18 Juin 2021
Image d’illustration : Les postes unifiés de la SNCF M. Dheu 1957 AMT 1998 7 1091
Sources : Cours sur les enclenchements mécaniques 1963 SNCF ANMT 1998 7 1093, Les postes unifiés de la SNCF M. Dheu 1957 AMT 1998 7 1091 et mes souvenirs personnels.
Contrairement à la plupart des autres articles qui sont "tous publics", celui-ci est plus spécialisé. Il n'est donc pas susceptible d'intéresser le lectorat habituel. Il est plus destiné aux cheminots qui veulent en savoir un plus sur les enclenchements. Mais il peut aussi intéresser tous les curieux! A vous de voir.
Réalisation des enclenchements mécaniques partie 2
Après avoir défini les différents types d’enclenchement mécanique ( https://cheminot-transport.com/2021/05/introduction-aux-enclenchements-mecaniques.html ) puis montré comment on peut les réaliser au moyen de serrures, qu’elles soient à agrafes, à pêne saillant ou par serrures centrales (https://cheminot-transport.com/2021/06/la-realisation-des-enclenchements-mecaniques-partie-1.html ), voyons aujourd’hui comment ils sont matérialisés dans les postes mécaniques au moyen des tables d’enclenchement. Une fois que nous aurons fait le tour de ce sujet, il ne restera plus qu’à passer aux cas pratiques, c'est-à-dire à rechercher, par l’exemple, les enclenchements à mettre en œuvre pour protéger un itinéraire. Ce sera l’objet du chapitre suivant.
Enclenchement par tables
Selon les postes, on peut trouver trois formes différentes :
- table à verrous et glissières (nous en avons-vu quelques exemples dans le chapitre sur l’introduction aux enclenchements mécaniques)
- table à taquets et barres
- table avec taquets et grils.
A) table à verrous et glissières
Ce système fait appel à des verrous et glissières placés sur un même plan en position perpendiculaire.
Exemple : La glissière (g) et le verrou (v) sont reliés mécaniquement aux leviers A et B par des mécanismes (bielles, équerres etc.). Dans le cas de la figure 121, le verrou (V) est immobilisé par la glissière (g). Selon le sens du mouvement qui permet d’enclencher les leviers, le verrou peut prendre la forme d’une pièce droite ou courbe. Dans la deuxième figure, on voit que le levier A a été manœuvré et que la glissière présente, dans cette position, un trou en regard du verrou ce qui permet la manœuvre du levier B qui ne se trouve plus bloqué par la glissière. C’est maintenant le levier A qui est immobilisé par le verrou (V).
Une fois cet exemple simple énoncé, on peut définir quelques règles d’applications selon les configurations retenues.
A1 enclenchement binaire simple.
La situation de départ à considérer est celle où les leviers occupent la position normale. Plusieurs cas de figure peuvent se produire :
- [cas 1] si le levier 1 normal est relié à un verrou qui pénètre et immobilise la glissière reliée au levier 2, nous aurons la relation (1+ 2-).
- [cas 2 et 3] si au contraire ce verrou est hors de la glissière, deux possibilités se présentent selon la position du trou de la glissière. Dans le schéma de gauche, nous aurons la relation (1- 2+) puisque nous ne pourrons pas renverser le levier 1 tant que le levier 2 occupera la position normale, la glissière bloquant le verrou. Dans le schéma de droite, nous aurons la relation (1- 2-) puisqu’une fois le levier 1 renversé, le verrou de celui-ci bloquera la glissière du levier 2 qui se trouvera ainsi immobilisée en position normale.
Il en découle la règle suivante : si le trou de la glissière n’est pas dans le prolongement du mouvement du verrou, le signe + sera affecté au levier relié à la glissière alors que le signe - sera affecté au levier relié au verrou [cas 2]. Dans la situation inverse, le signe – sera affecté au levier relié à la glissière et le signe + ou – au levier du verrou selon que ce dernier pénètre [cas1] ou pas [cas 3] le trou de la glissière lorsque les leviers sont en position normale.
A2) enclenchement binaire double
Pour rappel, il s’agit de l’enclenchement « pendant course » qui agit sur les deux positions d’un levier.
Dans le schéma ci-dessous, le verrou du levier 1 en position normale ne pénètre pas dans le trou de la glissière du levier 2 en position normale, nous avons donc la relation (1- 2±). Un cas d’application serait : le levier 1 commande un carré qui ne peut être ouvert que si l’aiguille manœuvrée par le levier 2 occupe la position normale ou renversée mais pas pendant la translation de celle-ci.
On pourrait aussi avoir le cas où le levier 1 en position normale aurait son verrou qui pénètrerait un trou de la glissière du levier 2. La relation serait alors (1+ 2±). Voyez-vous un cas d’application de cette situation ?
En voici un : le levier 1 est celui d’un verrou d’aiguille qui peut verrouiller dans les deux positions l’aiguille manœuvrée par le levier 2. Pour les verrous, la position normale correspond à la position « verrou lancé » et la position renversée correspond à la position « verrou retiré ».
La règle qui se déduit de ces deux exemples est la suivante : lorsque la glissière comporte deux trous, le levier relié à cette glissière sera affecté du signe ± alors que le levier relié au verrou pourra avoir le signe + ou – selon que ce dernier pénètre ou pas un des trous de la glissière.
A3) Enclenchement conditionnel.
Les règles qui précèdent s’appliquent, dans la plupart des cas, aux enclenchements conditionnels qui nécessitent, pour les réaliser en pratique, en plus de la glissière et du verrou, un balancier. (Voir le chapitre introduction aux enclenchements mécaniques https://cheminot-transport.com/2021/05/introduction-aux-enclenchements-mecaniques.html )
Selon les règles ci-dessus, le trou de la glissière du levier 3 en position normale étant dans le prolongement du verrou, le levier 3 sera affecté du signe – dans la relation d’enclenchement. Les leviers 1 et 2 qui déplacent dans le même sens les extrémités du balancier dont le verrou est solidaire se verront attribuer le signe + puisque le verrou pénètre la glissière (règle du [cas1]). La relation s’écrira ( 1+ 2+ 3-) et se lira par exemple : le levier 1 en position normale est incompatible avec le levier 3 en position renversée si le levier 2 est normal. Rappelons que ces incompatibilités peuvent être lues de plusieurs façons. Celle qui est reprise ci-dessus est celle que je trouve la plus simple et que j’ai toujours utilisée.
Dans le cas où les leviers 1 et 2 ne déplacent pas dans le même sens les extrémités du balancier porteur du verrou (cas ci-dessous), le levier 3, porteur de la glissière dont le trou est dans le prolongement du verrou, sera affecté du signe – (application de la règle) ; par contre pour les leviers 1 et 2, il faudra rechercher l’incompatibilité entre ces leviers lorsque le levier 3 sera renversé (trou de la glissière décalé). Il s’avère que dans ce cas de figure on aura (1- 2+). On en déduira l’enclenchement conditionnel (1- 2+ 3-) qui se lira 1 renversé est incompatible avec 3 renversé si 2 est normal.
B) Tables à taquets et barres.
J’ai déjà commencé à décrire ce système dans la partie relative aux serrures centrales de voie unique en parlant des enclenchements « Stevens »
B1) Binaire simple
Le dispositif est constitué d’un taquet biseauté mobile et de barres avec encoches reliées aux leviers. Si l’on renverse le levier A, on voit que l’encoche de la barre (a) va jouer sur le biseau du taquet qui va être décalé à droite et donc s’insérer dans l’encoche de la barre (b). Dans la vue du bas on voit la nouvelle configuration après translation du levier A dans la position renversée. Le levier B est immobilisé dans sa position normale par le taquet qui ne peut plus bouger puisqu’il est bloqué par la barre (a). On a ainsi réalisé l’incompatibilité (A- B-).
Si on avait inversé la manœuvre, c’est le levier A qui se serait retrouvé immobilisé en position normale par le renversement du levier B, le taquet T bloquerait la barre du levier A par le biais de l’encoche dans laquelle son biseau serait emboîté.
B2) Binaire double
Le principe est le même que pour les verrous et glissières sauf qu’ici il faut deux encoches dans la barre relié au levier qui est enclenché en « pendant course »
La barre du levier B a deux encoches, celle du levier A une seule. C’est donc le levier B qui est enclenché « en mouvement » et se voit attribuer le signe ±.
Imaginons que le levier A soit celui d’un carré qui peut s’ouvrir dans deux directions et que le levier B soit celui d’une aiguille qui peut donner ces deux directions selon la position normale ou renversé de son levier. Pour que le carré puisse s’ouvrir en renversant le levier A, il faut que le taquet puisse s’emboîter dans l’une ou l’autre des encoches. Une fois cela fait, le levier de l’aiguille B ne pourra plus bouger. Cette relation s’écrira (A- B±)
B3) Relations binaires multiples
Lorsque plusieurs relations binaires font apparaitre un même levier avec le même signe comme par exemple, (A- B-) (A- C+) (A- D±), les dispositions suivantes s’appliquent :
- le levier A n’est relié qu’à une seule barre et les 3 autres barres sont placées dans la même boîte d’enclenchement.
- les taquets T1, T2 et T3 sont manœuvrés simultanément de par le fait qu’ils sont rivés sur une plaque support. Ils ne doivent être taillés en biseau que du côté où ils enclenchent.
Vérifions si les relations d’enclenchement sont réalisées.
Après avoir d’abord renversé le levier C car (A- C+), on peut renverser le levier A ce qui a pour effet de déplacer simultanément et de bloquer dans cette nouvelle position:
- le taquet T1 dans l’encoche de la barre b => (A- B-),
- le taquet T2 dans l’encoche de la barre c qui se trouve à présent en face de T2 du fait du renversement du levier C
- le taquet T3 dans l’une des encoches de la barre C à condition que le levier ne soit pas en mouvement. (A- D±)
B4) relations conditionnelles.
Le point de départ est le même que pour les relations binaires. Les leviers sont reliés à une barre portant une encoche. Les barres coulissantes sont placées parallèlement dans une boîte d’enclenchement. Des taquets pouvant se déplacer perpendiculairement sont placés entre les barres.
Examinons l’enclenchement conditionnel suivant : (A- B+ C-)
Pour le matérialiser, il faut disposer les encoches dans la position inverse de l’incompatibilité voulue (on peut faire le parallèle avec les serrures à agrafes où les leviers devaient être enclenchés dans la position inverse de l’incompatibilité : voir la partie 1 de la réalisation des enclenchements mécaniques).
Nous avons donc une encoche en regard des taquets sur la barre a en position normale (inverse de A-), sur la barre b en position renversée (inverse de B+) et sur la barre c en position normale (inverse de C-). Par rapport au montage des enclenchements précédents, celui-ci met en œuvre un autre dispositif à savoir la possibilité d’un jeu latéral pour la barre b.
Ce jeu est observable sur le dessin suivant. On voit que lorsque l’on a renversé le levier A, la barre (a) a poussé le taquet T1 sur la droite ce qui a déplacé latéralement la barre (b) qui, elle-même, a poussé le taquet T2 qui s’est emboîté dans l’encoche de la barre (c). L’incompatibilité (A- B+ C-) est respectée, le levier C ne peut être mis en position normale, seuls les deux premiers termes de l’incompatibilité sont réalisés.
Si on avait fait une manœuvre dans un ordre différent comme, par exemple, renverser en premier le levier C. Les taquets n’auraient pas bougé mais T1 immobiliserait la barre (a) du levier A en position + car la barre b ne pourrait pas avoir de jeu du fait que le taquet 2 l’en empêcherait. Seuls les deux derniers termes de l’incompatibilité seraient réalisés B+ C-. L’incompatibilité (A- B+ C-) serait donc respectée.
On pourrait faire la même observation si on avait renversé en premier les barres a et b.
Les tables à taquets et barres permettent de réaliser des enclenchements encore plus complexes que ceux que nous venons de voir mais nous en resterons là, aller au-delà ne relèverait plus d’une démarche de vulgarisation mais de spécialisation dans ce domaine.
On trouve ces enclenchements « Stevens » dans les postes Vignier, dans des postes électromécaniques pour les enclenchements binaires et conditionnels et dans les postes mécaniques type 1945 pour les enclenchements conditionnels.
C Table d’enclenchement avec taquets et grils (ou tables Saxby)
Ces tables comprennent plusieurs éléments comme représentés ci-dessous :
- des glissières au nombre de 5,10 15 ou 20
- des barres encochées
- des grils qui sont associés à chacun des leviers du poste. Les grils comportent des ouvertures en nombre équivalent aux rainures des glissières (5, 10,15 ou 20). Ils oscillent autour d’un arbre dans un déplacement angulaire de 51°
- des taquets (voir explication plus avant)
Ces tables comportent des grils oscillant sur leurs supports et des glissières dans lesquelles coulissent des barres (B1 et B2 ci-dessous) sur lesquelles sont fixés des taquets ayant une fonction d’enclenchement ( n°3 par exemple) ou une fonction d’entrainement (taquet 1B fixé au gril G3 qui permet d’entrainer la Barre B1 via le taquet 1A).
Le principe de fonctionnement peut être décrit de la façon suivante. Les barres sont mises en mouvement par certains grils qui sont reliés à elles par des taquets. En se déplaçant, les barres positionnent les taquets dont elles sont munies au-dessus ou au-dessous des grils. Selon la position du taquet qui peut-être soit sur la partie pleine du gril, soit sur la partie ajourée, celui-ci bloque ou pas le mouvement du gril et donc du levier auquel il est associé. Inversement, lorsque le gril a bougé, celui-ci enclenche à son tour le taquet de la barre et l’empêche soit d’aller de l’avant soit de revenir en arrière. Comme la barre est reliée à un levier par un taquet, le levier en question est donc enclenché.
Prenons un exemple sur la vue ci-dessous
Imaginons que le taquet 2 situé sur la barre au-dessus du gril G1 soit commandé par un gril d’un levier de carré relié à cette barre par un autre taquet et que le gril G1 soit relié à l’avertissement. Le renversement du levier du carré fera osciller son gril associé qui mettra en mouvement vers la gauche la barre supérieure par le biais du taquet auquel celle-ci est reliée. Le taquet n°2 qui enclenchait jusque là le gril 1 avancera et libèrera le gril 1 d’où une manœuvre possible du levier de l’avertissement. On a réalisé l’incompatibilité (avertissement - carré +). La réciproque est vrai également puisqu’une fois le gril 1 manœuvré (avertissement ouvert) le taquet 2 sera immobilisé en position à gauche qui correspond au levier du carré renversé.
Pour terminer prenons un dernier exemple avec le taquet 4. On voit que son extrémité est plus fine que celle du taquet 2. Cela permet le mouvement du gril 3 lorsque le taquet 4 est positionné de cette façon. Lorsqu’il est mis en mouvement par la barre, il ne bloque le gril 3 que pendant son passage sur la partie pleine de celui-ci puis le libère à nouveau lorsqu’il se trouve au dessus de la partie ajourée. C’est le principe d’un enclenchement « pendant course » dans lequel le taquet 4 serait manœuvré par la barre reliée au levier de commande de l’aiguille et le gril 3 serait relié au levier du carré qui pourrait s’ouvrir soit lorsque l’aiguille occuperait la position gauche soit la droite mais pas entre les deux (carré – aiguille ±)
Tous ces enclenchements sont repris sur un diagramme représentant les barres par des lignes horizontales et les leviers par des lignes verticales. Des symboles matérialisent les relations de dépendances.
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