre ce qui suit
Rappelons simplement que les enclenchements mécaniques permettent, dans un poste ou sur le terrain, de réaliser des liaisons de dépendances entre des leviers commandant des installations de sécurité (signaux ou appareils de voie).
Dans un poste, tous les leviers doivent pouvoir occuper simultanément la position normale (ou droite) symbolisée dans les notations par le signe + qui suit leurs numéros. On écrit les relations de dépendance entre deux ou plusieurs leviers par une série de 2 ou plusieurs chiffres, placés entre parenthèses, qui ont pour exposants + ou – ou ±.
Pour formuler cette relation de dépendance, on utilise une notation (Descubes) qui exprime une incompatibilité entre les positions de différents leviers (exemple 1- 2+). L’exemple signifie que le levier 1 renversé (-) est incompatible avec le levier 2 normal (+). Autrement dit, on ne peut pas renverser le levier 1 si le levier 2 occupe la position normale au poste. Le renversement préalable du levier 2 sera la condition (ou une des conditions) pour l’exécution de la manœuvre du levier 1.
Comme nous avons vu ci-dessus que tous les leviers du poste devaient pouvoir occuper simultanément la position +, on peut en déduire que l’incompatibilité suivante entre deux leviers est impossible (1+ 2+). Comme il n’y a que 4 combinaisons possibles pour un couple de deux leviers (1+ 2+), (1+ 2-), (1- 2+), (1- 2-), seules les 3 dernières sont utilisables (8 combinaisons pour 3 leviers dont 7 utilisables)
Voyons maintenant, à travers des exemples, quels sont les enclenchements à appliquer en commençant par le cas le plus simple puis en continuant vers des situations un peu plus complexes.
Aiguille prises en talon
Dans ce cas de figure simple, il faut protéger l’aiguille 2 d’un risque de talonnage. Il est donc nécessaire d’interdire tout mouvement en provenance du carré 1 lorsque l’aiguille 2 est à droite. L’enclenchement à réaliser est donc (1- 2-)
Aiguille prise en pointe.
Exemple1
Si le carré 1 peut être ouvert pour donner accès aux deux directions A et B, l’enclenchement à réaliser sera le binaire double ou « pendant course » c'est-à-dire (1- 2±). En effet, le carré doit pouvoir s’ouvrir quelle que soit la position de l’aiguille (à droite ou à gauche). Une fois ouvert, cette aiguille ne doit plus bouger, donc c’est bien la course du levier de l’aiguille que l’on doit interdire lorsque le levier du carré est en position renversée ou (-)
Exemple 2
La différence avec la figure précédente réside dans l’adjonction d’un verrou 3 qui verrouille l’aiguille 2 dans ses deux positions. Rappel : une aiguille prise en pointe est normalement verrouillée si elle est franchissable à plus de 40 km/h (30 dans certains cas).
Le levier du verrou en position normale (verrou lancé) ne doit être incompatible qu’avec le levier de l’aiguille « pendant course » soit (3+ 2±). Le carré, quant à lui, ne doit pouvoir s’ouvrir que si le verrou est lancé (1- 3-). On observe alors un enclenchement indirect (ou résultant ou secondaire selon les terminologies utilisées) : (1- 2±) puisqu’on retrouve le levier 3 avec des signes opposés dans deux enclenchements binaires distincts. (Voir l’explication au chapitre « Introduction aux enclenchements mécaniques »)
Aiguilles prises en pointe et en talon sur un itinéraire
Dans le cas ci-dessus, le carré 2 s’ouvre par le même levier vers X ou Y. Un mouvement vers X doit pouvoir s’exécuter simultanément avec un mouvement vers Y en provenance de l’aiguille 4 à gauche.
Commençons par enclencher l’avertissement et le carré. Le risque à éviter correspond à une ouverture de l’avertissement sur un carré fermé et réciproquement la re-fermeture du carré alors que l’avertissement est encore ouvert. C’est donc (1- 2+) qui couvre ces risques.
Passons à présent aux enclenchements entre le carré et l’aiguille 3. Puisque le carré 2 s’ouvre avec le même levier vers X ou Y, l’aiguille 3 peut être soit à droite soit à gauche mais pas entre les deux positions. C’est donc l’enclenchement « pendant course » qui s’applique soit (2- 3±).
Comme l’itinéraire comporte l’aiguille 4 prise en talon, il faut qu’il y ait la continuité d’itinéraire lorsque l’aiguille 3 est à droite mais il faut aussi permettre un mouvement en provenance de Z lorsque l’aiguille 3 est à gauche.
Le recours à un enclenchement conditionnel répond à cette problématique. Il est du type (2- 3+ 4- ) qui se traduit par : le carré 2 ne peut s’ouvrir si l’aiguille 4 est renversée (à gauche) alors que l’aiguille 3 est en position normale (à droite).
Cas des communications
Nous sommes sur une ligne de double voie avec une communication entre les deux voies principales par les aiguilles 1 et 2. Chacune des deux aiguilles doit être protégée d’un talonnage accidentel. Pour se prémunir de ce risque il faudrait prévoir une double incompatibilité du type (1- 2+) et (2- 1+). Il suffit de réfléchir un instant pour se rendre compte de l’impossibilité de réaliser ces enclenchements. En effet si 1- est incompatible avec 2+, cela signifie que tant que 2 est normal, le levier 1 n’est pas manœuvrable. S’il n’y avait que cette incompatibilité, cela ne poserait pas de problème puisqu’il suffirait de commencer par manœuvrer 2 avant 1. Mais il se trouve que l’on a aussi besoin de (2- 1+) ce qui suppose que l’on ne peut pas renverser 2 si 1 est normal d’où l’obligation de renverser 1 en premier. En pratique on interdirait donc de manœuvrer 1 en premier mais aussi 2 en premier ce qui conduirait à un blocage de ces deux leviers.
Devrions-nous donc abandonner toute forme d’enclenchement en pareil cas ?
Non, bien entendu, puisqu’il existe une solution qui passe par la conjugaison de ces deux aiguilles. Les aiguilles seront donc manœuvrées ensemble par le même organe de commande ce qui évitera le risque de talonnage et rendra donc inutile la réalisation d’un enclenchement entre ces appareils de voie.
Notez que nous aurions pu aussi utiliser cette possibilité de conjugaison d’aiguilles dans l’exemple précédent.
Dans le cas de figure suivant, imaginons que, dans cette gare, les mouvements sur la voie contiguë au BV aient la possibilité de repartir vers B via le carré 3 qui est un carré de rebroussement. A ce titre il ne peut ouvrir que vers B.
Quels sont les enclenchements à réaliser ?
- Il faut que le carré 3 ne puisse s’ouvrir que pour la direction vers B, seul sens autorisé. => (3- 4+)
- il faut ensuite que le verrou 5 soit lancé lorsque l’aiguille 4 est à gauche. Mais attention, pour matérialiser cet enclenchement il faudrait appliquer l’incompatibilité (5+ 4+) ce qui est contraire au principe des postes d’aiguillage qui veut que tous les leviers puissent occuper simultanément la position normale (position +). L’incompatibilité à appliquer en pareil cas sera (5+ 4±)
- On termine en enclenchant le carré avec le verrou (3- 5-)
Noter que l’on obtient un nouvel enclenchement indirect (3- 4±) qui résulte de la création de (5+ 4±) et (3- 5-).
En pratique l’aiguilleur devrait donc d’abord déverrouiller le verrou 5 puis disposer l’aiguille 4 à gauche, lancer le verrou 5 (c’est-à-dire le verrouiller) puis ouvrir la carré 3.
Cas des traversées
Le schéma qui suit représente un mouvement partant du carré 1 vers X. Notons que les aiguilles 3, 4 et 5 sont conjuguées.
Pour commencer, prévoyons un enclenchement pour protéger l’aiguille 2 d’un talonnage. (1- 2+) puis enclenchons le carré 1 avec l’aiguille 3 (1- 3+)
Examinons maintenant le cas de l’aiguille 3. Lorsque cette aiguille est renversée il faut impérativement que l’aiguille 4 soit aussi renversée de même que l’aiguille 5 pour établir la continuité de l’itinéraire. Il faut donc prévoir (3- 4+) et (4- 5+). Il découle de ces deux dernières incompatibilités un enclenchement résultant (3- 5+). Un autre enclenchement indirect (1- 4+) résulte des deuxièmes et troisièmes incompatibilités.
En pratique, pour la manœuvre des aiguilles, le tableau des mouvements indiquera à l’aiguilleur de manœuvrer 5 puis 4 puis 3 puis 2 pour finir avec le levier du carré 1. Partir de l’aiguille la plus éloignée et remonter jusqu’au carré correspond le plus souvent au montage des enclenchements qui déterminent l’ordre de manœuvre.
Cas des leviers directeurs
Terminons cette revue très partielle des possibilités d’enclenchements d’itinéraires par l’utilisation de leviers directeurs.
Dans un poste d’aiguillage important, on trouvait une multitude de leviers dont le total pouvait s’élever à 180. C’est pour réduire leur nombre, que l’on utilisait les leviers directeurs dans certains cas de figure qui s’y prêtaient bien. Dans l’exemple ci-dessus où un faisceau de voies donnait accès à un autre faisceau de voies par l’intermédiaire d’un tronc commun, l’emploi de leviers directeurs permettait de diviser par deux le nombre de leviers commandant les carrés. En effet, sans l’usage de ces dispositifs, chacun des carrés des voies 1 à 4 aurait dû comporter autant de leviers que de voies de destination soit 4 x 4= 16. Les leviers directeurs réduisaient ce nombre à 8 car, une fois la voie sélectionnée après manœuvre des aiguilles correspondantes, il suffisait de renverser le levier directeur de cette voie puis l’unique levier du carré origine. Le total des leviers correspondait au nombre de carrés d’origine (4) plus le nombre de leviers directeurs (4) soit un total de 8 dans cet exemple (gain de 8 leviers)
Pour la mise en œuvre en toute sécurité de l’installation matérialisée par le schéma ci-dessus, il fallait prévoir un programme d’enclenchement qui nécessitait la décomposition de l’itinéraire en deux parcours distincts :
Les principes à appliquer étaient les suivants :
Pour l’application du point a) les incompatibilités à appliquer seraient :
(5- 13+) et (5- 15+)
(6- 13+) et (6- 15-)
(7- 13-) et (7- 14-)
(8- 13-) et (8- 14+)
On voit que des enclenchement indirects (résultants) apparaissent :
(5- 6-) (5- 7-) (5- 8-) (6- 7-) (6- 8-) (7- 8-).
On peut déduire de ces enclenchements indirects que l'on ne peut ouvrir qu'un seul levier directeur à la fois, ce qui est bien le but recherché.
Pour l’application du point b)
(1- 10+) et (1- 12+)
(2- 10-) et (2- 12+)
(3- 11-) et (3- 12-)
(4- 11+) et (4- 12-)
On voit que des enclenchements indirects apparaissent :
(1- 2-) (1- 3-) (1- 4-) (2- 3-) (2- 4-) (3- 4-).
On peut déduire de ces enclenchements indirects que l'on ne peut ouvrir qu'un seul levier de carré à la fois, ce qui est bien le but recherché.
Pour l’application du point c) :
(1- 5+ 6+ 7+ 8+) et (2- 5+ 6+ 7+ 8+) et (3- 5+ 6+ 7+ 8+) et (4- 5+ 6+ 7+ 8+)
Ces dernières incompatibilités, qui paraissent complexes au premier abord, signifient simplement qu’aucun carré ne pourra s’ouvrir tant qu’un levier directeur n’aura pas été renversé. D’autre part les enclenchements indirects du point a) nous ont appris que l’on ne pouvait ouvrir qu’un seul levier directeur à la fois.
Si vous vous demandez comment, en pratique, étaient réalisées ces incompatibilités dans les postes d’aiguillages, je vous invite à voir les deux articles suivants de mon blog qui l’expliquent en détail.
https://cheminot-transport.com/2021/06/la-realisation-des-enclenchements-mecaniques-partie-1.html
https://cheminot-transport.com/2021/06/la-realisation-des-enclenchements-mecaniques-partie-2.html