10 Octobre 2021
Image d’illustration Agence Rol Public domain site Gallica.bnf.fr/BnF
Sources : Journal de Toulouse 4 août 1849 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le Mémoriel Bordelais 17 juillet 1850 site https://www.retronews.fr/, Le temps 27 novembre 1871, La Presse 8 août 1873, L’Evénement 1 août 1880 site https://www.retronews.fr/ , Revue des arts décoratifs juillet 1892 site Gallica.bnf.fr/BnF, La Patrie 24 Septembre 1896 site https://www.retronews.fr/ ,Le Génie civil 9 juillet 1892 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le Génie civil 30 janvier 1892 site Gallica.bnf.fr/BnF, Le Génie civil 3 octobre 1896 et 30 octobre 1896 site Gallica.bnf.fr/BnF Le Voltaire 24 septembre 1896 , Courrier de Saône et Loire 18 octobre 1896, Le Matin 24 octobre 1896 site https://www.retronews.fr/, Bulletin PLM janvier 1933 site Gallica.bnf.fr/BnF
Du Train Impérial au train Présidentiel (deuxième partie)
Le 4 août 1849, la presse parlait pour la première fois du train présidentiel. Ce jour-là, Louis Napoléon Bonaparte, qui n’était pas encore Empereur mais qui était déjà Président de la République depuis quelques mois, se rendait à Tours. Était-ce un train spécifique comme le train impérial ou un simple aménagement de quelques wagons pour la circonstance ? La réponse est donnée dans le journal « Le mémorial Bordelais » du 17 juillet 1850. Le train était composé d’un wagon d’honneur des grandes cérémonies, de deux wagons salon et de deux wagons de 2ième classe pour les gens de service.
Faisons maintenant un saut de plus de vingt ans pour enjamber le second empire et ses trains impériaux décrits dans l’article précédent.
On entend de nouveau parler du train présidentiel en 1871 lorsqu’Adolphe Thiers, président ayant succédé à Napoléon III, se rendait à Rouen en train. Ne voulant pas d’un train spécial, il avait utilisé l’Express ordinaire en y faisant rajouter un wagon-salon. Cela me fait penser au « président normal » que nous avons eu un peu plus tard.
Le 8 août 1873, le nouveau président, le Maréchal Mac Mahon, se rendait à Calais sans tambour ni trompette en compartiment de 1ère classe sans que le personnel du train en soit informé. Est-ce sa rigueur toute militaire ou ses origines Irlandaises qui le conduisaient à voyager incognito? On peut penser qu'il n'était pas encore entré complètement dans la fonction puisque, par la suite, il n'avait pas hésité à utiliser un train spécial composé du traditionnel wagon-salon, de deux wagons de premières dont un mis à la disposition de la presse et d’un fourgon pour les chevaux du président et de son état-major.
Sous Jules Grévy en 1880, les compagnies reprenaient quelques habitudes des années impériales en mettant à disposition des trains mieux adaptés aux besoins des longs voyages sans pour autant qu’ils soient dédiés à la fonction présidentielle. Ainsi, la compagnie de l’Ouest formait un train présidentiel composé d’un fourgon, de deux voitures salons, de 5 voitures de première classe dont deux pour la presse, d’une voiture mixte et de la voiture du « directeur » qui comprenait un salon, une chambre à coucher, un cabinet de toilette et une cuisine.
Mais c’est sous la présidence suivante, celle de Sadi Carnot, que l’on allait retrouver tout le luxe d’antan. En effet, les chemins de fer de l’Est construisaient en 1892 des voitures dédiées aux voyages officiels.
La vue ci-dessous montre le train présidentiel, tracté par une 220, lors de son premier voyage officiel à Nancy au mois de Juin 1892. A l’aller ce fut la 220 n°803 avec son tender 1803, au retour (image ci-dessous) ce fut la 220 n°801 avec son tender 1801. La presse rapportait que ces locomotives avaient atteint, sur une partie du parcours, une vitesse de 110 km/h pour résorber des retards. Notez la décoration très « discrète » de la locomotive qui a dû quelque peu s’envoler lorsque le train a roulé à plus de 100km/h.
La composition du train à l’aller et au retour est détaillée dans le schéma ci-après. Pour plus de clarté j’ai scindé le plan en deux dans le sens longitudinal. Chaque partie déborde sur la moitié qui suit, il y a donc des redondances.
Onze véhicules composaient la rame : 1 fourgon en tête et en queue, 4 voitures de 1ière classe, une voiture office, une voiture restaurant et 3 salons. La masse remorquée s’élevait à 160 tonnes.
Les locomotive étaient de la série 801 à 812, elles avaient été construites en 1891 dans les ateliers d’Epernay. La particularité de ces engins résidait dans la chaudière à deux corps du système Flaman. Je décrirai cette puissante machine, novatrice pour l’époque, dans un prochain article. En attendant en voici une vue sans les drapeaux qui masquaient son architecture.
En fait, seules deux des trois voitures salons étaient vraiment nouvelles et conçues en quelques mois pour être incorporées dans le train présidentiel. Je vais donc me borner à décrire ces deux seuls véhicules.
Les voitures salons numérotées 7 et 8 disposaient d’un couloir latéral intérieur partiel avec portes dans les parois d’extrémités. Une intercirculation permettait de passer de l’une à l’autre au moyen de passerelles et soufflets en cuir. Munies de deux essieux d’un empattement de 6 mètres, les voitures mesuraient 11,20 mètres, tampons compris, et pesaient 15,2tonnes pour la n°7 et 14 tonnes pour la n° 8. Le système de freinage à air comprimé était du type Westinghouse.
La voiture n°7
Elle constituait les appartements privés du président par opposition à la 8 qui servait aux réceptions officielles.
Cette voiture était composée d’un cabinet de travail, d’une chambre à coucher d’un cabinet de toilette avec water-closet et d’une antichambre pour le valet de service.
La chambre, dont on voit une vue ci-après, avait les parois, le fauteuil et le lit garnis de drap capitonné de couleur bleu clair et le plafond en damas de soie de couleur claire. Le lit mesurait 1 mètre de large sur 1,90 de long.
Voiture salon n°8
Un grand salon de 5,20 mètres de long sur 2,63 de large constituait la pièce principale de la voiture. Trois canapés, une table pliante et quatre chaises composaient le mobilier. Les parois étaient recouvertes de drap capitonné de couleur noisette et le plafond était tendu de soie de couleur crème. La vue ci-dessous montre l’agencement de la pièce.
Un petit salon, un water-closet et une terrasse complétaient l’équipement de cette voiture. Des dispositifs électriques permettaient d’alerter les agents de trains ou de faire appel au personnel de service.
Passons maintenant à l’année 1896. Le tsar et la tsarine devaient venir en France pour une visite officielle. Le train impérial de Russie avait été envoyé par avance afin que ses lourdes et larges voitures soient testées sur les lignes françaises à armement plus léger. Rappelons que les voies russes sont d’un écartement plus large mais que les essieux du train impérial étaient dotés d’un dispositif permettant un écartement variable. Même si des essais effectués sur Cherbourg s’étaient avérés concluants, le gouvernement français avait préféré mettre à disposition du Tsar et du président de la république un train plus léger, apte à circuler plus facilement sur les différentes lignes des réseaux où il était appelé à accompagner les déplacements officiels. Mais depuis l’époque impériale, aucun train de luxe digne de ce nom ne circulait en France. En fonction du parcours, le réseau concerné mettait à disposition du chef de l’Etat des voitures disparates en provenance des autres réseaux qui pouvaient en fournir. Aussi la décision fut prise d’en construire un qui servirait pour cette occasion mais aussi pour les futurs voyages présidentiels et pour la réception des chefs d’Etat à l’occasion de l’exposition universelle de 1900 à Paris. Cette résolution ayant été prise bien trop tardivement, le gouvernement demanda à la compagnie des wagons-lits d’étudier la possibilité d’aménager, parmi les voitures lui appartenant, un certain nombre d’entre elles à cet effet. La compagnie répondit favorablement et fournit dans un délai d’un mois le matériel suivant dont voici tout d’abord le diagramme de composition. Le train des 7 voitures à bogies et des deux fourgons est découpé en deux afin de rendre plus visible l’agencement des voitures.
Les deux locomotives représentées en tête du train étaient les 220 de la série 500 des chemins de fer de l’Ouest. Pour ce premier voyage qui devait desservir Cherbourg, il était prévu qu’au retour, à partir de Versailles, en raison de la largeur et de la masse des voitures impériales pour circuler sans risque sur la Ceinture, le Tsar prendrait place dans ce train présidentiel inauguré par le président Félix Faure. Au départ de Cherbourg, le tsar avait voyagé dans son propre train.
Avant de décrire les voitures du train, jetons un coup d’œil sur la composition en termes de longueur et de poids. On voit que le train avait une longueur de 153 mètres pour un peu plus de 251 tonnes.
Remontons à présent le train de la tête vers la queue. La partie de tête était celle dédiée au Tsar, celle de queue à la présidence, la transition entre les deux parties étant réalisée par une voiture salon.
Après le fourgon, on trouvait une voiture restaurant réaménagée comportant une salle avec une grande table pour 8 à 10 couverts et une autre salle contenant des tables plus petites de 4 et 2 places. La partie extrême était réservée à l’office et à la cuisine. La voiture mesurait 19,6 mètres de long.
Suivaient deux voitures lits pour les personnages civils et militaires de la suite impériale. En cours de journée, la voiture pouvait être transformée en salon.
Venait ensuite la voiture impériale du Tsar et de la Tsarine.
L’entrée dans cette voiture se faisait, côté voiture salon, par une terrasse fumoir avec deux canapés. De cet endroit on passait dans un petit salon contenant un canapé, des fauteuils et une bibliothèque. Par l’intermédiaire d’un couloir latéral on accédait aux appartements privés composés:
- de la chambre de l’Empereur meublée en bois d’acajou avec des tentures en damas.
- d’un cabinet de toilette
- d’une petite pièce pour le valet de chambre
- de la chambre à coucher de l’Impératrice meublée en bois peint de couleur beige très clair avec un plafond tendu d’étoffe bleue.
- un boudoir et un cabinet de toilette.
Le point de convergence des deux parties se trouvait, comme indiqué précédemment au niveau de la voiture salon composée de deux salons d’attente aux extrémités de la voiture et d’un grand salon occupant la position centrale. Une porte à double battant avec des marchepieds rabattables permettait une descente et une montée plus aisées.
Par le petit salon d’attente, on accédait à la voiture présidentielle composée d’un grand salon dans lequel on trouvait un bureau, une bibliothèque, un canapé et des fauteuils. Un couloir latéral desservait la chambre à coucher, un cabinet de toilette, une salle de bains avec baignoire, deux compartiments pour les officiers d’accompagnement et un autre cabinet de toilette.
La composition se terminait par une voiture lit de 18 places et par un fourgon.
Les voitures du Tsar, du président ainsi que celle du salon de réception étaient éclairées à l’électricité alors que l’éclairage des voitures lits et du wagon-restaurant se faisait au moyen de lampes à gaz.
Le chauffage était réalisé par circulation d’eau chaude.
Les voitures étaient peintes en bleu de France avec l’écusson du président de la république. Les parois extérieures étaient en teck verni mat et encadré d’une bande dorée. La toiture et le lanterneau étaient peints en blanc bleuté.
Disons pour terminer un mot sur l’aspect financier qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse et qui a entrainé de nombreux débats au parlement. Au départ, il était envisagé qu’il serait loué le temps de la visite en utilisant les fonds votés pour les fêtes franco-russe. La présidence souhaitant, par la suite, se porter acquéreur du train. C’était sans compter sans la fronde de certains députés qui menèrent une bataille contre cette dépense qu’ils jugeaient injustifiée, le train coûtant 800 000 francs. Finalement, les conseils d’administration de 4 compagnies (PLM, Midi, PO et Etat) votèrent l’acquisition de ce train par l’achat de participations. Le PLM achetant pour sa part la voiture présidentielle et deux autres voitures afin de les mettre à disposition, en dehors des voyages du président, des familles royales et princières se rendant l’hiver sur la côte d’azur. Les compagnies de l’Est et de l’Ouest, qui avaient déjà des voitures salons, n’avaient pas participé à l’achat mais étaient prêtes à fournir leurs équipements en complément de la rame de la compagnie des Wagons-lits en cas de besoin.
Trains présidentiels au 20ième siècle.
Les trains qui ont été mis en marche par la suite n’avaient que très rarement une composition aussi étoffée que celle que nous venons de voir. La plupart du temps le train comprenait 3 voitures :
- la PR1 réservée au président
- la PR2 qui était une voiture salon
- la PR3 réservée aux personnalités accompagnantes.
Même avec cette composition réduite, le train était peu utilisé. Lorsqu’en 1921 il fut question de rénover le parc, seule la PR1 datant de 1913 fut reconstruite. En 1932 elle entra aux ateliers de Villeneuve Saint Georges en vue d’une révision générale qui consistait à substituer une caisse métallique à la caisse en bois d’origine mais sans toucher aux aménagements intérieurs. Le PLM était, à cette date, toujours en charge de l’entretien de cette voiture.
Dotée de 2 bogies à 3 essieux, la PR1 transformée pesait 58 tonnes. Les dimensions étaient semblables aux voitures lits-salons et couchettes de 1ière classe du type A3c2L3yfi.
L’écusson du président de la république était apposé au milieu de la paroi, les panneaux étaient peints en bleu foncé avec des filets d’or.
L’aménagement intérieur comprenait :
- une grand salon (voir photo ci-dessous)
- un cabinet de travail
- la chambre et le cabinet de toilette du président,
- deux chambres d’officiers avec toilette
- un local pour le service.
L’ébénisterie, en érable gris, était rehaussée de marqueteries en nacre, ivoire et ébène.
Les appliques, les plafonniers et la série de flacons du lavabo étaient en verres moulés Lalique. Le cabinet de toilette avait un sol en marbre.
Voici quelques photos du train présidentiel de 1914 à 1927
Jusqu’aux années 50, ces trois voitures, auxquelles on rajoutait quelques voitures salons en fonction de la nature de la visite, ont servi aux déplacements présidentiels.
Deux autres voitures présidentielles ont remplacé, dans la deuxième moitié du 20ième siècle, la PR1. Elles ont pris pour appellations Pr2 Pr3.
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