12 Mai 2021
Image d'illustration Le génie Civil 7 août 1937 site https://www.retronews.fr/
Sources : revue Ferrovissime n°44 décembre 2011, Bulletin PLM 11/1936, 9/1935, 11/1937 site Gallica.bnf.fr / BnF, le génie Civil 7/8/1937 et 30/11/1937 site Gallica.bnf.fr / BnF
Autorail SOMUA de type AL12
Encore une curiosité que cet autorail issu de la décennie la plus prolifique en engins automoteurs, celle des années 30. Pourquoi cette asymétrie dans une proportion 1/3 2/3 entre la partie de la caisse avant, celle où il y a le moteur, et la partie arrière qui sert de remorque ?
Si l’on en croit la revue Ferrovissime n° 44 de décembre 2011, le concept de séparation de la partie moteur de celle de la remorque trouve son inspiration dans les automotrices à vapeur du tout début du 20ième siècle comme, par exemple, l’automotrice Valentin Duperrey que vous pouvez voir ci-dessous. Explications données dans la revue citée ci-dessus : « A l’époque, il est facile de comprendre la pertinence de ce concept : le feu, la chaleur, la fumée et le bruit d’une machine à vapeur classique étant peu compatible avec la quiétude qui sied à l’aménagement intérieur d’une voiture voyageur, il est logique de séparer physiquement ces deux parties antinomiques d’un même véhicule automoteur »
La revue « Le Génie civil » du 7 août 1937 propose une autre explication à cette bizarrerie esthétique en précisant que SOMUA avait cherché à concilier les impératifs de longueur que devait avoir cette automotrice avec la possibilité de circuler sur des lignes comportant des courbes de faible rayon notamment la ligne des Alpes sur lesquelles le PLM comptait l’utiliser. La présence d’une articulation répondait à la deuxième explication et le positionnement de cette articulation après la partie moteur plutôt qu’au milieu répondait à la première. Il y a donc plusieurs raisons qui ont milité en faveur de ce choix plutôt disgracieux mais très efficace puisqu’il faisait converger les intérêts des voyageurs (quiétude, confort) avec les impératifs techniques (grande capacité et inscription en courbe).
Caractéristiques générales
L’automotrice était constituée d’un premier élément à deux essieux parallèles moteurs et d’un bissel porteur. La partie remorque reposait sur une crapaudine fixée au châssis de la partie avant et sur un bogie porteur à l’arrière. A noter que le diamètre des roues de la remorque et du bissel était différent de celles de l’engin moteur : 0,86 pour les premières et 1 mètre pour les secondes.
Ces deux unités articulées étaient reliées par une passerelle avec un joint en caoutchouc pour assurer l’étanchéité. Chacune d’elles comportait un poste de conduite.
Le profil des faces d’extrémités fait penser aux autorails Bugatti qui avait repris le profilage de la voiture de course de 1923 du type 32. Voir https://cheminot-transport.com/2021/02/l-autorail-bugatti-ou-le-levrier-sur-rails.html
Long de 25,9 mètres pour une masse de 38,3 tonnes à vide et en ordre de marche, les Somua numérotés ZZ-D 101 à 111 sur le PLM transportaient 66 voyageurs assis répartis en deux classes et 40 debout. En pleine charge, avec les deux tonnes que le compartiment à bagages pouvait contenir, le poids total avoisinait les 48 tonnes.
Le Moteur
Les moteurs diesels sous licence MAN de 8 cylindres en ligne développaient 280 chevaux à 1500 tours/mn. Le PLM, ayant constaté une augmentation du poids du matériel livré par rapport aux spécifications initiales, avait obtenu un surcroit de puissance en les faisant équiper d’une suralimentation. Après adjonction d’une turbo soufflante Rateau, les moteurs développaient 350 chevaux ce qui permettait de biens meilleures performances sur la ligne des Alpes où ils étaient destinés.
Le moteur avec sa transmission mécanique sont représentés dans les coupes verticales et horizontales suivantes. La boite mécanique disposait de 5 vitesses à commande pneumatique par des pistons. L’embrayage automatique Fieux assurait des démarrages très progressifs. Il était constitué d’un conjoncteur qui réalisait l’accouplement du moteur avec la transmission lorsque le couple était suffisant et un coupleur faisant fonction d’embrayage à friction.
La transmission entre l’inverseur et les deux ponts moteurs se faisant par arbres à cardans. Comme pour la boite de vitesse, la commande de l’inverseur s’effectuait pneumatiquement.
Le refroidissement était assuré au moyen d’un radiateur placé sur le toit de façon à assurer son efficacité quel que soit le sens de circulation. Une solution ingénieuse avait été trouvée pour éliminer tout risque de gel en vidangeant les faisceaux de refroidissement par gravité dès l’arrêt du moteur.
Freinage /Attelage/ Chauffage
S’inspirant des véhicules automobiles (Somua était aussi un constructeur de camions), les autorails étaient munis d’un frein à tambour à commande pneumatique sur les roues des essieux moteurs et du bogie. Ce dispositif sera remplacé quelques années plus tard par un frein plus classique avec sabots. La revue PLM rapporte qu’une expérimentation était menée sur un des engins qui était équipé d’un frein électrodynamique. Celui-ci était constitué d’une roue en fer, solidaire de l’essieu, qui tournait entre deux bobines parcourues par un courant fourni par une batterie d’accumulateurs (la possibilité de fournir le courant par une génératrice entraînée par l’essieu était aussi envisagée). Le parcours de la roue en rotation dans le champ magnétique des bobines produisait un couple résistant de freinage qui s’avérait très appréciable dans les descentes sur les lignes à déclivités où les autorails circulaient. Cela fait penser au frein électrique des autocars utilisé en montagne.
Les organes d’attelage automatique étaient du type Willison. Ils seront remplacés par un attelage léger plus classique avec tampons pour pouvoir tracter des remorques standards.
Le chauffage était assuré par une chaudière à charbon à feu continu qui alimentait en eau chaude les radiateurs.
Ci-dessous un essieu moteur avec freins à mâchoires.
Les performances
L'autorail était donné pour 105km/h par la revue PLM de novembre 1936 et 120km/h par la revue de génie civil d’août 1937. On peut penser que le passage du moteur de 280 à 350 ch avait permis ce gain de performance. Toujours d’après la revue du génie civil, la vitesse maximum était atteinte en 3’10’’.
Quant au freinage, les essais avaient montré qu’à 100km/h, il ne fallait que 300 mètres pour s’arrêter.
Carrière et dessertes assurées
Affectés au centre d’autorail d’Avignon, les 11 exemplaires qui étaient destinés initialement à la ligne des Alpes, ont aussi assuré des dessertes entre Montpellier, Nîmes, Le Teil, Marseille, Aix et Toulon tout en conservant la relation sur Grenoble : Marseille/Veynes/Grenoble.
Rebaptisés dans la série ZZS 1 à 11 lors du transfert à la SNCF, ces autorails ont continué leur carrière jusqu’au début des années 60. Entre temps ils avaient encore changé de numérotation pour s’aligner sur celle que la SNCF avait institué en 1948 à savoir les X en s’appelant XS 1 à 11 (S comme Somua). En fait seuls 9 ont été immatriculés puisque deux ont été perdus pendant la guerre.
Ultime précision, les moteurs MAN, en manque de pièces détachées, ont été remplacés par les très célèbres Renault 517 G qui ont équipé bon nombre d’autres autorails.
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