3 Décembre 2023
Image d'illustration Photo GB site DocRail
Sources : Les appareils de voie, des auxiliaires souvent méconnus ANMT 1998 007 1091 : Cours sur les enclenchements mécaniques 1963 SNCF ANMT 1998 7, Les postes unifiés de la SNCF A. Dheu 1957 ANMT 1998 007 1091, Guide du signalisateur Fascicule 5 juin 1972 (transmis par G.Marquet), Signalisation et installations de sécurité électriques A. DHEU 1961 Ingénieur à la Direction des Installations fixes ANMT 1998 007 1092, Livre La Locomotion moderne 1952 collection personnelle, La Signalisation Ferroviaire Roger Rétiveau 1987, RGCF Janvier 1942 https://gallica.bnf.fr/
Troisième partie sur les appareils de voie.
Un appareil de voie doit être immobilisé dans la positon qu’il occupe lorsqu’il est franchi par la pointe. Différents dispositifs sont utilisés à cet effet, le verrouillage étant obligatoire lorsque l’aiguille peut être abordée en pointe à une vitesse supérieure ou égale à 40km/h.
Outre le calage en fin de course de leur dispositif de manœuvre les appareils de voie peuvent comporter un verrou.
Il peut s’agir d’un verrou indépendant lorsque il peut être manœuvré indépendamment de l’aiguille.
Il peut aussi s’agir d’un verrou dépendant comme le verrou carter coussinet (VCC) qui équipe la plupart des aiguilles sur voies principales.
Sur les schémas de signalisation, les verrous étaient matérialisés comme ci-après.
Verrou indépendant.
Dans le cas ci-dessous le verrou est dit « lancé » lorsqu’il verrouille l’aiguille en position à droite. Il est dit « retiré » lorsque l’on renverse son levier. On voit que le levier est muni d’un Toc (équerre métallique) qui empêche la manœuvre du levier de l’aiguille lorsque le verrou est lancé. Un fois le verrou retiré, l’aiguille peut être manœuvrée à gauche mais on voit qu’avec le toc, elle ne pourra pas être verrouillée dans cette position. Une fois remise en continuité de la voie principale (aiguille à droite), comme rien mécaniquement n’oblige à effectuer la manœuvre de verrouillage de l’aiguille, on trouve le plus souvent dans ce cas de figure soit une serrure S avec la clé du transmetteur prisonnière dans la serrure tant que le levier du verrou n’est pas en position lancé soit la présence d’une clé dite « maitresse » qui reste immobilisé dans la serrure du levier du verrou tant que le verrou n’est pas lancé. La détention de la clé maîtresse par l’agent de desserte donne l’assurance de la continuité de la voie principale (aiguille à droite dans le cas ci-dessus) et du verrouillage de l’aiguille dans cette position.
Il me vient à l’esprit l’anecdote suivante qui m’est arrivée en tant qu’agent de desserte sur un embranchement particulier de pleine voie sur une ligne de voie unique.
A la fin de la desserte, je redresse l’aiguille qui était en voie déviée pour la mettre en continuité avec la voie principale. Lors de cette manœuvre, lorsque j’arrive en fin de course du levier de type I, celui-ci se sectionne et me reste dans les mains. Je constate que l’aiguille colle et qu’elle a obéi. Je lance le verrou qui semble faire son office d’immobilisation de l’aiguille et je récupère la clé maîtresse. Je remonte sur le train de marchandises et nous repartons à la gare suivante où le chef de gare doit me remettre le service de la sécurité. Je lui conte ma mésaventure sans que cela semble l’émouvoir et j’ai droit à une poignée de main appuyée d’un « bon courage » Je tente d’avertir le service mécanique, mais c’est déjà l’horaire de la débauche, personne ne répond. Que dois-je faire sachant que les prochains trains vont franchir l’aiguille en talon mais que, plus tard dans la soirée, lorsque j’aurai cessé le service, un train franchira l’aiguille en pointe en vitesse ? Après réflexion, je décidais de téléphoner au cadre d’astreinte de l’établissement pour lui faire part de l’incident et lui proposer de faire remettre un ordre écrit au mécanicien de s’arrêter avant l’aiguille, de procéder à un examen de celle-ci et de la franchir au pas s’il n’avait rien constaté d’anormal ou alors retourner en taxi à l’embranchement avec un boulon de calage. Informé de la situation, le cadre d’astreinte prit le temps de regarder le schéma puis me demanda la confirmation que l’aiguille avait bien été verrouillée postérieurement à la casse du levier et m’autorisa à cesser le service sans mesures particulières. Je ne sais pas si c’était courageux ou désinvolte de sa part mais ce que je sais c’est que le train suivant qui l’a prise en pointe n’a pas déraillé.
Voici le schéma du verrou, une fois enlevé son carter de protection.
Terminons par une particularité que l’on rencontre dans les gares de voie directe type SNCF, la manœuvre du levier du verrou déclenche la présentation du TIV 40. https://cheminot-transport.com/2021/01/gare-de-voie-directe-type-sncf-description.html
Verrou Carter Coussinet VCC
Placés de chaque côté de la file de rail au niveau de la pointe de l’aiguille, les VCC effectuent la séquence suivante lorsque la commande de translation de l’aiguille est effectuée :
Plutôt que de décrire en détail ces étapes, voici une vidéo qui détaille la séquence avec ses effets sur le mécanisme.
Griffe d’aiguille
Contrairement aux autres dispositifs de verrouillage, la griffe d’aiguille est manœuvrée directement à la main.
On peut en trouver à demeure notamment sur certaines installations de voie unique ou placée de façon temporaire pour immobiliser un appareil de voie.
Les griffes peuvent être enclenchées par serrure S ou cadenassées.
Les contrôles et enclenchements
Une aiguille manœuvrée à pied d’œuvre n’est pas habituellement contrôlée. Il appartient à l’aiguilleur qui la manœuvre de vérifier que l’aiguille a obéi et qu’elle colle dans la nouvelle position.
Le verrou carter coussinet comporte son propre système de contrôle comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessus.
Dans le cas d’une aiguille non verrouillée ou non équipée de VCC on trouve des contrôleurs d’aiguille de type Paulvé.
Cliquer sur l'image ci-dessous pour voir une description du fonctionnement de ce contrôleur (média vossloh)
Des cotes de réglage de ces contrôleurs sont prévus pour établir le contact ou le couper.
Contrôle d’entrebâillement
Le contrôle d’entrebâillement est constitué d’une sonnerie qui tinte lorsque l’aiguille est entrebâillée et pendant sa manœuvre. L’aiguilleur doit prêter l'attention à la sonnerie lorsqu’il manœuvre l'aiguille.
Cette sonnerie peut être commune à plusieurs aiguilles ou groupe d’aiguilles.
Le montage le plus classique est le suivant :
On voit sur le schéma que le relais du contrôle d’entrebâillement (K.Et) est excité tant qu’une lame d’aiguille colle. Une fois désexcité , il déclenche l’alimentation de la sonnerie.
Lorsque deux aiguilles sont manœuvrées par le même levier, cas par exemple d’une communication de deux voies parallèles, le dispositif contrôle le collage et le décollage des lames. En effet, dans le cas d’une aiguille isolée, le non décollage de l’une des lames pendant la manœuvre (rupture de tringle) est décelé par l’absence de sonnerie (voir ci-dessus la vérification mis à la charge de l’aiguilleur). Dans le cas d’une aiguille double, le non décollage d’une lame pourrait passer inaperçu du fait que la sonnerie se déclencherait quand même lors de la translation de l’autre aiguille pour prendre fin lorsque les aiguilles colleraient dans l’autre position.
Ce type de contrôle est appliqué aux aiguilles prises en talon sur voie principale et aux aiguilles en pointe des voies de service lorsqu’elles donnent accès à la voie principale.
Lorsque l’aiguille est manœuvrée par transmission funiculaire, c’était fréquemment le cas dans les gares de voie directe type SNCF, la probabilité d’une rupture de transmission est plus élevée. Un contrôle de concordance vient compléter celui d’entrebâillement en vérifiant l’adéquation entre la position du levier et celle de l’aiguille sur le terrain. Dans le schéma ci-dessous, le relais est bien excité lorsque les deux conditions sont réunies, que ce soit en position levier droit ou levier renversé si la concordance est bien réalisé concurremment avec le collage et décollage des lames.
Contrôle de présomption de talonnage
En gare de voie directe type SNCF, il existe (ou existait) un dispositif détecteur de talonnage (ou plutôt de présomption de talonnage) sur chacune de deux aiguilles commandant l'accès à la voie directe ou d'évitement. A cet effet, une pédale est installée sur la voie d'évitement en talon de l'aiguille. Lorsqu'une circulation attaque cette pédale alors que l'aiguille est verrouillée (donc donnant la direction de la voie principale puisque pour rappel, seule cette position est verrouillable) le dispositif de contrôle déclenche une sonnerie et un voyant de discordance apparait. Pour annuler le déclenchement de ce dispositif, en cas d’absence de toute probabilité de talonnage, il existe un dispositif à utilisation contrôlée qui permet la neutralisation et le réarmement de ce contrôle. L’agent d’entretien est systématiquement avisé.
On pouvait aussi rencontrer un mécanisme qui présentait des pétards sur la voie d’évitement lorsque l’aiguille de la voie directe était verrouillée.
Contrôle Indicatif de position et Contrôle impératif.
Sur les schémas de signalisation, les aiguilles munies de ces contrôles étaient représentées selon cette légende.
Le contrôle de position n’a qu’une valeur indicative pour l’aiguilleur. Il lui indique, à l’aide d’un voyant mécanique ou lumineux, si l’aiguille colle dans la position à droite, à gauche ou bien si elle est entrebâillée.
Il est rapidement apparu que, dans la plupart des cas, ce contrôle devait prendre une forme plus contraignante en bloquant le levier du signal de protection de l’aiguille lorsque les conditions n’étaient pas réunies pour son franchissement.
Ce contrôle, qui porte le nom de contrôle impératif fugitif, vérifie :
Pour renseigner l’aiguilleur, des voyants de contrôle mécaniques (de plus en plus rares) ou lumineux sont installés dans le poste.
Les voyants mécaniques peuvent être à deux ou trois indications. Lorsqu’ils sont à deux indications, ils signalent que l’aiguille a bien obéi (collage et décollage) et qu’il y a concordance entre la position du levier et la situation de l’aiguille sur le terrain. Il n’y a pas de précision de direction (gauche ou droite), il faut regarder le levier pour avoir cette information. Le contrôle présente alors un voyant blanc lorsque les conditions sont réunies et un voyant rouge dans le cas contraire. Dans le cas de voyants lumineux, le contrôle est allumé si les conditions sont remplies et éteint dans le cas contraire.
Lorsqu’ils sont à trois indications, la direction est donnée.
Notons que ce contrôle impératif n’agit qu’avant ouverture du signal de protection de l’aiguille par l’effet d’un verrou qui se trouve libéré lorsque les conditions de franchissement de l’aiguille sont réunies. Tout dysfonctionnement de l’aiguille (talonnage) postérieur à la manœuvre d’ouverture du levier du signal ne pourra pas être pris en compte par ce contrôle d’où son qualificatif de « fugitif ».
Le livre « Signalisation et installations de sécurité électriques » de 1961 dont s’est inspiré en partie le livre plus connu de R. Rétiveau précise qu’il existait, dans des cas exceptionnels, un « contrôle impératif de manœuvre ». Celui-ci visait à interdire matériellement de placer le levier de l’aiguille dans sa position extrême si l’aiguille n’avait pas obéi correctement à la manœuvre. La raison d’être de cet enclenchement (qui existe peut-être encore dans des cas exceptionnels) était d’empêcher la libération d’enclenchements mécaniques lorsque le levier avait atteint sa position extrême. Je n’ai jamais vu ce type d’enclenchement et n’en ai jamais entendu parler.
Contrôle impératif permanent
Ce contrôle agit directement sur la commande électrique du signal (que ce soit un signal lumineux ou un carré de signalisation mécanique commandé électriquement). Soit il en empêche l’ouverture si les conditions vis-à-vis de l’aiguille (ou aiguilles) ne sont pas réunies, soit il en provoque la fermeture si postérieurement à l’ouverture, une condition ne se trouve plus réalisée. Il apporte donc une sécurité supplémentaire par rapport au contrôle impératif fugitif. C’est pour cela qu’on lui attribue le qualificatif de « permanent ».
Voici un exemple de montage (contrôle impératif permanent et fugitif à deux et 3 positions)
Enclenchement d’une aiguille par zone isolée.
Cet enclenchement a pour but d’interdire la manœuvre du levier de l’aiguille lorsque le circuit de voie correspondant à la zone d’aiguille est désexcité.
On voit sur le schéma ci-dessus que l’occupation de la zone 3 désexcite le relais V3 ce qui se traduit par la non alimentation du verrou électromécanique du levier LAG1. Le petit symbole avant ce verrou correspond à la pédale d’économie que l’on appuie du pied lorsque l’on veut manœuvrer le levier.
La longueur de cette zone doit être suffisante pour ne pas se trouver anormalement libérée si l’entraxe entre essieux des wagons de grande dimension excédait cette longueur. En général elle devait commencer au moins 20 mètres avant la pointe. Par la suite cette zone a été prolongée jusqu’au signal de protection comme on le voit sur le schéma ci-dessus.
Toutefois, si cet allongement de longueur ne pose pas de problème pour les trains de passage, il peut présenter un inconvénient pour les manœuvres qui doivent dégager entièrement cette zone. Dans ce cas la solution réside à découper la zone isolée en deux (voir le schéma ci-dessous). Pour les trains de passage, les deux zones seront prises en compte pour l’enclenchement de l’aiguille 1 par zones isolées. Dans le cas d’une manœuvre qui la prendrait en talon pour ensuite refouler par la pointe, seule la condition de libération de la zone 5 est nécessaire. Le relais EAg1 peut-être excité par un autre parcours lorsque le relais V3 est désexcité.
Enclenchement de Transit
Je n’y reviendrai pas, je l’ai décrit en détails ici https://cheminot-transport.com/2021/02/l-enclenchement-de-transit-son-historique-et-son-evolution.html
Autres appareils de voie (assimilés)
Le taquet d’arrêt est la forme la plus simple des taquets. Il est placé sur voie de service et protège les voies principales d’une dérive éventuelle de wagons garés ou en cours de déchargement.
Une dérive peut se produire lorsque la voie n’est pas en palier ou lorsqu’il y a du vent et si le wagon n’a pas été correctement immobilisé. J’ai vécu pareille aventure dans une gare où le destinataire avait déplacé le wagon après la purge de son système de frein et ne l’avait pas immobilisé. J’ai vu passer un wagon devant la porte d’entrée de la gare et je me suis précipité pour récupérer une cale antidérive et la placer sous l’essieu du wagon afin de l’arrêter avant qu’il n’atteigne le taquet.
Ce type de taquet peut être manœuvré manuellement ou par transmission rigide comme c’est le cas ci-dessous. Il peut être cadenassé ou enclenché par serrure S.
Le taquet dérailleur est utilisé à la place du taquet d’arrêt lorsque ce dernier risque de ne pas être suffisant pour arrêter une rame ou un wagon en vitesse (déclivités). Si la vitesse est modérée il peut arrêter le wagon, dans le cas contraire il provoque le déraillement du véhicule. Des plaques métalliques sont apposées en aval pour éviter de détériorer les traverses. Il peut être manœuvré à la main (il dispose alors d’une poignée), par transmission rigide ou par commande électrique d’un moteur.
Il peut être enclenché par serrure S et comporter un enclenchement d’ordre comme indiqué dans le schéma ci-dessous qui montre que le taquet doit être renversé avant la manœuvre de l’aiguille.
Aiguille de déraillement ou d’ensablement
Cette installation provoque le déraillement d’un wagon ou d’une rame lorsqu’il y a un risque d’engagement de la voie principale en cas de dérive par exemple. Elle peut être manœuvrée par moteur ou par transmission rigide.